La Chine intensifie sa réponse à l’augmentation des droits de douane dans l'UE sur les voitures électriques chinoises. Pékin sanctionnera à partir de vendredi le brandy européen, dont le cognac.
La Chine est passée de la menace commerciale à l’exécution. Pékin appliquera à partir de vendredi des mesures temporaires antidumping contre le brandy européen, et principalement le cognac. Les droits de douane pour les entreprises de l'UE pourront atteindre 39%, une hausse qui prendra la forme d'une caution.
Les autorités chinoises ont annoncé mardi leur décision d’imposer cette surtaxe. Le calendrier est donc très court pour les sociétés européennes. La mesure sera particulièrement douloureuse pour le secteur.
"Aujourd'hui, c'est vraiment une nouvelle réalité dans le sens où ça va faire mal", insiste Ulrich Adam, directeur général de spiritsEUROPE, qui représente une trentaine d’associations de spiritueux européens.
"Cela signifie pour la première fois qu'à compter de vendredi, il y aura un impact monétaire réel pour les exportateurs de brandy de l'UE vers la Chine sous la forme de dépôts de garantie supérieurs aux taux de droits provisoires", ajoute-t-il.
L’enjeu pour le secteur est de taille. "La Chine est notre deuxième plus grand marché d'exportation. Et en 2023, nous avons exporté des spiritueux pour environ 800 millions d'euros, 90 % de cette valeur étaient constitués d'eaux-de-vie, principalement de cognac", précise Ulrich Adam.
Officiellement, Pékin affirme détenir des preuves. Le pays a ouvert en janvier de cette année une enquête antidumping sur les importations de spiritueux. Fin août, les autorités chinoises avaient finalement indiqué qu’il existait une menace pour l’industrie chinoise du brandy, sans toutefois passer à l’acte.
Or, la sanction annoncée par la Chine tombe quelques jours seulement après la confirmation de l'UE (le 4 octobre) d'imposer des droits de douane supplémentaires sur les voitures électriques chinoises. Le dossier empoisonne depuis plusieurs mois les relations entre les deux partenaires. Les 27 accusent Pékin de subventionner son secteur industriel.
Cette surtaxe divise cependant les Etats membres. L’Allemagne s’est opposée à la mesure entraînant quatre autres capitales dans sa roue, mais sans pouvoir former une minorité de blocage. A contrario, la France soutient fortement l’enquête antidumping menée par la Commission européenne.
Ces représailles de la Chine cherchent à fracturer plus encore les 27 et s'ajoutent à des menaces similaires contre les produits laitiers et le porc européens puisque des enquêtes antidumping sont menées par les autorités chinoises. L’industrie des spiritueux estime être une victime collatérale des tensions commerciales entre l’UE et la Chine.
"Dans notre cas, nous avons coopéré pleinement avec les autorités chinoises et continuons de le faire. Nous faisons preuve d'une transparence totale dans nos pratiques commerciales et nous sommes pleinement convaincus que les éléments de preuve montrent qu'il n'existe aucune preuve d'un dommage ou d'une menace de dumping", assure Ulrich Adam.
Le terme de guerre commercial n'est pas évoqué par les responsables européens. Toutefois, certains eurodéputés appellent déjà les 27 à faire front commun.
"Nous devons penser comme un seul bloc. Si nous n'agissons pas de la sorte, en trouvant les compromis internes nécessaires, la Chine aujourd'hui, mais aussi à l'avenir, et peut-être d'autres parties du monde, gagneront simplement en compétitivité et se distingueront de nous", explique le député européen Brando Benifei (S&D).
"Il s'agit d'un test pour l'unité européenne. Je pense que sans unité, nous sommes voués à l'échec. Chacun de nos États membres ne peut supporter une guerre commerciale avec la Chine. Cela n'est possible pour aucun de nos États membres", insiste l’élu italien.
La Commission européenne va contester la décision chinoise devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'institution assure "que ces mesures sont infondées" et qu'elle compte "défendre l'industrie européenne contre l'utilisation abusive des instruments de défense commerciale."
Toutefois les négociations entre les deux partenaires devraient s'intensifier d'ici la fin du mois et la mise en œuvre par l'Union des mesures antidumping sur les véhicules électriques venus de Chine.