La perspective de voir le président russe - qui est recherché par la CPI pour crimes de guerre - entrer sur le territoire de l'Union européenne a dominé la réunion des ministres des Affaires étrangères ce lundi.
Les Européens sont partagés entre espoir et inquiétude en amont du prochain sommet entre les présidents américain Donald Trump et russe Vladimir Poutine, qui devrait se tenir dans les semaines à venir dans la capitale hongroise, Budapest.
Si ce sommet a lieu, ce serait la première fois depuis le début de l'invasion de l'Ukraine en 2022 que le chef du Kremlin, sous le coup de sanctions et d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), mettrait les pieds sur le sol européen.
Vladimir Poutine recherché pour crimes de guerre en Ukraine
Alors qu'ils se réunissaient lundi à Luxembourg, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne se sont efforcés de trouver un équilibre entre le soutien à la diplomatie de Donald Trump et la défense de l'autorité de la CPI, qui recherche activement Vladimir Poutine pour la déportation et le transfert de dizaines de milliers d'enfants ukrainiens.
La Hongrie reste partie à la CPI jusqu'à ce que son retrait prenne effet l'année prochaine, mais le pays a déjà ignoré un mandat d'arrêt lancé contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
"Il est regrettable qu'une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI se rende dans un pays européen", a admis la cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas.
"La question est de savoir s'il y a une issue à tout cela. Nous devons voir comment ces choses se dérouleront à Budapest, car nous avons été très fermes sur le fait que la Russie ne négocie que lorsqu'elle est sous pression. Nous espérons donc que le président Trump le fera".
Le ministre lituanien des Affaires étrangères, Kęstutis Budrys, a été plus direct dans son évaluation.
"Il n'y a pas de place pour les criminels de guerre en Europe", a-t-il déclaré à son arrivée. "Nous devons respecter les principes de l'Europe sur lesquels nous nous sommes tous mis d'accord, et le seul endroit pour Poutine en Europe est La Haye, devant le tribunal, et non dans l'une de nos capitales".
Quant au ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, il estime qu'il est "utile" que Washington poursuive ses contacts bilatéraux avec Moscou, mais affirme que la présence de Vladimir Poutine sur le territoire de l'Union européenne "n'a de sens que si elle conduit à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel".
"Vladimir Poutine a intérêt à accepter le principe d'un cessez-le-feu immédiat parce que le temps joue contre lui", a déclaré M. Barrot, faisant référence à l'impact des sanctions de l'UE.
De son côté, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a déclaré que Budapest n'était "pas le meilleur lieu pour cette réunion", tout en assurant être prêt à s'y rendre.
"Si je suis invité à Budapest, s'il s'agit d'une invitation sous la forme d'une rencontre à trois, ou comme on l'appelle, d'une diplomatie itinérante, où le président Trump rencontre Poutine et où le président Trump me rencontre, alors, sous une forme ou une autre, nous nous mettrons d'accord", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.
La ligne de contact
La réunion des ministres des Affaires étrangères de lundi intervient quelques jours seulement après que Donald Trump s'est entretenu par téléphone avec Vladimir Poutine et a reçu Volodymyr Zelensky, à la Maison Blanche.
Après la rencontre avec le président ukrainien, le président américain a déclaré que les deux parties devraient "s'arrêter là où elles en sont, les lignes de combat".
"Rentrez chez vous, arrêtez de tuer des gens et finissez-en", a-t-il déclaré sur Air Force One.
La diplomatie changeante de Washington a une fois de plus alimenté les craintes que la sécurité de l'Europe soit décidée sans la présence des Européens.
"Voyons ce qui se passera, quel type de réunion aura lieu et où elle aboutira", a déclaré la Finlandaise Elina Valtonen. "En fin de compte, personne ne peut décider à la place de l'Europe ce qui relève du pouvoir de décision de l'Europe".
Toutefois, contrairement à la réunion d'Alaska en août, un dirigeant européen sera présent cette fois-ci : Viktor Orbán. Mais le fait que le Premier ministre hongrois, qui a constamment fait dérailler le soutien collectif à l'Ukraine, soit l'hôte de la réunion a encore renforcé les inquiétudes.
Un projet de prêt de 140 milliards d'euros à l'Ukraine
Le Danois Lars Løkke Rasmussen a tenté d'apaiser les inquiétudes en déclarant que Budapest servirait "simplement de lieu de réunion", sans pouvoir fixer l'ordre du jour.
"Je ne peux rien faire à ce sujet, si ce n'est souligner que nous sommes aux côtés de l'Ukraine et que nous soutenons la proposition du président américain d'un cessez-le-feu à la ligne de contact. Rien de plus", a déclaré le ministre aux journalistes.
Son homologue espagnol, José Manuel Albares, a exprimé un message similaire en encourageant les Européens à "se demander ce que nous pouvons faire" pour renforcer l'aide à l'Ukraine et défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale.
"C'est ce que nous devons faire aujourd'hui, plutôt que de nous demander ce que les autres vont faire", a-t-il déclaré.
Bruxelles travaille actuellement sur une initiative inédite consistant à utiliser les liquidités des avoirs gelés de la Russie pour accorder un prêt de 140 milliards d'euros à l'Ukraine afin de couvrir ses besoins financiers et militaires à long terme.
Parallèlement, le 19e train de sanctions à l'encontre du Kremlin est presque prêt à être mis en œuvre, la Slovaquie étant la dernière à s'y opposer pour des questions sans rapport avec le sujet(lien en anglais).
En outre, l'UE réfléchit à de nouveaux plans d'intervention sur les navires de la "flotte fantôme" russe, soupçonnés de permettre des actes de sabotage contre des infrastructures critiques.