Les manifestants pro-européens et pro-démocratie ont à nouveau bloqué le Parlement à Tbilissi, certains essayant de forcer les portes métalliques du bâtiment. On rapporte également que les troubles, jusque-là cantonnés à la capitale, se seraient propagés dans la ville de Batoumi, sur la mer Noire.
Des milliers de personnes ont manifesté pour la deuxième nuit contre la décision du gouvernement géorgien de suspendre les négociations d'adhésion à l'Union européenne.
Le ministère de l'Intérieur a fait état de 107 arrestations pour un total de 150 interpellations pendant les deux nuits de protestations.
Dix policiers ont été blessés lors des manifestations. Le ministère géorgien de l'Intérieur n'a pas précisé le nombre de blessés parmi les manifestants.
Les manifestants ont à nouveau bloqué le Parlement dans la capitale Tbilissi, certains essayant de forcer les barrières métalliques du bâtiment.
La police anti-émeute a utilisé des canons à eau pour les éloigner du bâtiment et les a ensuite repoussés le long de l'avenue Roustavéli, le principal boulevard de la ville.
Certains manifestants ont utilisé des poubelles et des bancs pour tenter d'ériger des barricades. Les policiers auraient également fait usage de gaz lacrymogène et de gaz poivré.
Ces affrontements ont suscité la colère de la présidente géorgienne Salomé Zourabichvilli, favorable à l'UE, qui est depuis longtemps en désaccord avec le parti pro-russe Rêve géorgien.
"Une fois de plus, nous assistons à des attaques brutales et disproportionnées contre le peuple et les médias géorgiens, qui rappellent la répression à la russe", a-t-elle déclaré dans un message sur X.
"Ces actions ne seront pas pardonnées ! Les responsables de l'usage de la force doivent être tenus pour responsables".
Mme Zourabichvili a rejoint les manifestants jeudi soir après avoir accusé le gouvernement de déclarer la "guerre" à son propre peuple.
Des affrontements entre la police et les manifestants ont également éclaté tard dans la nuit de vendredi à samedi dans la ville portuaire de Batoumi, sur la mer Noire.
"Nous ne nous battons pas seulement contre le rêve géorgien, nous nous battons contre la Russie, nous nous battons contre l'influence russe dans ce pays. Une quantité énorme de ressources, d'argent et de tout est maintenant mise en œuvre. C'est pourquoi je demande à tous les dirigeants du monde démocratique de soutenir le peuple géorgien. Sanctions, actions, financement, tout doit être fait. C'est très important", a déclaré Giorgi Vashadze, chef de la coalition du mouvement national unifié.
Une victoire électorale contestée
La victoire contestée du Rêve géorgien aux élections législatives du 26 octobre, largement considérées comme un référendum sur les aspirations du pays à rejoindre l'UE, a déclenché des manifestations massives et conduit l'opposition à boycotter le Parlement.
L'opposition a déclaré que le vote avait été truqué sous l'influence de la Russie, qui cherche à maintenir la Géorgie dans son orbite.
L'annonce par le gouvernement de la suspension des négociations d'adhésion à l'UE est intervenue quelques heures après l'adoption par le Parlement européen d'une résolution condamnant le scrutin du mois dernier, jugé ni libre ni équitable, et représentant une nouvelle manifestation du recul démocratique continu "dont le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, est entièrement responsable".
Les observateurs électoraux européens ont déclaré que le scrutin d'octobre s'était déroulé dans une atmosphère tendue, marquée par des cas de corruption, de double vote et de violence physique.
L'UE a accordé à la Géorgie le statut de candidat à l'adhésion en décembre 2023 à condition qu'elle respecte ses recommandations, mais elle a suspendu son adhésion et réduit son aide financière en début d'année après l'adoption d'une loi sur l'"influence étrangère" largement considérée comme un coup porté aux libertés démocratiques.
Les législateurs de l'UE ont demandé instamment que le scrutin parlementaire soit réorganisé dans un délai d'un an, sous une supervision internationale rigoureuse et par une administration électorale indépendante.
Ils ont également demandé à l'UE d'imposer des sanctions et de limiter les contacts officiels avec le gouvernement géorgien.
Le premier ministre géorgien a répliqué en dénonçant ce qu'il a décrit comme une "cascade d'insultes" de la part des politiciens de l'UE et en déclarant que "les malveillants de notre pays ont transformé le Parlement européen en une arme de chantage contre la Géorgie, ce qui est une grande honte pour l'Union européenne".
"Nous poursuivrons notre chemin vers l'Union européenne, mais nous ne permettrons à personne de nous maintenir dans un état constant de chantage et de manipulation, ce qui est tout à fait irrespectueux pour notre pays et notre société", a déclaré Irakli Kobakhidze.
M. Kobakhidze a également déclaré que la Géorgie rejetterait toute subvention budgétaire de l'UE jusqu'à la fin de 2028.
Les critiques ont accusé le Rêve géorgien, créé par Bidzina Ivanishvili, un milliardaire de l'ombre qui a fait fortune en Russie, de devenir de plus en plus autoritaire et de s'orienter vers Moscou.
Le parti a récemment fait adopter des lois similaires à celles utilisées par le Kremlin pour réprimer la liberté d'expression et les droits des personnes LGBTQ+.