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Instabilité politique en France : quel impact sur l'économie et les investissements ?

Le drapeau français est en berne. Lundi 23 décembre 2024 au Palais de l'Elysée à Paris.
Le drapeau français est en berne. Lundi 23 décembre 2024 au Palais de l'Elysée à Paris. Tous droits réservés  Thomas Padilla/AP
Tous droits réservés Thomas Padilla/AP
Par Doloresz Katanich & Nathan Joubioux
Publié le
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Avec François Bayrou, un troisième gouvernement pourrait tomber en un peu plus d'un an, provoquant de nouveaux risques pour l'économie du pays. Explications.

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En France, l'instabilité politique alimente les craintes de récession. Et malgré les droits de douane imposés par Donald Trump, la croissance de la deuxième économie européenne, certes fragile, a récemment fait preuve d'une résistance surprenante.

Mais alors que l'économie montre des signes prometteurs, la France a un besoin urgent d'assainir ses finances, avec un déficit de 5,8 % du PIB et une dette qui s'élevait à 116 % cette année.

Les tentatives passées de serrer la vis ont conduit à la chute du gouvernement dirigé par Michel Barnier, l'année dernière.

Le lundi 8 septembre 2025, le Premier ministre français François Bayrou pourrait connaître le même sort lors d'un vote de confiance, qu'il a convoqué pour tenter d'obtenir le soutien de l'Assemblée nationale pour son plan d'économies budgétaires de 44 milliards d'euros.

L'opposition, qui constitue la majorité au Parlement, a promis de l'écarter à coup sûr. Mercredi 3 septembre, Jordan Bardella a assuré que la réunion qu'il a eue avec le Premier ministre "ne fera pas changer le Rassemblement national d'avis".

Quels sont les risques pour l'économie du pays ?

Faute de visibilité pour les ménages, les entreprises et les investisseurs, la timide croissance pourrait s'essouffler. Et pour cause : l'économie française peine à prendre de l'élan : la croissance du PIB en glissement annuel est restée inférieure à 1 % depuis le quatrième trimestre 2024.

L'expansion trimestrielle a toutefois progressé de 0,3 % au deuxième trimestre par rapport aux trois premiers mois de l'année. Elle fait suite à une expansion de 0,1 % en glissement trimestriel entre janvier et mars, ce qui témoigne d'une certaine résilience à un moment où le président américain a commencé à imposer des droits de douane à ses partenaires commerciaux.

Parallèlement, de nouvelles données sur l'industrie manufacturière montrent que ce secteur en France a commencé à croître en août, une première depuis deux ans et demi.

Malgré les faiblesses de l'économie française, les analystes estiment qu'il est peu probable qu'elle bascule dans la récession en raison de l'agitation politique. "Les institutions sont fortes", ce qui signifie qu'une éventuelle "transition politique se ferait en douceur", a expliqué, à Euronews, Jérémie Peloso, stratège européen en chef chez BCA Research.

"Cela aurait un impact très limité sur l'activité économique, au-delà de l'incertitude politique et d'un coup porté à la confiance des consommateurs et des entreprises. Mais même là, je pense que l'impact sera limité", a-t-il ajouté.

Cependant, le Medef, la plus grande fédération française d'entreprises, ne partage pas cet avis. Patrick Martin, son président, a averti que l'incertitude politique entraînerait des conséquences immédiates, notamment "le gel des investissements, la perte de confiance, le risque accru de faillites et la destruction d'emplois".

"Si les entreprises ne peuvent pas investir, la croissance et l'emploi s'effondreront et la France risque d'entrer en récession", a-t-il ajouté, précisant que certains secteurs, tels que le BTP, la chimie, l'hôtellerie et la restauration, sont déjà en crise.

Le patron du Medef a également mis en garde contre de nouvelles augmentations d'impôts, qui pourraient limiter l'activité des entreprises, clé de la croissance. Or, la croissance est nécessaire pour réduire le déficit et la dette du pays, a-t-il fait valoir.

Pourquoi la France doit-elle se serrer la ceinture ?

Selon François Bayrou, les réductions de dépenses et les augmentations d'impôts sont nécessaires pour ramener le déficit budgétaire à 4,6 % du PIB, contre 5,4 % prévus cette année. Dans une interview diffusée dimanche soir, le Premier ministre a déclaré que le vote de confiance est crucial pour le destin du pays.

La France se trouve en effet dans une situation financière délicate. Selon l'INSEE, la dette du pays s'élevait à 3 345 milliards d'euros à la fin du premier trimestre 2025. Alors que la dette représentait 60 % du PIB au début des années 2000, elle a gonflé pour atteindre 116 % cette année.

Dans une interview donnée en juin, la ministre du Budget, Amélie de Montchalin, a affirmé qu'il existait "un risque" que la France voit ses finances placées sous la tutelle "des institutions internationales [telles que le Fonds monétaire international (FMI), NDLR], des institutions européennes, de nos créanciers". Une situation à laquelle le Portugal et la Grèce ont déjà été confrontés après la crise financière de 2008.

La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, qui a également dirigé le FMI pendant des années, a toutefois rejeté cette idée lors d'un entretien accordé à Radio Classique, ce lundi. "Les pays se tournent vers le FMI lorsqu'ils sont confrontés à un grave déficit de leur balance des paiements courants et qu'ils ne sont pas en mesure d'honorer leurs obligations. Ce n'est pas le cas de la France aujourd'hui", a-t-elle expliqué, reconnaissant malgré tout être "préoccupée" par la situation française.

Jérémie Peloso est également convaincu qu'un tel scénario ne se produira pas. "La France ne se mettra pas sous la tutelle du FMI. La France n'est pas encore dans la situation de l'Argentine ou de la Grèce", a-t-il assuré.

Même si les rendements des obligations souveraines du pays ont augmenté, signe de l'inquiétude des investisseurs, "la capacité de la France à accéder aux capitaux est intacte, et c'est ce qui compte le plus, en fin de compte", a-t-il expliqué.

Les coûts d'emprunt de la France indiquent actuellement que les paiements nets d'intérêts des administrations publiques avoisinent les 2 % du PIB, ce qui est le niveau le plus élevé depuis dix ans, mais qui reste "quelque peu maîtrisé", a déclaré Jérémie Peloso. Toutefois, selon les tendances actuelles, ce chiffre pourrait augmenter de manière spectaculaire au cours des prochaines années.

Par ailleurs, une autre conséquence de l'agitation politique est que le risque de déclassement de la dette souveraine française."La France verra très probablement sa note de crédit dégradée et sera "expulsée" du club AA (la catégorie des obligations les mieux notées)", a expliqué le stratège européen en chef chez BCA Research, qui prévoit une nouvelle hausse des rendements obligataires si cela se produit.

Implications à long terme d'une paralysie politique en France

Si le gouvernement actuel perd le vote de lundi, certains analystes estiment que le président Emmanuel Macron nommera un autre Premier ministre. "Mais la paralysie politique demeurera", a déclaré Jérémie Peloso.

Jusqu'à présent, aucun gouvernement centriste nommé par le président ne semble pouvoir éviter de tomber lorsqu'il présentera un budget. Les analystes ne s'attendent donc à aucun changement majeur avant 2027, date à laquelle le mandat d'Emmanuel Macron prendra fin et où l'équilibre des forces sera libre de changer.

D'ici là, cependant, l'objectif du prochain gouvernement sera probablement beaucoup plus modeste, a déclaré Oxford Economics dans un rapport récent. Compte tenu de l'environnement politique tendu, la priorité du nouveau gouvernement sera de faire passer un budget sans être renversé. Cela réduit les espoirs d'une consolidation fiscale significative avant au moins l'élection présidentielle de 2027, ce qui signifie que la dette de la France va probablement continuer à augmenter.

Oxford Economics prévoit que la dette publique dépassera le seuil de 120 % du PIB d'ici la fin de 2027.

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