Après le pontificat de l’argentin Jorge Mario Bergoglio, le prochain souverain pontife pourrait-il être italien? Dans une Église de plus en plus tournée vers le reste du monde, l'arrivée d'un pape italien est envisageable, même si peu probable.
Avec 15 % d'italiens au sein du Collège des cardinaux, le retour d'un pape italien après le pontificat de Jorge Mario Bergoglio est possible, mais pour l'heure, cette hypothèse semble peu probable.
Au cours des dernières décennies, l'Église catholique s'est clairement orientée vers la voie de l'internationalisation et cherche à se rapprocher des minorités.
Après des siècles de pontificats italiens, l'élection de Jean-Paul II en 1978, premier pape non italien après 455 ans, a marqué un changement de paradigme. Depuis, se sont succédé Benoît XVI, originaire d'Allemagne, et François, originaire d'Argentine, premier pape sud-américain.
Cette orientation reflète une profonde transformation démographique de l'Église. Alors qu'en Europe - et particulièrement en Italie - le nombre de fidèles diminue, les Églises du Sud (Amérique latine, Afrique et Asie) connaissent une forte croissance.
Certains critiques estiment qu'un pape italien pourrait marquer un retour à une Église plus "romaine" et moins synodal.
Le cardinal Pietro Parolin
L'actuel secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Camerlingue, est en charge des affaires courantes du Vatican jusqu'à l'élection du nouveau pape. Il dirigera le conclave qui débutera le 7 mai prochain. Âgé de 70 ans et originaire de Vénétie, il a étudié à l'Académie pontificale ecclésiastique, "école" des futurs ambassadeurs du Vatican. Pietro Parolin fait partie des "Papabili" italiens.
Surnommé "le cardinal silencieux" par certains collègues pour sa capacité à influencer sans jamais s'exposer excessivement, il est connu pour sa sobriété et sa réserve, que certains décrivent comme "presque monastique".
Il est considéré comme l'un des rares hommes de la Curie en qui François avait vraiment confiance. Il s'est souvent vu confier des missions confidentielles et délicates, notamment le dialogue avec la Russie orthodoxe ou encore la gestion des relations avec le gouvernement vénézuélien.
Autre fait majeur : en 2014, lors de la crise en Ukraine, le cardinal Parolin s'est personnellement investi pour maintenir le dialogue avec Moscou, malgré les critiques des milieux occidentaux. Une approche patiente et une vision à long terme, remarquées et appréciées par le pape François.
✔️Ses atouts. Il est le diplomate le plus expérimenté de la Curie romaine. Il a guidé d'une main ferme la politique étrangère du Saint-Siège au cours d'années extrêmement complexes, marquées par des crises mondiales, des tensions internes à l'Église et des défis sans précédent.
Le cardinal Parolin a été le principal artisan de l'accord provisoire entre le Vatican et la Chine sur la nomination des évêques (signé en 2018 et renouvelé en 2020 et 2022), un accord historique - bien que controversé - qui montre sa capacité à traiter même avec des interlocuteurs difficiles et peu transparents.
Il est très apprécié au sein du Collège des cardinaux pour son équilibre, sa discrétion et sa capacité à rassembler différentes sensibilités. Des qualités qui font de lui une figure "sûre" pour beaucoup.
⛔ Ses faiblesses. Un profil très axé sur la diplomatie et les relations internationales, avec peu de liens avec la dimension pastorale concrète. Cela pourrait jouer en sa défaveur dans un conclave dominé par une demande de "proximité" et de renouveau dans la relation entre l'Église et les fidèles. Certains le perçoivent comme trop prudent, presque excessivement diplomatique, sans vision inspiratrice comparable à celle de François ou de Jean-Paul II.
Cardinal Matteo Zuppi
Si Parolin a le profil de "papabile" le plus solide d'un point de vue institutionnel et diplomatique, le cardinal Matteo Zuppi l'est davantage d'un point de vue pastoral et populaire.
Âgé de 69 ans, archevêque métropolitain de Bologne et, depuis le 24 mai 2022, président de la Conférence épiscopale italienne, Zuppi est considéré comme un progressiste modéré. Il est attentif aux questions sociales, à la paix et à l'inclusion, mais sans remettre en question la doctrine catholique. Il n'est pas un théologien révolutionnaire, mais plutôt un pasteur pragmatique, qui propose une Église à visage humain, centrée sur la miséricorde, la proximité et sur un mode de vie qui s'appuie sur l'Évangile.
Il soutient le chemin synodal initié par François, mais cherche toujours un équilibre entre les différentes âmes de l'Église.
Son profil pourrait émerger comme un bon compromis, capable de rassembler le front réformiste et une partie du front modéré. Dans un scénario d'impasse entre les candidats conservateurs et les plus progressistes, Zuppi pourrait représenter le juste milieu, notamment grâce à sa capacité à inspirer la confiance et à construire des ponts.
✔️Ses atouts. Il est connu pour son style mesuré et direct, pour son attention aux plus petits et pour une vision ouverte et non idéologique d'une Église tournée vers le dialogue. Sa longue collaboration avec la Communauté de Sant'Egidio - où il s'est également formé comme médiateur dans les négociations de paix en Afrique, plus particulièrement au Mozambique - lui confère une crédibilité internationale et une sensibilité diplomatique rares parmi les évêques italiens. Il a été nommé, par François, envoyé spécial pour la paix en Ukraine.
Son profil est très proche de la ligne du pape François, à tel point qu'il est considéré dans un certain sens comme " l'Italien le plus franciscain " parmi les cardinaux actuels.
⛔ Ses faiblesses. C'est précisément cette harmonie avec François qui peut représenter un point faible durant le conclave, surtout pour les cardinaux qui voient la nécessité d'un changement ou au moins d'un rééquilibrage après des années d'ouvertures perçues par certains comme trop marquées sur le plan social, migratoire et synodal.
Le cardinal Pierbattista Pizzaballa
Bien loin du cercle curial classique ou de celui du Vatican, Pierbattista Pizzaballa est un franciscain au parcours spirituel et diplomatique solide, ayant accumulé 30 ans d'expérience entre Israël, la Palestine, la Syrie, la Jordanie et le Liban.
Âgé de 60 ans, le Patriarche latin de Jérusalem, Pizzaballa a été formé principalement en Terre Sainte, où il vit en permanence depuis 1990. Il a été Custode de Terre sainte de 2004 à 2016, une fonction très délicate qui a fait de lui une figure de référence parmi les communautés chrétiennes locales et un interlocuteur crédible dans les relations avec le judaïsme et l'islam. En 2020, il est nommé patriarche et en 2022, il devient cardinal sous François.
Son orientation peut être décrite comme très proche de la ligne du pape François : il préfère une Église axée sur le dialogue, qui a le souci des plus pauvres, tournée vers les minorités, engagée dans les processus de paix et convaincue du rôle central de l'Évangile.
Lors des conflits en Terre Sainte, il s'est imposé comme une figure humaine, lucide, capable de gestes radicaux. À l'automne 2023, pendant le conflit entre Israël et le Hamas, Pizzaballa a déclaré publiquement qu'il était prêt à s'offrir comme otage en échange de la libération des enfants kidnappés : un geste hautement symbolique, très apprécié à l'intérieur et à l'extérieur de l'Église.
✔️Ses atouts. Pizzaballa a une expérience internationale non conventionnelle, en dehors des grands centres européens de l'Église. Il est perçu comme une figure libre, même s'il est en phase avec l'orientation pastorale de François. Il est écouté et respecté par les musulmans et les juifs dans les relations locales, ce qui fait de lui un symbole fort pour une Église de plus en plus minoritaire. Son travail en tant que Custode de Terre sainte (2004-2016) a laissé des traces en termes de gestion, d'équilibre et d'écoute des communautés locales. Bien qu'il soit d'origine italienne, ses racines, loin de la capitale, pourraient être un avantage.
⛔ Ses faiblesses. Sa récente nomination en tant que cardinal (2022) pourrait être perçue comme un frein, non pas en raison de son âge, mais plutôt de son expériences et de son réseau.
Il ne bénéficie priori pas d'un grand soutien, mais ce point pourrait favoriser son ascension. Pizzaballa pourrait devenir une alternative face à deux favoris, comme cela s'est déjà produit dans le passé.
Parmi les opposants possibles, on trouve des cardinaux plus étroitement liés aux structures centrales, comme Parolin, et des cardinaux plus conservateurs qui verraient en lui une continuité de la ligne "bergoglienne".