Le journaliste et auteur Fareed Zakaria nous donne sa vision du Moyen-Orient de demain

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Par Chris Burns
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Après #Trump et la pandémie de #COVID19, à quoi ressemblera le Moyen-Orient de demain ? Entretien avec le journaliste et auteur Fareed Zakaria.

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Euronews, en collaboration avec le Forum stratégique arabe lance un nouveau programme, Agenda Middle East. Cette émission, organisée en une série d'entretiens, se donne pour mission d'interroger des dirigeants ainsi que des experts parmi les plus influents du Moyen-Orient. Nous les questionnerons chaque mois sur l'avenir géopolitique et économique de la région.

Notre premier invité est Fareed Zakaria, auteur du livre "Dix leçons pour un monde post-pandémique".

Agenda Middle East : L'année 2021 sera-t-elle plus heureuse ? Les débuts ont été un peu difficiles, n'est-ce pas ?

Fareed Zakaria : Oui, ce début d'année a été difficile, mais ce début augure bien de l'avenir. Gardons à l'esprit que la démocratie américaine s'est réaffirmée et a triomphé. Je sais que cela semble désordonné, mais il y a beaucoup de colère là-bas. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas d'accord. Mais ce problème va-t-il être résolu dans un cadre démocratique ? La réponse est oui. Joe Biden va être investi, il sera président, et donc nous irons de l'avant.

AME : Mais qu'en est-il de l'envahissement du Capitole ? Est-ce un avertissement pour les autres pays confrontés à des mouvements populistes ?

FZ : Oui, je pense que le défi est réel. Il y a eu un certain dysfonctionnement dans le monde démocratique. Avec cette passion populaire, il y a eu une sorte de loyauté tribale à l'égard d'un dirigeant, qui l'a emporté sur la loyauté envers la démocratie et l'État de droit. Nous nous dirigeons également vers la fin du Covid, vers un monde post-pandémique. La première phase s'est plutôt mal passée, soyons honnêtes. À l'exception de quelques pays d'Asie de l'Est, presque partout, les choses ont été très mal gérées. Les Émirats arabes unis ont réussi à bien gérer le Covid, tout comme Taïwan et la Corée du Sud. Mais la plupart du temps, cela a été mal géré. Dans un deuxième temps, nous passons du secteur public au secteur privé : vaccins, thérapies. Je pense que nous allons être performants.

AME : Parlons aussi du Moyen-Orient et de cette sorte de désordre qui y règne après le désengagement des États-Unis dans un certain nombre de pays du monde arabe. Nous voyons d'autres acteurs se disputer le pouvoir comme la Turquie, la Russie, la Chine, l'Iran. Dans quelle mesure la situation s'est elle complexifiée ? Comment atteindre une sorte de stabilité régionale ?

FZ : Vous l'avez dit parfaitement, et la plupart des gens ne réalisent pas que la condition géopolitique sous-jacente a été le retrait des États-Unis. Je l'ai prédit dans mon dernier livre, "The Post-American World", et j'ai dit que le monde post-américain ne serait pas beau à voir. Ceci a commencé au Moyen-Orient avec le deuxième mandat de Bush après la guerre en Irak. Puis Obama, et maintenant Trump. Ils ont tous quitté le Moyen-Orient, en partie car la guerre en Irak a été un gâchis. Il y a aussi une réaction populaire, parce que les États-Unis sont maintenant indépendants sur le plan énergétique. Mais le résultat n'a pas été la paix et la tranquillité harmonieuse pour tous ceux qui critiquent l'impérialisme américain. C'est plutôt la rivalité locale, régionale et le chaos.

AME : Les Américains ne seront plus spécialement impliqués. Et les Européens ? Ce sont les plus gros donateurs de la région. Ils ont de bons contacts. Mais jusqu'à présent, ils n'ont pas vraiment pesé dans la région.

FZ : L'Europe ne sera pas l'acteur principal. Fondamentalement, l'Europe en tant qu'entité stratégique est une idée. Ce n'est pas une superpuissance. On voudrait qu'elle agisse de manière concrète, mais ce n'est pas le cas. L'Europe a certains domaines de compétences. L'Europe agit de manière ciblée et stratégique sur le commerce, sur des choses comme l'antitrust. Sur les questions essentielles de sécurité nationale, l'Europe est une idée. Elle n'est pas une réalité stratégique et elle ne le sera pas.

AME : J'allais vous interroger sur les Accords d'Abraham, du nom du prophète de toutes les croyances abrahamiques. Est-ce qu'il y a de l'économie derrière cela ? Ou est-ce dans l'intérêt de toutes les parties de calmer les choses et de faire plus de commerce. Est-ce que le commerce peut être un ciment pour une région plus stable ?

FZ : Je pense que les Accords d'Abraham sont formidables. C'est la plus importante, peut-être la seule réalisation significative de Donald Trump, en matière de politique étrangère. Je pense que la sécurité nationale en est à l'origine. C'est l'inimitié, l'hostilité partagée et la peur envers l'Iran. Cela ne signifie pas que la partie commerciale est insignifiante. Une véritable interdépendance serait merveilleuse.

AME : Est-il possible de s'appuyer sur ces accords d'Abraham pour créer une sorte de Camp David, ou suis-je un rêveur ?

FZ : Je pense que vous avez tout à fait raison. J'espère que l'administration Biden essaiera d'en tirer profit. Et je crois que c'est ce qu'ils ont l'intention de faire.

AME : À quel point la création d'une ambassade américaine par Donald Trump à Jérusalem a été un obstacle ?

FZ : Je ne pense pas. Les biens fonciers ne sont pas le problème. Le problème, c'est le sentiment plus fondamental du respect qui est dû aux Palestiniens, une certaine dignité et une certaine souveraineté. Vous pouvez découper une partie de Jérusalem-Est, l'appeler "Jérusalem", ou "Jérusalem palestinienne". Vous voyez ? Les diplomates sont payés pour faire cela. Il y a des solutions.

AME : Regardons les acteurs locaux. Maintenant que l'Arabie Saoudite a levé l'embargo sur le Qatar, que peut-on attendre du Conseil de coopération du Golfe en tant que bloc ? Quelles sont les perspectives pour ces pays, en tant que leader dans la région ?

FZ : Si l'Arabie Saoudite pouvait prendre la mesure de sa situation et se demander si elle peut diriger le Conseil de coopération du Golfe comme elle le fait traditionnellement, c'est-à-dire par consensus et avec une certaine souplesse, je pense que beaucoup de choses pourraient être réalisées. Je pense que Mohammed ben Salmane a été un réformateur extraordinaire en faisant des choses préconisées depuis longtemps pour son pays. Il a également fait de la répression et a emprisonné des personnes qui critiquaient ses réformes.

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AME : Permettez-moi de revenir sur la levée de l'embargo au Qatar. Celasignifie** que la pression a baissé dans la région ? Israël a également normalisé ses relations avec les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc. Cela peut apporter de la stabilité dans la région ?**

FZ: Absolument, c'est un bon signe. J'aimerais que la politique étrangère saoudienne aille réellement dans ce sens. Le blocus du Qatar a été un désastre. Souvenez-vous, Riyad avait une série d'exigences envers le Qatar pour pouvoir lever le blocus. Le Qatar n'a satisfait aucune de ces exigences, et le blocus a tout de même été levé. S'ils utilisaient le consensus, qui est la façon traditionnelle de fonctionner du Conseil de Coopération du Golfe, je pense que l'on pourrait obtenir beaucoup. Je dirais que les accords d'Abraham sont un grand pas en avant dans cette direction.

AME : Parlons du nucléaire iranien. Les États-Unis se sont retirés de l'accord et l'Iran a maintenant intensifié son programme nucléaire. Est ce que cela va poser des difficultés à Joe Biden et aux Européens pour tenter de développer un nouvel accord ?

FZ : Le problème avec les agissements de l'administration Trump, c'est qu'en ayant été capable d'exercer davantage de pression sur l'Iran, elle a laissé la situation très instable, très volatile. Je pense que l'administration Biden a tout à fait raison de dire, essayons de ramener l'Iran dans l'accord sur le nucléaire et ensuite négocions sur toutes les autres questions.

AME : À propos de l'environnement, Joe Biden va rejoindre l'accord de Paris, mais beaucoup de scientifiques estiment que cela ne suffira pas.

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FZ : La chose la plus simple et la plus efficace serait une sorte de prix sur le carbone, une taxe. Je suis un partisan du marché libre. Il ne faut pas une série de règlements compliqués. En taxant le carbone et en investissant massivement dans les énergies renouvelables, vous verrez le résultat au cours des trente ou quarante prochaines années de transition.

AME : Et vous verrez plus de gilets jaunes, non ?

FZ : Vous soulevez un problème très important.

AME : Il faut que ce soit une transition juste. Comment le faire avec une taxe sur le carbone ?

FZ : Certaines de ces tendances ont un sens pour tout le monde dans l'ensemble, mais les effets de répartition sont gênants. Certaines personnes en profitent davantage, d'autres sont plus touchées. Peut-être que nous avons besoin d'une sorte de mécanisme de compensation. Peut-être que nous avons besoin de subventions pour ces personnes. Il faut rassembler tout le monde.

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AME : Et regardons juste dix ans plus tard. Où en serons-nous dans dix ans ?

FZ : Nous sommes en pleine transition. L'ordre ancien est en train de changer et nous avançons sur plusieurs fronts simultanément. Nous quittons un monde dominé par les Américains pour un monde où d'autres pays s'élèvent, pas seulement la Chine. Nous nous dirigeons vers un système où les femmes sont véritablement égales. Nous allons réinventer un monde beaucoup plus inclusif, divers, innovant, productif. Nous aurons nos propres problèmes, mais je pense que dans quinze ans, je préfèrerais vivre dans ce monde plutôt que dans le monde d'aujourd'hui.

Journaliste • Chris Burns

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