Ce mardi 2 décembre, le SNJ et le FIJ ont saisi le parquet national antiterroriste (Pnat) pour protéger les journalistes présents à Gaza. La plainte, visant les autorités israéliennes, s'appuie sur de nombreux témoignages de journalistes français.
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont porté plainte contre X auprès du parquet national antiterroriste (Pnat) à Paris, ont annoncé les deux organisations, ce mardi 2 décembre.
Le SNJ, première organisation de la profession en France, et la FIJ, plus grande organisation du métier au monde représentant 600 000 professionnels dans plus de 140 pays, dénoncent des "entraves massives au travail des journalistes dans les territoires palestiniens occupés".
Selon elles, les autorités israéliennes se sont rendues coupables de "crimes de guerre" visant des journalistes français, ce qui rend le Pnat compétant dans cette affaire.
Pour formuler leur plainte, le SNJ et la FIJ se sont appuyés sur "de nombreux témoignages de journalistes français", est-il écrit dans le communiqué. "Au cœur de cette plainte, il y a le verrouillage médiatique de Gaza, enclave qu’aucun journaliste étranger n’a eu le droit de pénétrer librement depuis le 7 octobre 2023, [...]. Un blackout inédit dans un conflit armé, associé à une répression impitoyable des journalistes et professionnelle des médias palestiniens".
"Un blocage organisé, systématique et prolongé"
Les deux organisations ne visent "pas une personne en particulier". "Les entraves documentées par la FIJ et le SNJ sont commises par des unités militaires, de police, des services douaniers, administratifs, mais aussi de particuliers, des colons implantés dans les territoires occupés", est-il également écrit.
Des entraves qui visent, selon eux, à "empêcher un traitement précis et nuancé des événement pour mieux imposer un narratif à sens unique".
"C'est un blocage qui est à la fois organisé, systématique et prolongé", dénonce Louise El Yafi, l'une des deux avocates ayant rédigé la plainte. "C'est d'autant plus inédit que les journalistes palestiniens sur place, eux-mêmes, travaillent dans des conditions extrêmement dangereuses". À franceinfo, elle assure que cette plainte "touche au cœur même de la démocratie. [...] Quand vous empêchez les journalistes d'accéder à une zone de guerre, vous empêchez la société de comprendre ce qu'il s'y passe", explique-t-elle.
Sur place, les journalistes français ont rapporté avoir essuyé des refus d'accès à certaines zones, ont fait état de contrôles, de menaces ou de saisies de matériel. Certains ont été victimes d'agressions physiques, de mises en joue avec des armes à feu, d'arrestations, de fouilles, d'interrogatoires, de détentions ou d'expulsions arbitraires.
Un journaliste travaillant pour plusieurs rédactions francophones rapporte même une chasse à l'homme durant laquelle il a été poursuivi par "une cinquantaine de citoyens israéliens [munis] d'armes à feu, de bidons d'essence et de bâtons" durant toute une nuit.
"Nous n'acceptons plus que des journalistes français soient empêchés de faire leur travail, menacés, intimidés ou pris pour cibles dans des territoires où le droit international humanitaire s’applique pleinement", rappelle Anthony Bellanger, secrétaire de la FIJ, dans le communiqué. "Cette plainte marque une étape nécessaire : elle rappelle que personne n’est au-dessus du droit international et que la vérité ne se bâillonne pas", assure-t-il.
Au moins 225 journalistes tués en 2025
"C’est la première fois qu’une action judiciaire de cette nature, fondée à la fois sur des entraves systématiques à l’exercice de la profession de journaliste et sur des crimes de guerre visant ces professionnels, est engagée devant une juridiction nationale pour protéger des reporters français en zone de conflit", expliquent les avocates Inès Davau et Louise El Yafi, dans le communiqué. "Elle justifie pleinement la saisine des juridictions françaises lorsqu’un journaliste français est victime d’atteintes à l’exercice de sa mission", assurent-elles également.
La plainte s'appuie sur le droit européen, sur le Pacte international relatif aux droits civils et politique et sur le Code pénale français, précise France info.
En France de nombreuses plaintes ont déjà été déposées, visant principalement des soldats franco-israéliens, l'entreprise d'armement Eurolinks ou des citoyens Franco-Israéliens s'étant rendus complices du crime de colonisation.
Depuis octobre 2023, "au moins 225 journalistes et professionnels des médias palestiniens ont été tués, plusieurs ont été blessés et d'autres sont portés disparus", a recensé la Fédération internationale des journalistes, dans leur dernier bilan publié le 30 octobre dernier.
Le samedi 29 novembre, le ministère de la Santé de la bande de Gaza, sous l'autorité du Hamas, a indiqué que plus de 70 100 personnes ont été tuées par Israël depuis octobre 2023. Depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 10 octobre, au moins 354 Palestiniens sont morts sous les frappes israéliennes, a également révélé le ministère. Ces bilans, régulièrement mis à jour, sont considérés comme fiable par la communauté internationale.