Turquie: à Diyarbakir, faire campagne pour des quartiers fantômes

Turquie: à Diyarbakir, faire campagne pour des quartiers fantômes
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Briguer un mandat dans des quartiers inaccessibles dont les électeurs ont fui ailleurs ? C'est le casse-tête que doivent résoudre des candidats à Diyarbakir, grande ville du sud-est majoritairement kurde de la Turquie, à un mois d'élections locales.

Le district de Sur, coeur historique de Diyarbakir, a été le théâtre d'affrontements à l'arme lourde après la reprise des combats en 2015 entre l'armée turque et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe classé "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux.

Les combats ont dévasté les habitations en basalte, des monuments vieux de plusieurs siècles, et dispersé les habitants aux quatre coins de la province.

Selon le DITAM, un centre de recherches sociales basé à Diyarbakir, 6.000 familles ont quitté six quartiers de Sur dont l'accès reste bloqué par des barrières de la police ou des blocs de béton.

Pour Mehmet Kaçan, candidat dans le quartier de Fatihpasa pour être "muhtar", une sorte de maire de quartier, le défi est de taille. Sa première mission: retrouver les quelque 4.000 électeurs qui peuvent voter pour lui et sont désormais éparpillés à travers la ville.

"Là, on fait du porte-à-porte, on est en train de récupérer les adresses", explique M. Kaçan. Cet électricien de formation passe ses journées à aller de commerce en commerce à Diyarbakir pour retrouver les personnes enregistrées comme résidant à Fatihpasa.

Il s'appuie également pour cela sur son réseau. "Je connaissais la majorité des habitants du quartier (...) Certains me contactent directement", explique-t-il à l'AFP.

La flambée de violence en 2015 s'est produite après la rupture d'une fragile trêve qui avait fait naître l'espoir d'une issue au conflit entre l'Etat turc et le PKK qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Les combats se sont concentrés dans plusieurs villes du sud-est de la Turquie. Selon plusieurs ONG, des dizaines de civils ont été tués.

- "Nous voulons rentrer" -

Après plusieurs mois de violents combats à Sur, les forces de sécurité turques ont délogé les combattants kurdes, mais au prix de nombreuses destructions.

De grands travaux visant à reconstruire des quartiers entiers ont donc été lancés et les habitants ne sont toujours pas autorisés à retourner dans six quartiers.

La plupart des résidents qui sont partis n'ont pas changé leur adresse dans l'espoir de rentrer un jour et pour continuer de toucher des allocations de l'Etat comme des aides au loyer ou des indemnités pour les dégâts causés à leur domicile.

Aujourd'hui, M. Kaçan a de la chance : il tombe dans un café sur l'un des habitants enregistrés à Fatihpasa. Selim Türgül y est né en 1952 et espère un jour retourner dans son quartier.

De son futur muhtar, il attend "qu'il nous aide. Nous avons toujours bon espoir de rentrer chez nous. Nous voulons retrouver nos maisons".

Orhan Kaçan, un autre ancien habitant de Fatihpasa, veut lui aussi rentrer.

"On ne peut pas sauver nos maisons. L'Etat les a saisies et nous interdit d'y aller. Nous demandons à nos élus de nous aider à rentrer chez nous, de nous aider à reconstruire nos quartiers, à vivre en paix", explique-t-il.

- "Rien promettre" -

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Conscient de l'importance de cette demande pour les électeurs de Fatihpasa, Mehmet Kaçan l'a inscrite au coeur de son projet.

"Les gens sont éclatés partout dans la ville, ils ont du mal à subvenir à leurs besoins, ils ne peuvent même plus payer leurs factures", dit-il. "Ce qu'on veut, c'est que notre quartier redevienne ce qu'il était, qu'on retrouve nos voisins, que tout redevienne comme avant".

Metin Arslan, musicien de métier et candidat pour être muhtar dans le quartier de Savas, fait lui aussi campagne comme il peut, prospectant dans les cafés et les commerces pour retrouver les quelque 1.800 habitants qui y sont encore officiellement domiciliés.

Mais pour lui, faire des promesses de campagne s'avère plus difficile.

"Je n'arrive pas à leur faire de promesse pour un quartier qui n'existe plus, sinon j'aurais eu des propositions à faire", dit-il.

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"S'il y avait un quartier, il y aurait des rues à arpenter, des gens à rencontrer, des problèmes à résoudre", ajoute-t-il. "Il y a tant à faire, et simplement pas de quartier. Comment faire ?"

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