L'ONG Avaaz a organisé cette semaine une installation de rue à Bruxelles pour attirer l'attention des dirigeants européens sur la souffrance des enfants de Gaza.
L'inaction de l'Union européenne à l'égard d'Israël concernant ses actions à Gaza et dans les territoires palestiniens occupés pourrait entraîner une érosion complète de l'ordre international et créer un dangereux précédent, avertit un expert juridique.
"Nous assistons à l'effritement de l'ordre international fondé sur des règles que l'UE est censée défendre et promouvoir", a déclaré Nick Flynn, responsable juridique de l'organisation mondiale de campagne Avaaz, à Euronews, ajoutant que l'inaction pourrait indiquer un manque de leadership "dont d'autres prendront note et qu'ils exploiteront".
La réexamination de l'accord UE-Israël suscite le débat
Cette décision intervient alors que l'Union européenne n'est pas parvenue à se mettre d'accord sur la suite à donner à la réexamination, demandée par la majorité des pays de l'UE, de l'accord de commerce et de coopération conclu avec Israël à la suite de l'offensive à Gaza.
L'UE est actuellement le premier partenaire commercial d'Israël, avec des échanges annuels évalués à plus de 45 milliards d'euros.
La semaine dernière, le service diplomatique de l'Union européenne a constaté qu'Israël avait violé ses obligations en matière de droits de l'Homme à Gaza, citant le blocus de l'aide humanitaire, les frappes militaires contre les hôpitaux, le déplacement forcé des Palestiniens, les arrestations massives et les détentions arbitraires.
Le document cite également l'expansion des colonies illégales dans les territoires occupés et les violences commises par les colons.
L'article 2 de l'accord d'association UE-Israël, un pacte qui définit les relations commerciales et diplomatiques entre les deux parties, stipule que leurs relations "sont fondées sur le respect des droits de l'Homme et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale".
Cependant, après s'être réunis lors du sommet de leur conseil jeudi, les pays européens n'ont pu que convenir de "poursuivre les discussions sur un suivi".
"Israël ne respecte pas les droits de l'Homme à l'heure actuelle, c'est évident, et l'UE devrait agir maintenant", affirme Nick Flynn. "Elle a le pouvoir d'imposer des sanctions significatives à Israël, par exemple en suspendant son statut commercial préférentiel dans le cadre de l'accord d'association".
"Faire entendre la voix des enfants de Gaza dans l'Union européenne"
Nick Flynn s'est adressé à Euronews en marge d'une installation de rue organisée par Avaaz dans la capitale belge, Bruxelles, mercredi et jeudi, qui comprenait des portraits géants d'enfants palestiniens, surplombant des centaines de noms, de fleurs, d'animaux en peluche et d'autres jouets.
Des dizaines de personnes, dont des familles et des enfants, se sont rassemblées pour rendre hommage aux jeunes victimes civiles des opérations israéliennes.
"Nous sommes ici pour faire entendre la voix des enfants de Gaza dans l'Union européenne", déclare l'expert.
L'installation, intitulée "Regardez-les dans les yeux", visait à sensibiliser les dirigeants, les ministres des Affaires étrangères et les chefs d'État européens à la crise humanitaire catastrophique qui sévit actuellement à Gaza et à les inciter à prendre des mesures décisives et urgentes.
Plusieurs médecins bénévoles récemment rentrés de Gaza étaient également présents, notamment le Dr Graeme Groom, un chirurgien orthopédique et traumatologue britannico-irlandais.
Ce dernier a récemment opéré Adam, 11 ans, le seul fils survivant de la médecin palestinienne Alaa al-Najjar, dont les neuf autres enfants et le mari ont été tués lors d'une attaque aérienne israélienne en mai.
Graeme Groom affirme qu'un tiers des patients entrant dans son bloc opératoire sont des enfants et que "tous auraient désormais des corps mutilés ou des membres mutilés".
Des milliers d'enfants ont perdu des membres à la suite des bombardements israéliens. En mars, l'organisation d'aide humanitaire des Nations unies, l'OCHA, a déclaré qu'il s'agissait de la "plus grande cohorte d'enfants amputés de l'histoire moderne".
Un manque critique de nourriture et de médicaments à Gaza
Une autre menace importante pour les enfants de Gaza est l'augmentation de la malnutrition aiguë, avertit le Dr Groom.
"Nous avons appris ce matin (mercredi) qu'il n'y avait plus de lait maternisé. S'il n'est pas fourni de toute urgence, le taux de mortalité chez les nouveau-nés sera astronomique", a-t-il déclaré à Euronews.
Le Dr Groom a observé que l'accès au matériel médical et au financement était de plus en plus restreint, la situation s'étant considérablement détériorée après la fermeture du point de passage de Rafah en mai 2024 avec l'Égypte et depuis le début du blocus de l'aide humanitaire imposé par Israël le 2 mars.
Le chirurgien britannico-irlandais indique que 47 % des médicaments essentiels et 65 % des produits consommables sont épuisés
"Notre allocation en espèces a été réduite de 2 388 € à environ 256 €. Nous avions droit à une valise, qui devait contenir toute la nourriture nécessaire pour 28 jours, nos effets personnels, de l'eau pour quatre jours, et aucun équipement. Nous avons été menacés d'exclusion si nous apportions du matériel, une paire de ciseaux, une suture", ajoute-t-il.
En ce qui concerne l'équipement, le Dr Groom a déclaré à Euronews que les forces israéliennes détruisaient délibérément des machines essentielles lorsqu'elles prenaient le contrôle des hôpitaux.
"À l'hôpital Al-Amal, dans le service de radiologie, ils ont coupé tous les câbles de tous les appareils à ultrasons, qui sont utilisés pour les femmes enceintes et les patients blessés".
Pénurie critique de personnel médical à Gaza
Outre la grave pénurie d'aide et d'équipements médicaux, Gaza est également confrontée à un manque critique de médecins et de personnel médical. Le Dr Groom déclare que lui et ses collègues avaient traité des patients tous les jours pendant plus de trois semaines consécutives, contre deux ou trois jours d'opération par semaine dans des conditions normales.
Malgré ce besoin urgent, il a constaté une augmentation des demandes d'entrée refusées par Israël. Il raconte qu'on lui a refusé l'entrée en février et en mars, sans aucune explication.
"Sur près de 40 personnes inscrites, seules 19 ont été autorisées à entrer. Et parmi ces 19 personnes, il n'y avait qu'un seul médecin", a-t-il déclaré à Euronews.
Le mois dernier, l'UNICEF a déclaré que plus de 50 000 enfants auraient été tués ou blessés dans la bande de Gaza depuis octobre 2023.
"Les enfants de Gaza ont besoin de protection. Ils ont besoin de nourriture, d'eau et de médicaments. Ils ont besoin d'un cessez-le-feu. Mais plus que tout, ils ont besoin d'une action collective immédiate pour mettre fin à cette situation une fois pour toutes", peut-on lire dans la déclaration du Fonds des Nations unies pour l'enfance.
Bien que la réexamination de l'accord UE-Israël soit toujours en discussion, la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a déclaré à Euronews en début de semaine qu'il y avait un consensus pour "faire pression sur Israël", en mettant l'accent sur l'amélioration de la situation sur le terrain et en garantissant que l'aide humanitaire nécessaire parvienne à la population de Gaza.