Existe-t-il encore dans l'UE des restrictions aux dons de sang fondées sur l'orientation sexuelle ?

Une personne donne du sang à la Croix-Rouge américaine lors d'une collecte de sang en janvier 2022.
Une personne donne du sang à la Croix-Rouge américaine lors d'une collecte de sang en janvier 2022. Tous droits réservés Lindsey Shuey/Republican-Herald via AP, File
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Par Lauren Chadwick
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À l'occasion de la Journée mondiale du don de sang, Euronews se penche sur les différences entre les règles qui encadrent le don de sang dans l'Union Européenne.

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Un grand nombre de pays de l'UE ont déjà supprimé les interdictions ou les périodes d'exclusion pour les dons de sang des personnes homosexuelles, après des critiques d'organisations LGBTQI+

Les restrictions aux dons de sang fondées sur l'orientation sexuelle remontent à l'épidémie de VIH/sida qui a débuté dans les années 1980, lorsque les chercheurs ont commencé à découvrir que le sida pouvait être transmis par le sang.

Certains pays de l'UE imposent désormais des périodes d'exclusion de comportements sexuels à risque; au lieu d'une abstinence sexuelle spécifique en fonction du sexe du partenaire d'une personne.

D'autres pays continuent eux, d'interdire purement et simplement les dons de sang aux hommes homosexuels ou bisexuels.

"Ces mesures destinées à prévenir la contagion ont contribué à la stigmatisation de ces communautés", pointe la section européenne de l'Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes (ILGA-Europe) dans un communiqué publié le mois dernier.

"Aujourd'hui, grâce aux progrès des tests et à une meilleure compréhension des virus transmis par le sang, les banques de sang sont désormais en mesure de garantir des dons plus sûrs", fait valoir l'association.

Des chercheurs britanniques et grecs avançaient en 2017 que les interdictions de dons de sang étaient, dans le passé, liées à la forte prévalence du VIH et du sida chez les personnes homosexuelles mais qu'elles étaient aujourd'hui dépassées.

"L'interdiction faite aux personnes homosexuelles de donner leur sang a été mise en œuvre il y a plus de 30 ans", déclarent-ils dans le Pan African Medical Journal. "Dans les années 80, l'épidémiologie était différente et il semble non seulement hypocrite mais aussi naïf de s'appuyer sur des politiques qui sont largement dépassées et démodées."

Le scandale retentissant de la contamination du sang dans les années 1970 et 1980, au cours duquel des milliers d'hémophiles ont reçu du sang contaminé par le VIH, a également influencé les mesures de sécurité en matière de transfusion sanguine.

Fabrice Pilorgé, directeur du plaidoyer à l'organisation française à but non lucratif AIDES, qui travaille sur la prévention du VIH depuis 20 ans, explique que les règles encadrant le don de sang se concentrent sur la sécurité des transfusions et s'efforcent d'éliminer tout risque de contamination. Il ajoute qu'il existait plusieurs outils pour garantir qu'il n'y ait pas de transmission du VIH, notamment les tests sanguins.

Les règles encadrant le don de sang changent en Europe

Katrin Hugendubel, directrice des activités de plaidoyer de l'ILGA-Europe, explique elle, que 11 pays européens, dont la France, la Lituanie ou encore la Slovénie, ont récemment abrogé les règles relatives au don de sang qui excluaient spécifiquement les personnes en raison de leur orientation sexuelle. "Les comportements à risque devraient déterminer qui peut donner du sang", avance-t-elle.

Euronews
Les règlementations du don de sang des hommes homosexuels en Europe. Bleu marine : autorisé. Vert : période de restriction. Bleu ciel : interdit.Euronews

Les hommes homosexuels étaient interdits de don du sang en France jusqu'en 2016, date à laquelle ils devaient s'abstenir de toute relation sexuelle pendant un an pour pouvoir le faire. Cette période a été réduite à quatre mois en 2019 avant d'être levée le 16 mars 2022. "Plus aucune question ne fait référence au sexe du partenaire sexuel du donneur de sang", fait valoir l'Etablissement français du sang à Euronews.

Toutefois, une période d'exclusion de quatre mois est toujours prévue pour les personnes tatouées, percées ou ayant eu plus d'un partenaire au cours de cette période, comme c'est le cas dans la plupart des pays.

Fabrice Pilorgé conteste la manière dont le ministère français de la santé a publié la modification de 2022. Pour lui, le plus important est de réduire le risque résiduel de contamination. "Avec l'évolution technologique de la science, le risque ne devrait que diminuer parce qu'aujourd'hui les tests sont de plus en plus fiables", ajoute-t-il.

Il souligne également qu'il existe des différences épidémiologiques et culturelles entre les pays qui devraient influencer la manière dont ils posent les questions sur les formulaires de don de sang.

"La contamination en France est similaire à celle du Royaume-Uni, mais pas à celle de l'Italie, de l'Espagne ou de l'Allemagne. Nous ne sommes pas dans le même contexte épidémiologique", explique-t-il.

La Grèce a également levé l'interdiction faite aux hommes homosexuels et bisexuels de donner leur sang au début de l'année 2022 par le biais d'un décret ministériel.

La même année, l'Autriche a modifié les règles relatives au don de sang pour mettre l'accent sur les comportements sexuels à risque, levant également l'interdiction des dons de sang pour les citoyens transgenres et non binaires.

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Le gouvernement allemand s'est, quant à lui, engagé à mettre fin à la période d'abstinence sexuelle de quatre mois précédant le don de sang pour les hommes bi et homosexuels.

"La question de savoir si l'on peut être donneur de sang est une question de comportement à risque plutôt que d'orientation sexuelle", a rappelé le ministre de la santé, Karl Lauterbach, cité par la Deutsche Welle

"Lorsque nous examinons le nombre d'infections par le VIH en Allemagne, nous constatons que le nombre d'hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes qui contractent le VIH diminue continuellement depuis plus de dix ans, alors que le nombre d'infections par le VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des femmes augmente", souligne Kerstin Thost, porte-parole de l'Association des gays et lesbiennes d'Allemagne.

"Toutes les personnes qui ont des activités sexuelles ont la possibilité de pratiquer le sexe à moindre risque afin d'éviter de manière fiable les IST. Il n'est pas nécessaire d'exclure les hommes gays, bisexuels et homosexuels de la société démocratique en les empêchant de donner leur sang".

Périodes d'exclusion et autres lignes directrices

Plusieurs pays de l'UE en revanche prévoient encore des périodes d'exclusion pour les hommes qui ont eu plus d'un partenaire sexuel masculin.

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En Belgique, par exemple, les hommes ayant eu des rapports sexuels avec un autre homme ne peuvent pas donner leur sang pendant un an, période qui devrait être ramenée à quatre mois en juillet.

Un porte-parole du ministère luxembourgeois de la santé explique à Euronews que la période d'exclusion pour les personnes ayant plusieurs partenaires sexuels est en général de 12 mois, car elles sont considérées comme "à risque" pour les maladies sexuellement transmissibles.

En Croatie, les hommes homosexuels ne sont pas autorisés à donner leur sang.

Irena Jukić, directrice de l'Institut croate de médecine transfusionnelle, a été citée par les médias croates comme ayant déclaré plus tôt cette année que cette politique ne "discrimine pas les personnes en fonction de leur orientation sexuelle".

"Mais nous devons procéder à une évaluation des risques et si nous savons qu'il existe quelque part un risque légèrement plus élevé, nous devons le réduire autant que possible."

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Entre-temps, l'institut roumain de transfusion sanguine considère que " les personnes qui ont des relations sexuelles avec des partenaires du même sexe " constituent un facteur de risque pour le don de sang.

Les personnes en contact avec le VIH et d'autres maladies sexuellement transmissibles figurent dans cette même catégorie. Le fait de ne pas déclarer l'un des facteurs de risque constitue un délit et est punissable, selon les directives roumaines.

Pour Fabrice Pilorgé, le don de sang doit être considéré comme un service rendu aux malades plutôt que comme un droit individuel. "Ce n'est pas le don de sang par les personnes homosexuelles qui est en cause, c'est la sécurité transfusionnelle et le fait d'avoir suffisamment de sang et de plasma pour nos besoins", explique-t-il à Euronews.

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