Charbon : "L'Allemagne joue sa crédibilité en matière d'écologie"

Charbon : "L'Allemagne joue sa crédibilité en matière d'écologie"
Par Sophie Claudet
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Claudia Kemfert, spécialiste allemande des questions d'énergie et d'environnement, évoque pour Insiders, les contraintes fortes qui s'exercent sur le gouvernement allemand, notamment la puissance du lobby du charbon, alors que Berlin s'est engagé à abandonner cette source d'énergie.

Dans le cadre d'une édition de notre magazine Insiders consacrée au débat sur la sortie du charbon en Allemagne, nous interrogeons Claudia Kemfert, spécialiste des questions d'énergie et d'environnement de l'Institut allemand pour la recherche économique DIW.

Elle évoque les contraintes fortes qui s'exercent sur le gouvernement allemand, notamment la puissance du lobby du charbon et reconnaît que son pays _"__doit réduire la part du charbon" _dans la production d'électricité (elle atteint près de 40%) et que les Allemands doivent _"être en accord avec leur image de défenseurs de l'environnement à l'étranger." _

Sophie Claudet, euronews :

"Le gouvernement allemand a nommé une commission pour planifier la sortie du charbon, mais nous avons vu qu'une mine déjà très importante est en train d'être agrandie. Faut-il prendre le gouvernement au sérieux quand il dit vouloir renoncer au charbon ?"

Claudia Kemfert, de l'Institut allemand pour la recherche économique DIW :

"Le gouvernement semble sérieux au sujet de l'abandon du charbon parce qu'il veut atteindre ses objectifs climatiques pour 2020 et 2030, mais il fait face à de fortes contraintes et évidemment, le lobby du charbon en Allemagne est très puissant. Nos autorités ont trop tardé à se doter d'un calendrier précis pour la sortie du charbon. Et le résultat, c'est qu'aujourd'hui, il y a d'intenses débats pour savoir quand et comment les centrales à charbon doivent cesser leur activité."

Sophie Claudet :

"Parlons du lobby du charbon. Vous dites qu'il est vraiment puissant. Est-il assez puissant pour influencer les responsables politiques, par exemple ?"

Claudia Kemfert :

"Ce lobby est puissant dans le sens où ils influencent les responsables politiques depuis de nombreuses décennies en Allemagne et en particulier dans l'ouest du pays. Il a tissé un lien fort avec un parti : les Sociaux-Démocrates. Et il est aussi en lien étroit avec les syndicats qui se battent pour sauvegarder chacun des emplois en Allemagne."

"20.000 emplois liés au charbon et 400.000 dans les énergies renouvelables"

Sophie Claudet :

"Rappelons d'ailleurs que les emplois du secteur du charbon sont bien moins nombreux que ceux du secteur des énergies renouvelables."

Claudia Kemfert :

"Effectivement. On compte 20.000 emplois liés au charbon et 400.000 dans les énergies renouvelables."

Sophie Claudet :

"La commission gouvernementale chargée de planifier la fin du charbon, doit donner une date de sortie à la fin de l'année. Quelle sera-t-elle selon vous ?"

Claudia Kemfert :

"On peut renoncer au charbon le plus tôt possible si on le remplace par les énergies renouvelables. Donc il faut faire plus pour augmenter la part des énergies renouvelables, c'est la première chose à faire. Ensuite, on peut fermer immédiatement de nombreuses centrales à charbon parce que leur production électrique est supérieure à nos besoins. Puis on peut réduire progressivement la part de l'énergie produite grâce au charbon d'ici 2030 pour qu'à cette date-là, au maximum, elle soit totalement remplacée par des sources renouvelables. Mais il nous faut un peu de temps pour cela."

Sortie du nucléaire... Et du charbon ?

Sophie Claudet :

"L'Allemagne est censée abandonner l'énergie nucléaire d'ici 2022 et elle veut aussi sortir du charbon à terme. Est-ce raisonnable et réaliste d'agir sur ces deux fronts en même temps ?"

Claudia Kemfert :

"Ce n'est pas en même temps, c'est une chose après l'autre. Nous allons sortir du nucléaire d'ici 2022 et après cela, nous entamerons la sortie du charbon et nous réduirons la part du charbon en la faisant passer de 40% à zéro, petit à petit, d'ici 2030. C'est réaliste si nous augmentons massivement la part des énergies renouvelables."

Sophie Claudet :

"Comment se situe l'Allemagne par rapport aux autres pays européens en matière de consommation et de production de charbon ? Peut-on dire que c'est un mauvais élève ?"

Claudia Kemfert :

"En Allemagne, la part du charbon dans la production d'énergie est très élevée, en particulier pour le lignite qui est responsable de fortes émissions. Donc comparé aux autres pays européens, cette part est très importante. Et nous devons la réduire parce que nous voulons aussi une transition énergétique où les sources renouvelables prennent plus de place et le charbon n'a pas lieu d'être dans ce scénario. Donc nous devons être meilleurs en Europe et montrer que nous prenons la question au sérieux."

Image écolo

Sophie Claudet :

"Comment se fait-il que l'Allemagne est considérée par beaucoup, comme écologiste quand on sait qu'en réalité, elle consomme et produit beaucoup de charbon. Comment réussit-elle à avoir cette image écolo ?"

Claudia Kemfert :

"Oui, c'est la grande question. Nous devons nous pencher sur ce paradoxe parce que nous devons réduire la part du charbon et nous voulons aussi être en accord avec cette image de défenseurs de l'environnement que nous avons à l'étranger. C'est la première étape. Nous devons en apporter la preuve, sinon nous perdrons notre crédibilité."

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