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Louer des places de prison à l'étranger : solution pragmatique ou simple coup politique ?

La prison de Vendin-le-Vieil, dans le nord de la France, est photographiée mercredi 14 mai 2025.
La prison de Vendin-le-Vieil, dans le nord de la France, est photographiée mercredi 14 mai 2025. Tous droits réservés  Michel Euler/Copyright 2025 The AP. All rights reserved.
Tous droits réservés Michel Euler/Copyright 2025 The AP. All rights reserved.
Par Sophia Khatsenkova & Nathan Joubioux
Publié le Mis à jour
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En France, les prisons, qui débordent déjà, continuent de se remplir. Pour contrer le problème, le gouvernement envisage de louer des cellules à l'étranger. Une solution coûteuse qui ne satisfait pas les professionnels du secteur.

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Que faire pour lutter contre la surpopulation carcérale en France ? Le gouvernement assure avoir trouvé la solution : louer des places de prisons dans d'autres pays européens.

Cette idée, lancée par Gérald Darmanin, ministre de la Justice, en mars dernier, a été reprise par Emmanuel Macron lors d'un entretien télévisé sur TF1, mardi 13 mai.

Le chef d'État le sait, il est urgent d'agir. Car en matière de surpopulation pénitentiaire, l'Hexagone continue de battre des records : au 1er mars, 82 152 personnes étaient détenues dans les établissements pénitentiaires français, pour un total de 62 539 places disponibles, ce qui représente une densité carcérale globale de 131,7 %, selon les données fournies par le ministère de la Justice.

Selon une étude du Conseil de l'Europe publiée l'année dernière, la France est le troisième pays européen le plus touché par ce problème, derrière Chypre et la Roumanie.

Louer des cellules à l'étranger, une fausse bonne idée ?

Alors, que faire ? En réalité, la location de places de prison dans un pays étranger n'est pas une idée nouvelle, tant les situations divergent entre les pays européens. En 2021, le Danemark a signé un accord de 210 millions d'euros (article en anglais) pour louer quelque 300 cellules au Kosovo pour une période de dix ans.

Ces derniers mois, l'Estonie a également annoncé vouloir rentabiliser ses prisons à moitié vides, estimant à 30 millions d'euros le revenu annuel potentiel. Un appel entendu par les Pays-Bas et le Royaume-Uni, qui se sont montrés intéressés.

Autre exemple : entre 2010 et 2016, la Belgique a envoyé plus de 650 détenus aux Pays-Bas dans la ville de Tilburg, au sud du pays. Toutefois, ce modèle s'accompagne de problèmes logistiques, juridiques et éthiques, dont certains ont été mis en évidence dans le cadre de ce contrat.

Le président français Emmanuel Macron s'entretient avec un gardien lors de sa visite à la prison de Vendin-le-Vieil, dans le nord de la France, le mercredi 14 mai 2025.
Le président français Emmanuel Macron s'entretient avec un gardien lors de sa visite à la prison de Vendin-le-Vieil, dans le nord de la France, le mercredi 14 mai 2025. Michel Euler/Copyright 2025 The AP. All rights reserved.

"Les Pays-Bas ont loué ses places de prison à la Belgique avec son propre personnel, mais en vertu de la loi belge. Le personnel néerlandais a dû être formé pour comprendre le fonctionnement des prisons belges", explique, à Euronews, Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, un organisme public indépendant chargé de contrôler les prisons françaises.

"D'autre part, les visites des familles étaient extrêmement compliquées en raison des visas, de la distance. Finalement, la Belgique a abandonné", poursuit-elle, assurant ne pas voir l'intérêt de retenter l'expérience.

Un dispositif coûteux...

Pour Annabelle Bouchet, secrétaire générale adjointe du syndicat de l'administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU), la mise en œuvre d'une telle idée est "très difficile", notamment à cause du coût que cela engendrait. "Aller à l'étranger pour louer des locaux, ça a un coût. Et aujourd'hui, l'état des finances publiques françaises est tel qu'il faut faire des coupes budgétaires partout. Je ne vois pas comment il pourrait être rentable d'envoyer des condamnés dans un autre établissement hors de nos frontières", a-t-elle expliqué à Euronews.

Les accords passés par les autres pays européens étayent son propos. L'accord conclu entre le Danemark et le Kosovo s'élève à près de 200 euros par détenu et par jour. L'expérience néerlandaise a, de son côté, coûté 40 millions d'euros par an à Belgique, en partie à cause des coûts liés au personnel.

Aujourd'hui, la France dépense déjà entre 100 et 250 euros par jour par détenu, selon le type d'établissement, selon TF1.

... et loin d'être idéal

Annabelle Bouchet pointe un autre problème. Selon celle qui est également agente de probation, placer les prisonniers loin de leurs familles et de leurs réseaux de soutien ne ferait qu'affecter négativement leur réinsertion.

"Expulser des personnes qui ont été condamnées et incarcérées signifie qu'elles sont loin de leur famille, mais aussi des bassins d'emplois et des acteurs qui leur permettront de se réinsérer dans la société", a-t-elle assuré.

Selon les personnes travaillant dans ce domaine, l'envoi de détenus à l'étranger ou la construction de nouvelles unités ne résoudra pas la surpopulation carcérale.

En revanche, des solutions existent. Annabelle Bouchet estime que des peines alternatives et une meilleure prise en charge de la santé mentale et des addictions pourraient contribuer à réduire la population carcérale : "Aujourd'hui, toutes les personnes qui sont malades et qui commettent des délits en raison de leur dépendance ou de leurs problèmes de santé mentale ne devraient pas être en prison. Il faut réfléchir à une autre solution, car la prison n'est pas la réponse à tout."

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