La mer Egée, la porte de l'Europe pour les réfugiés en Turquie

La mer Egée, la porte de l'Europe pour les réfugiés en Turquie
Par Beatriz Beiras avec PAUL MCDOWELL
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Entretien avec Bruce Reid de la Fédération internationale de sauvetage maritime, organisation à but non-lucratif.

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Tous les jours, depuis le premier janvier 2016, environ 2 000 migrants parviennent à atteindre la Grèce par la mer. A ce rythme, l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM, estime qu’un million de personnes aura atteint les côtes helléniques par voie maritime d’ici la mi-mars, soit autant que sur toute l’année 2015.

Ils partent de la Turquie, toute proche,ils embarquent la plupart du temps dans des canots pneumatiques, après avoir attendu un passeur. Femmes et enfant sont de plus en plus nombreux à bord, il y a d’ailleurs souvent plus de passagers que de places… Le risque de chavirer est grand, mais ils le prennent.

Selon l’OIM, ce sont donc près de 130 000 personnes qui sont arrivées par la mer en Grèce et en Italie depuis le début de l’année. Et 418 personnes qui sont mortes pendant ces périlleuses traversées.

L’Italie ne compterait qu’un peu plus de 9 000 arrivées. Ce qui s’explique : la traversée de Méditerranée au départ de la Libye est plus dangereuse que celle
de la mer Égée.

Ces 9 premières semaines, les associations et autorités ont aussi dénombré 77 enfants morts en mer Égée, soit plus d’un décès par jour.

Et le drame continue, bien que la Turquie mène quelques opérations contre les passeurs, elle ne semble pas faire le maximum.

Il y a trois mois, l’Union européenne a arraché un accord à la Turquie pour qu’Ankara l’aide à lutter contre la pire crise migratoire de son histoire depuis 1945. Mais depuis, la Turquie n’a reçu aucun euro des trois milliards d’euros promis alors par Bruxelles…

La principale destination des réfugiés est l’Allemagne qui, comme le reste de l’UE, cherche à freiner voire à stopper le flux de migrants en Turquie. La chancelière Angela Merkel a rencontré le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu le 8 février à Ankara.

Trois jours plus tard, les 28 ministres de la Défense de l’OTAN donnaient leur feu vert pour une opération de surveillance des frontières turques en mer Egée.

Il n’est pas question de stopper ou de renvoyer les bateaux de réfugiés. L’OTAN contribuera à rassembler des informations et à surveiller pour aider à lutter contre les réseaux criminels de trafiquants d‘êtres humains“, expliquait alors le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.

La mission de l’OTAN, qui refusait de s’impliquer jusqu’ici, doit se faire en coopération avec les garde-côtes, mais pour l’instant les trois navires envoyés ne sont toujours pas déployés dans les eaux territoriales turques faute d’autorisation d’Ankara. La question de la zone d’opérations est très sensible entre la Turquie et la Grèce, et il reste à se mettre d’accord sur le destin des migrants qui seraient interceptés…

Entretien avec Bruce Reid, le directeur général de la Fédération internationale de sauvetage maritime “Pouvez-vous nous donner une idée des défis spécifiques que doivent relever les équipes de recherche et de sauvetage en Méditerranée et en mer Egée ?

Bruce Reid : “Oui, je pense que ce que nous voyons en Méditerranée en ce moment est sans précédent si l’on évoque le sauvetage en mer d’un aussi grand nombre de personnes qui cherchent à traverser sur des embarcations instables, qui ont tendance à être surchargées, c’ets une situation qui pousse vraiment les services de secours aux limites de leur capacité.”

Vous voulez aider les gouvernements et les organismes à améliorer leurs capacités de sauvetage en mer ou à créer ce dispositif. Cela doit évidemment être fait dans un contexte légal. A quel point est-ce difficile ?

Bruce Reid: “La chose la plus importante que les gens doivent savoir, notamment les ONG qui travaillent dans ces eaux, c’est que le pays est responsable de ces eaux.

Les gouvernements ont une responsabilité légale de recherche et de sauvetage dans l’espace maritime, de sorte que toute activité qui est entreprise doit être coordonnée au sein de ce cadre, et c’est un domaine que nous travaillons avec les ONG pour s’assurer qu’elles sont en contact étroit avec les gardes-côtes helléniques qui doivent comprendre ce qu’ils font.

Ils apprécient que tout soit fait de manière professionnelle, ce qui est la clef. Nous devons nous assurer que les sauveteurs en mer soient en sécurité, tout comme ceux qui sont secourus.”

Il y a un aurgumentaire très fort consistant à dire que les ressources devraient être destinées à stopper le problème à la source et non mises dans des opérations de secours…

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Bruce Reid : “Notre rôle c’est de faire en sorte que si ces gens continuent de se risquer sur la mer, et ils seront peut-être plus d’un million cette année à traverser la mer Egée, de faire en sorte qu’il existe une capacité de réponse quand ces gens sont en détresse.

Nous entreprenons donc une mission avec nos ONG pour aider les équipes de secours helléniques à développer leur capacité de réponse. Nous cherchons 10 à 12 bateaux pour les 12 prochains mois et l‘équipement et l’entraînement qui vont avec, pour que ces équipes puissent répondre à l’urgence.”

Avec des images quasi-quotidiennes des frontières gréco-macédoniennes, de Calais, le sort de ceux qui tentent de traverser la mer n’est-il plus à l’ordre du jour ?

Bruce Reid : “C’est le grand risque qui se présente, en ce moment on n’entend plus parler du nombre de personnes qui ont été secourues en Méditerranée. Nous devons maintenir l’attention sur les raisons qui ont mené nos ONG à travailler ensemble avec les autorités pour aider à consolider ces capacités de recherche et de secours bénévoles là-bas.
Si nous ne le faisons pas, si nous ne maintenons pas la pression sur ce qui se passe là-bas, les médias se détourneront et cette tragédie continuera. Nous devons donc nous assurer qu’il y a une attention continue sur le travail qui est fait là, sur le renforcement des services de secours en mer Egée et dans les eaux territoriales avec la Libye, parce qu’autrement ces gens seront oubliés. Ce sont des gens réels qui risquent leur vie, beaucoup la perdent en tentant ce voyage.”

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