Enterrer les morts de la guerre, 70 ans après

Enterrer les morts de la guerre, 70 ans après
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Par Andrei Belkevich
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Fouiller encore, et encore dans la terre humide, au milieu des vastes forêts russes… Chaque printemps, depuis des années, des bénévoles partent ainsi à la recherche des soldats tombés pendant la Seconde Guerre mondiale.

“D’abord, dit ce volontaire, j’ai repéré le masque. Sous le masque, il y avait un crâne écrasé. Et là, vous pouvez voir la clavicule, et les os de la main.”

Ce sont les restes de l’un de ces 4,5 millions de soldats soviétiques disparus pendant la Guerre, quelque part entre Moscou et Berlin.

70 ans plus tard, la plupart d’entre eux n’ont jamais été retrouvés. Alors, ces volontaires de l‘équipe “Obélisque” entreprennent des fouilles, dans la région de Smolensk, à 300 kilomètres à l’ouest de Moscou.

“Il y a au moins deux personnes ici. Quatre jambes. Pour l’instant, une seule identification militaire. Un médaillon, avec une note dedans. Nous avons de bonnes chances de pouvoir le déchiffrer.”

Des médaillons d’identification, des casques, des armes, des grenades, usés, rouillés, retrouvés dans la forêt, et qui ensuite font l’objet d’une exposition dans une école de Moscou.

Un médaillon en bon état, un bout de papier préservé, une note déchiffrable, c’est ce que recherchent patiemment ces hommes, dans le but d’identifier un soldat défunt, et de pouvoir retrouver ses parents.

Mikhail Polyakov, chef d‘équipe :
“Voici la photo d’Andrey Ilshaev. Nous avons retrouvé son médaillon, et dedans, il était écrit qu’il était originaire de la région de Moscou, du district de Mytishchi, village de Tarasovskaya. Ces informations en poche, j’ai pris le train et je me suis rendu jusqu‘à ce village, j’ai trouvé la rue mentionnée dans le médaillon, le numéro de la maison… Alors j’ai ouvert le portillon du jardin et j’ai vu une femme âgée, une babouchka, qui sortait de la maison, je lui ai demandé: “s’il vous plaît, est-ce qu’un certain Andrey Ilshaev a vécu ici?”. Elle m’a regardé fixement et elle m’a répondu:
“oui, c‘était mon mari. En février 1942, il est parti à la guerre, et depuis, je n’ai jamais plus eu de ses nouvelles.”

Mais trouver un médaillon d’identification, une chaîne, des effets personnels avec un nom, c’est très rare. Sur plus de deux mille soldats retrouvés par “Obélisque”, seuls 74 ont été identifiés.

Dmitry Kluchnikov fait partie de l‘équipe:
“Nous travaillons sur des sols la plupart du temps argileux et acides. Voilà pourquoi tout se décompose ainsi. Vous trouvez une dépouille. Et si vous voulez la soulever, elle va sans tomber en poussière. Avec un sol acide, il y a très peu de chances de retrouver des matières organiques. La réaction chimique a eu lieu, et il y a seulement des bouts de squelette”.

Ces restes de soldats non identifiés sont enterrés dans de petits cimetières, parfois dans la forêt, mais toujours avec les honneurs militaires et selon les rites orthodoxes.

Quand on demande à ces hommes pourquoi ils sont là, la plupart évoquent l’histoire de leur famille: un grand-père, tué à la guerre, un autre disparu.

Nikita et Mariana sont élèves dans l‘école qui abrite le musée. C’est la première expédition de Mariana, la 3e pour Nikita. Il a fabriqué des miniatures de véhicules de la Seconde Guerre mondiale.

Nikita Tarassenkov:
“Je veux juste que les gens sachent que ces soldats se sont battus pour notre pays, je ne veux pas qu’ils soient oubliés”.

Mariana Chudinova:
“Mon grand-père a été tué à la guerre, et bien des années plus tard, il a été retrouvé. Ca m’a rendu heureuse d’apprendre que ses restes avaient été préservés et qu’il allait avoir une vraie tombe.”

“Une guerre n’est pas terminé tant que le dernier de ses soldats n’est pas enterré”, disent les Russes. Pour beaucoup en Russie aujourd’hui, la Seconde Guerre mondiale est pas encore finie. Et chaque printemps, des centaines de bénévoles arpentent ces forêts sombres et humides. Pour enterrer leurs soldats. Et enterrer la guerre.

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