Entre 120 000 et 300 000 personnes ont manifesté en France derrière les cheminots.
C'était une journée de grève particulière pour les salariés de la SNCF, qui terminaient ce jeudi le quatrième épisode de leur mouvement de "grève perlée". La CGT, premier syndicat du secteur ferroviaire, appelait à une manifestation sous le signe de la "convergence des luttes" pour faire renoncer le gouvernement à sa réforme de la SNCF.
Comme un peu partout sur le territoire, des salariés du secteur privé étaient venus soutenir leurs "camarades" à l'Assemblée générale des grévistes, ce jeudi matin gare de Lyon Perrache. "Le déclic commence à se faire. La preuve, on est là pour soutenir les cheminots, il y a des infirmiers et des étudiants qui vont rallier tout cela", promettait Abdelkrim Hadjarab, salarié d'une grande entreprise de BTP syndiqué à la CGT.
Près de 120 000 personnes, princpalement cheminots et fonctionnaires, ont défilé sous le soleil de France. Une convergence encore timide : la CGT, qui a comptabilisé près de 190 mobilisations, a recensé 300 000 manifestants. C'est moins que lors de la dernière journée de mobilisation des cheminots et fonctionnaires du 22 mars, où le syndicat avait annoncé 500 000 manifestants et la police 320 000.
"On sait que les cheminots ont toujours été en pointe des conflits pour les droits de salariés et le gouvernement l'a bien compris. Dans cette attaque massive et radicale contre les cheminots et le service public ferroviaire, il cherche à faire tomber un des derniers bastions de résistance", enrage un cheminot lyonnais du syndicat SUD, seule organisation à avoir décrété une grève quotidienne et non "perlée".
"Les hôpitaux, les enseignants, on connait tous à différents niveaux la maltraitance institutionnelle qui fait qu'on est en difficulté et que c'est plus possible", estime une jeune infirmière aux urgences de Lyon qui brandissait dans le cortège lyonnais une pancarte : "maltraitance institutionnelle, besoin de personnel". Le gouvernement a appelé les hôpitaux publics à économiser 1,6 milliard d'euros en 2018.
"Si on se bat aujourd’hui c'est pour avoir un accès à l'enseignement supérieur pour les lycéens et les lycéennes et je pense que c'est largement suffisant", conclut une syndicaliste lycéenne opposée à la sélection à l'Université inclue dans la nouvelle loi sur l'orientation et la réussite des étudiants (ORE). En queue de cortège dans une ambiance festive, d'autres étudiants promettaient de se réunir en Assemblée générale lundi pour voter le blocage de leur université ou lycée.
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— Andy CBD (@AndyCBD) 19 avril 2018
A Marseille, Occurrence a dénombré 5 700 personnes. La police comptabilisait aussi 4.400 manifestants à Lyon, 4 500 à Rennes, 3 500 à Lille, 2 400 à Toulouse autour de 2 000 à Bordeaux et Strasbourg et un millier ou plus à Perpignan, Montpellier, Nice ou Saint-Etienne.
En France, l'union interprofessionnelle est la condition pour faire reculer le gouvernement, comme ce fût le cas par exemple en 1968, en 1995 et plus récemment en 2006. Mais pour Guillaume Protière, doyen de la faculté de droit et de science politique de l'Université Lumière Lyon II et maître de conférences en droit public, les signaux sont encore insuffisants :
"Le gouvernement a réussi a faire passer le régime dérogatoire des cheminots comme une série de privilèges, ce qui est abusif par un certain nombres de points de vue, cela fait qu'il n'y a pas de généralisation possible de la cause des cheminots. Et l'idée qu'il y ait des privilèges, c'est à dire que quand on est fonctionnaire, on aurait des avantages, ce qui est là encore largement faux, cette idée s'est rependue dans l’opinion publique".
L'Universitaire, dont le campus a été récemment bloqué par les étudiants grévistes avant d'être évacué par les forces de l'ordre, voit un autre obstacle à la convergence : le mode d'action des syndicats traditionnels distingue de celui des jeunes générations, "d'avantage calqué sur Notre-Dame-Des-Landes, Nuit Debout, voire Anonymous, avec un refus du chef".