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Un an après son incarcération en Algérie, l'écrivain Boualem Sansal gracié

Emprisonné depuis un an en Algérie, l'écrivain Boualem Sansal a été gracié, ce mercredi.
Emprisonné depuis un an en Algérie, l'écrivain Boualem Sansal a été gracié, ce mercredi. Tous droits réservés  AP Photo/Markus Schreiber
Tous droits réservés AP Photo/Markus Schreiber
Par Nathan Joubioux
Publié le Mis à jour
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L'écrivain franco-algérien était accusé par Alger d'"atteinte à l'unité nationale" après des déclarations sur une région que se disputent l'Algérie et le Maroc. Il sera transféré en Allemagne, où il sera soigné.

Emprisonné depuis un an en Algérie, Boualem Sansal est un homme libre. L'écrivain franco-algérien a été gracié, ce mercredi 12 novembre, et sera transféré, dans les prochains jours, en Allemagne afin qu'il puisse être soigné.

Un communiqué officiel indique que le président algérien Abdelmadjid Tebboune "a répondu favorablement" à la demande de son homologue allemand Frank-Walter Steinmeier. Pour le convaincre, ce dernier n'avait pas hésité à mettre en avant sa relation avec Abdelmadjid Tebboune et a assuré qu'une grâce présidentielle "serait l'expression d'une attitude humanitaire et d'une vision politique à long terme".

Berlin a précisé prendre en charger le transfert et le traitement de l'écrivain.

Boulaem Sansal avait été inculpé à cinq ans de prison, en juillet dernier, pour "atteinte à l'unité nationale". En octobre 2024, l'écrivain avait donné une interview au média d'extrême droite Frontières, estimant que l'Algérie avait hérité, grâce à la colonisation française, de régions situées dans l'ouest du pays, telles qu'Oran et Mascara, qui appartenait précédemment au Maroc, avait-il affirmé.

Lors du procès, il s'était défendu en déclarant que "[ses] commentaires ou [ses] écrits n'étaient qu'une opinion personnelle, et [qu'il a] le droit de le faire comme n'importe quel citoyen algérien". Atteint d'un cancer de la prostate et alors âgé de 75 ans, l'écrivain avait renoncé à se pourvoir en cassation, ce qui l'aurait rendu inéligible à une grâce présidentielle.

Boualem Sansal, qui a obtenu la nationalité française en 2024, a été primé de nombreuses fois pour ses ouvrages. En 2015, il est lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française pour son roman "2084 : la fin du monde", un roman dystopique se déroulant dans une société islamiste totalitaire à la suite d'une guerre nucléaire. Dix ans plus tard, il reçoit le prix Renaudot du livre de poche pour "Vivre : le compte à rebours".

En novembre 2012, il a également été élevé au rang de Chevalier des Arts et des Lettres pour les combats qu'il a mené tout au long de sa vie, que ce soit pour la paix ou pour la liberté d'expression.

Le soulagement, à gauche comme à droite

En France, cette annonce a été saluée par l'ensemble de l'échiquier politique. Devant les députés, Sébastien Lecornu a exprimé le "soulagement" du gouvernement français. Le Premier ministre a ensuite "remercié du fond du cœur celles et ceux qui ont contribué à cette libération, fruit d'une méthode faite de respect et de calme" et a exprimé son souhait qu'il puisse "rejoindre ses proches au plus vite".

"Enfin gracié !", s'est exclamé sur X Gabriel Attal, chef du parti présidentiel Renaissance. "À travers lui, ce sont la liberté d’expression, le refus de l’obscurantisme et de l’autoritarisme qui étaient faits prisonniers. C’est un soulagement immense. C’est, surtout, la Justice qui l’emporte", a-t-il assuré.

Le patron des députés Horizons, Paul Christophe, a lui aussi, salué la libération de cet "écrivain courageux qui a payé injustement son attachement à la vérité et à la liberté d'expression".

"Je tiens à remercier les autorités allemandes qui sont intervenues pour obtenir la grâce de Boualem Sansal, ainsi que l'ensemble des personnalités qui ont participé à son comité de soutien", a écrit, de son côté, Marine Le Pen, cheffe de file des députés du Rassemblement national.

Le patron des députés Républicains, Laurent Wauquiez, a remercié "ceux qui n’ont jamais renoncé et qui ont porté ce combat pour sa libération". "Boualem Sansal retrouve sa liberté, et avec elle, l’espérance de tous ceux qui croient au pouvoir des convictions", a-t-il écrit.

La gauche aussi se dit soulagée par cette nouvelle. "Boualem Sansal est libre après près d’un an de détention. Merci à toutes celles et ceux qui ont œuvré pour cette libération, avec calme et détermination", a assuré Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes. "Une pensée pour Christophe Gleizes, toujours injustement détenu en Algérie pour avoir fait son travail de journaliste. La France doit tout faire pour sa libération", a-t-elle également appelé.

L'ancien président socialiste François Hollande, désormais député, a adressé à Boualem Sansl "tous [ses] vœux de rétablissement". "J'exprime à ses proches, ainsi qu’à ceux qui se sont mobilisés pour cette cause, toutes mes pensées", a-t-il également écrit, appelant à la libération de Christophe Gleizes. Ce dernier attend son procès en appel le 3 décembre après avoir été condamné, fin juin, à sept ans de prison pour "apologie du terrorisme".

Une relation Paris-Alger au plus bas

L'incarcération de l'écrivain a envenimé les relations entre Paris et Alger. L'année passée, la France avait modifié sa position de longue date en soutenant le plan de souveraineté du Maroc pour le Sahara occidental, ce qui avait suscité l'ire de l'Algérie. Ce territoire, considéré comme "non-autonome" par les Nations unies, fait l'objet, depuis plus de 50 ans, d'un conflit entre le Maroc et l'Algérie.

Certains analystes affirmaient alors que Boualem Sansal est devenu un dommage collatéral dans les retombées diplomatiques plus larges et décrivent les accusations comme un levier politique qu'Alger déploie contre Paris.

En avril, Paris a annoncé mardi qu'elle expulsait douze responsables diplomatiques algériens, au lendemain de l'annonce par l'Algérie de l'expulsion du même nombre de responsables français.

S'en est suivi une escalade entre les deux pays. En août, Emmanuel Macron avait demandé de renforcer les exigences en matière de visa pour les diplomates et les représentants du gouvernement algériens, suspendant ainsi un accord bilatéral conclu en 2013 en raison de prétendues "difficultés migratoires croissantes".

La querelle avait également dépassé les frontières de la France, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau ayant informé les partenaires de l'espace Schengen des nouvelles restrictions, ce qui a conduit un diplomate algérien à se voir refuser l'entrée pour des vacances en Espagne.

La libération de Boualem Sansal est donc un premier compromis réalisé dans ce conflit entre Paris et Alger.

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