Survivants d'Auschwitz : libérés mais pas libres

Survivants d'Auschwitz : libérés mais pas libres
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Par Euronews
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Peut-on revenir fouler une terre imbibée de sang et de cendres sans réveiller l’horreur ? Comment vivre une vie ordinaire quand on a connu les

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Peut-on revenir fouler une terre imbibée de sang et de cendres sans réveiller l’horreur ? Comment vivre une vie ordinaire quand on a connu les barbelés et les fours crématoires ? Telles sont les questions qui ont hanté ou hantent encore les survivants de l’Holocauste.

“ Je ne pouvais pas ! C‘était plus fort que moi ! “ confie Claude Bloch. “ J’avais ces souvenirs qu’on pataugeait pendant les appels, qu’il ne fallait pas bouger, qu’on avait de la neige jusqu’aux chevilles au moins. En 1983, je suis revenu, non pas pour moi, je connaissais, mais parce que ma mère y est restée. “

Claude Bloch a vu sa mère pour la dernière fois sur la voie ferrée d’Auschwitz-Birkenau, juste avant qu’elle soit conduite avec d’autres femmes vers les chambres à gaz. Claude a attendu près d’un demi-siècle avant de revenir. Puis il y est retourné plusieurs fois par an. En mémoire de ses proches, mais aussi pour transmettre son expérience aux jeunes générations.

Survivre au cauchemar des camps de concentration nazis… Pour ceux qui en sont revenus, l’histoire est presque toujours la même : la difficulté à se faire entendre, à faire entendre l’horreur. “ Nous arrivions un an plus tard quand la France a commencé à rire et à chanter,” explique Francine Christophe. “ Et nous arrivions avec des histoires horribles, des regards insupportables parfois, donc, beaucoup de gens n’ont pas voulu nous entendre parler… J’ai bien essayé de parler une ou deux fois aux camarades d‘école mais ils me prenaient pour une folle. Est-ce que c‘était crédible ce que je racontais ? Non. Est-ce que ça pouvait avoir existé? Non.”

Ce scepticisme a profondément choqué Benjamin Orenstein. “ Pour moi, c‘était insupportable d’entendre dire que les chambres à gaz n’avaient pas existé… Non seulement parce qu’on les a tués mais on leur volait leur mort aussi… Je suis entré, si vous voulez, dans la bataille contre négationnisme “.

Juif polonais, Anatoly Vanukevich est passé par Auschwitz et plusieurs autres camps nazis. Après la guerre, il a vécu du côté soviétique du rideau de fer. Staline soupçonnait les survivants des camps de concentration d‘être des espions à la solde de l’Occident. Aussi, nombre d’entre eux ont été envoyés au goulag.

“ Je sais que certaines femmes essayaient d’effacer chimiquement le matricule tatoué sur leur bras,” se souvient-il. “ Staline n’a pas reconnu comme victimes ceux qui étaient dans les camps de concentration. Notre Union des jeunes prisonniers n’a été créée qu’en 1958, bien après la mort de Staline. On avait alors 160.000 adhérents. “

Anatoly Vanukevich estime avoir eu de la chance après-guerre. Embauché comme commis de cuisine, il a retrouvé la santé, a pu étudier et faire une carrière scientifique. Mais le souvenir d’Auschwitz ne l’a jamais quitté – son portail avec une flèche à sens unique, les montagnes d’objets accumulés près du crématorium. “ On a été libéré, mais nous n‘étions pas libres “ – une phrase prononcée par de nombreux survivants. Tous ont dû réapprendre à vivre.

“ J’ai repris très vite ma vie normale. Parce que j’ai eu une chance extraordinaire : j’ai retrouvé mes deux parents et ça, c‘était rare,” souligne Francine Christophe. Benjamin Orenstein, lui, vit encore avec le traumatisme. “ Est-ce que je suis devenu un homme normal ? Je ne peux pas répondre à ça. On paraît normal. Je parle devant un micro. Je conduis même une voiture. Je regarde la télé, Euronews des fois aussi. Je parais normal, mais ce n’est pas le cas… Parce qu’en nous il y a quelque chose qui est cassé à l’intérieur, et on ne retrouve pas la pièce de rechange. C’est à tout jamais … “

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