L'UE envisage la création d'un corridor maritime pour l'aide à Gaza, mais le projet rencontre des difficultés

Des camions transportant de l'aide humanitaire pour la bande de Gaza entrent d'Égypte à Rafah le 21 octobre 2023.
Des camions transportant de l'aide humanitaire pour la bande de Gaza entrent d'Égypte à Rafah le 21 octobre 2023. Tous droits réservés AP Photo/Fatima Shbair
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Par Maria Psara & Alice Tidey
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Cet article a été initialement publié en anglais

L'Union européenne étudie les moyens d'établir un corridor maritime afin d'accélérer l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza malgré la destruction des infrastructures portuaires de l'enclave palestinienne.

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Acheminer l’aide humanitaire vers Gaza par voie maritime. C’est un projet exploré par l’UE. Mais l'initiative, rendue publique pour la première fois par le président français Emmanuel Macron à la suite du sommet européen fin octobre s'est heurtée à des défis logistiques et politiques.

Surnommée "Amalthea" d'après la mère adoptive de Zeus dans la mythologie grecque, ce "corridor maritime est l'une des possibilités que nous soutiendrons", a répondu Janez Lenarčič, commissaire européen en charge de la Gestion des crises, lundi à Bruxelles à son arrivée au Conseil des Affaires étrangères.

"Le problème logistique du corridor maritime est qu'il n'y a pas — pour le moment sur la côte de Gaza — d’installation de débarquement et de déchargement qui devrait donc être mise en place", a-t-il ajouté.

Un diplomate européen a ensuite insisté auprès d'Euronews sur le fait que "c'est faisable, s'il existe une volonté politique".

"Livraison progressive à haut volume et à haute fréquence"

Le gouvernement chypriote, qui défend cette initiative, a déjà présenté certains de ses plans à la communauté internationale lors d'une conférence humanitaire à Paris la semaine dernière. Le président, Nikos Christodoulides, a précisé que l'idée "gagnait du terrain et bénéficiait d'un soutien politique en tant que voie durable, fiable, sûre et viable pour l'aide humanitaire à Gaza".

Il a ajouté que son pays était "prêt à travailler en étroite collaboration avec tous ceux qui souhaitent atteindre cet objectif humanitaire".

Le ministre chypriote des Affaires étrangères, Constantinos Kombos, a quant à lui détaillé lundi le plan à ses homologues de l'UE. Il a souligné avant la réunion que trois facteurs sous-jacents soutiennent les actions de Chypre.

"Tout d'abord, la proximité géographique de Gaza ; deuxièmement, l'infrastructure préexistante à Chypre ; et enfin les relations stratégiques avec les principales parties prenantes de la région qui créent une confiance politique", a-t-il résumé.

Chypre fournirait "un centre sécurisé, entièrement surveillé et mis en quarantaine avec diverses options pour la livraison progressive, à haut volume et à haute fréquence" d'aide humanitaire.

Un navire équivaut à 500 camions

Nicosie pense pouvoir y parvenir grâce à son port, décrit comme une structure "de gestion de crise", située à seulement 10 km d'un aéroport, et grâce à son "Center for Land Open Seas and Port Security" (CYCLOPS). Le centre, créé en étroite coopération avec les États-Unis, a été mis en place pour "améliorer le renforcement des capacités en matière de sécurité à Chypre, dans l'UE, dans l'ensemble de la région de la Méditerranée orientale et au-delà".

Le Centre coordonne, contrôle et réalise des opérations de recherche et de sauvetage avec 33 pays partenaires.

Sa proximité géographique avec Gaza — c'est le pays de l'UE le plus proche de l'enclave palestinienne située à environ 210 miles nautiques — signifie qu'il faudrait 11 à 12 heures aux navires pour se rendre de Larnaka à Gaza.

Mais l'un des principaux arguments avancés par le gouvernement chypriote est qu'un navire peut transporter la même quantité de fournitures humanitaires que 500 camions, soit le nombre de véhicules qui traversaient Gaza chaque jour avant la guerre. Aujourd'hui, ce chiffre est tombé à 60 - 70 par jour en raison des contrôles de sécurité et des restrictions à Rafah, le seul point de passage terrestre vers Gaza actuellement ouvert.

Chypre affirme également que ce corridor permettrait d'éviter les retards observés en Égypte, où l'aide humanitaire du monde entier est d'abord envoyée avant de rejoindre la bande de Gaza.

Un "port provisoire"

Mais le port de Gaza a été détruit par les bombardements israéliens en représailles à l'attaque terroriste du 7 octobre menée par le Hamas. Dès lors aucune infrastructure n'est actuellement disponible pour recevoir ces cargaisons.

Une option possible serait d'acheminer l'aide vers un autre port de la région, comme en Égypte. Cela n'est toutefois pas considéré comme la meilleure option car si la route maritime permettrait des livraisons plus rapides et plus abondantes vers l'Égypte, une fois sur place, l'aide subirait les mêmes retards qu'actuellement.

Il est donc préférable de livrer directement à Gaza.

"Nous pensons que la seule possibilité est de construire une sorte de port provisoire ou quelque chose comme le font les militaires", a déclaré un haut responsable de l'UE la semaine dernière. "Cela prend du temps, c'est difficile."

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Des diplomates ont expliqué à Euronews, car il n'y a aucun moyen de savoir combien de temps cette infrastructure serait nécessaire et donc dans quelle mesure elle doit résister.

"Si vous devez transférer de l'aide humanitaire pendant une longue période, vous avez besoin de quelque chose de plus stable. Mais la vérité est que nous ne le savons pas encore", précise un diplomate de l'UE.

L'accord d'Israël ?

Une autre inconnue est de savoir qui recevrait cette aide et la distribuerait à travers Gaza.

Le Croissant-Rouge égyptien est actuellement la seule organisation mandatée par le Caire pour gérer l'aide humanitaire qui entre dans le pays à destination de Gaza, qu'il livre ensuite à son homologue palestinien au terminal de Rafah.

Chypre, ont indiqué des sources diplomatiques à Euronews, discute déjà avec des ONG sur le terrain afin d'être prête si le plan est mis en œuvre.

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Mais il existe une autre limite.

"Nous avons évidemment besoin de l'accord du gouvernement israélien pour ce faire et nous avons besoin de certaines conditions de sécurité pour que cela fonctionne exactement de la même manière que lorsque nous essayons d'acheminer notre aide humanitaire par les différents points de passage de Rafah et entre Gaza et le reste du monde", analyse un responsable de l'UE.

Des discussions avec le gouvernement israélien sont déjà en cours, selon des sources.

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