UE, Chine, Nordstream 2 et Turquie : la version du secrétaire d'État américain

Antony Blinken
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Par Méabh Mc Mahon
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Lors de sa visite à Bruxelles, le secrétaire d'État américain Antony Blinken nous livre le point de vue des États-Unis sur les dossiers brûlants du moment, en commençant par la nouvelle relation transatlantique.

Secrétaire d'État américain, Antony Blinken vient d'effectuer une visite à Bruxelles pour renouer les liens avec ses homologues européens après quatre années particulièrement tendues. Avant de prendre son avion pour Washington, il nous a accordé une interview jeudi 25 mars au siège de l'OTAN.

Méabh Mc Mahon, euronews :

"En vous voyant aux sièges de l'OTAN et de l'Union européenne cette semaine, on a eu un peu l'impression d'assister à une lune de miel. Avez-vous en quelque sorte, renouvelé vos vœux de mariage après quelques années tendues ?"

Antony Blinken, secrétaire d'État américain :

"Nous voulions venir ici avec une tâche précise à l'esprit : réaffirmer notre engagement envers l'OTAN, nos alliances, notre partenariat avec l'Union européenne et avec nos principaux alliés. C'était le message le plus important pour nous à faire passer. Cette étape s'intègre à un voyage de deux semaines. Nous avons commencé par le Japon et la Corée, puis nous sommes venus ici, tout cela, je le répète, dans le but de démontrer que l'Amérique est de retour en termes d'engagement envers ses alliances, ses partenariats. Et nous avons reçu un très, très bon accueil."

"Il ne s'agit pas de se liguer contre la Chine"

Méabh Mc Mahon :

"J'imagine que la Chine a été un sujet central lors de votre visite. Vous avez dû être ravi, alors que votre avion atterrissait à Bruxelles, de constater que la Chine réagissait - et même comme diraient certains - sur-réagissait aux sanctions relativement légères prises par l'Union européenne à son encontre car de cette manière, l'UE s'est alignée sur la position de votre pays concernant la manière de traiter avec la Chine - même si le président français Emmanuel Macron a dit que ce n'était pas une bonne idée pour les États-Unis et l'Union de se liguer contre la Chine -. Cette position commune pourrait-elle être le point de départ de la nouvelle relation transatlantique ?"

Antony Blinken :

"Il ne s'agit pas de se liguer contre la Chine, ni d'essayer de la retenir ou de la contenir, mais de s'unir pour défendre les intérêts et les valeurs que nous partageons. L'une de ces valeurs que nous défendons tous depuis tant d'années, c'est ce que nous appelons l'ordre international fondé sur des règles. Nous avons constaté que le meilleur moyen de s'assurer que les pays puissent travailler ensemble et gérer leurs relations de manière productive, c'est de les faire adhérer à un ensemble commun de règles et d'engagements. Et le défi pour nous, c'est de nous assurer que nous respectons cet ordre. Ainsi, quand un pays, la Chine ou autre, prend des mesures qui portent atteinte à cet ordre, qu'il ne respecte pas les règles, nous devons nous y opposer et dire : "Vous devez les respecter". Et nous sommes beaucoup plus efficaces pour le faire quand nous agissons ensemble et de manière solidaire."

"Une inquiétude commune au sujet de plusieurs actions agressives de la Russie"

Méabh Mc Mahon :

"Pendant que vous étiez très occupé à Bruxelles cette semaine, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov était à Pékin et semblait adopter une posture commune avec la Chine contre l'Union européenne et les États-Unis. Dans quelle mesure êtes-vous préoccupé par les troupes russes à l'Est, dans les pays baltes ? Que faites-vous à ce sujet ?"

Antony Blinken :

"Cela a été un sujet de conversation important au sein de l'OTAN cette semaine. Je pense qu'il y a une inquiétude commune au sujet de plusieurs actions agressives de la Russie. Et, bien sûr, aux États-Unis, nous avons eu la cyberattaque SolarWinds, nous avons eu des interférences dans nos élections. Il y a eu le recours possible à des mercenaires contre nos forces en Afghanistan. Et bien sûr, nous avons assisté à l'empoisonnement et à la tentative de meurtre d'Alexeï Navalny au moyen d'une arme chimique sans parler de l'agression menée par la Russie qui se poursuit dans l'Est de l'Ukraine. Toutes ces choses, ainsi que les nouveaux systèmes d'armes qui sont en train d'être développées nous préoccupent, non seulement nous, mais aussi nos alliés et nos partenaires. Et je pense que nous évaluons tous de la même manière, le défi posé par la Russie et la nécessité d'un engagement commun à faire front ensemble. Nous sommes tous très lucides. Nous nous rendons compte du défi. Je crois que nous reconnaissons également qu'il peut y avoir des domaines où, par intérêt mutuel, nous pouvons encore travailler ensemble : par exemple, les États-Unis ont prolongé le traité de désarmement New Start avec la Russie pour cinq ans. Il y a d'autres domaines en matière de stabilité stratégique, de contrôle des armements où nous pouvons trouver les moyens de travailler ensemble. Mais cela ne nous empêchera pas de nous opposer fermement et de manière unie, avec nos alliés et partenaires, quand la Russie commet des actes agressifs."

"Nous travaillons avec la Turquie sans ignorer nos divergences"

Méabh Mc Mahon :

"Un sujet de conversation délicat que vous avez dû aborder avec vos alliés cette semaine, c'est la Turquie. C'est un membre très important de l'OTAN qui achète des armes de défense à la Russie. C'est aussi une source de déstabilisation pour l'Alliance, non ?"

Antony Blinken :

"Ce n'est pas un secret que nous avons une vraie divergence avec la Turquie sur ce point. C'est quelque chose que j'ai exprimé directement à mon homologue turc lorsque je l'ai vu et d'autres alliés ont fait de même. Il est également vrai que la Turquie est un allié de longue date et très précieux qui travaille avec nous sur des objectifs très importants, y compris la lutte contre le terrorisme, la manière dont nous abordons la Syrie et dans d'autres domaines. Donc je crois que nous avons intérêt à continuer à travailler étroitement avec la Turquie sans pour autant ignorer nos divergences de vue. Nous avons un dialogue direct. Nous avons des conversations très franches, claires et ouvertes. Et j'espère que la Turquie prendra des mesures pour résoudre les problèmes que posent, par exemple, les systèmes de défense S-400 à l'OTAN."

"La question des ressources peut rapprocher les pays"

Méabh Mc Mahon :

"Pensez-vous que les Turcs vous écoutent ? Car il y a aussi la question de la Méditerranée orientale, l'instabilité sur place. C'est un grand sujet de préoccupation. Je ne pense pas que vous vouliez résoudre cela vous-même. Vous voulez que les Européens s'en occupent. Mais quel message voudriez-vous faire passer ?"

Antony Blinken :

"Je pense que nous avons assisté à une certaine désescalade en Méditerranée orientale. L'OTAN joue un très bon rôle en essayant de réduire les tensions et de s'assurer que dans les zones où il y a des différends, personne ne mène d'action provocatrice, à commencer par la Turquie avec le maintien de ses navires en dehors des eaux ou des zones revendiquées par d'autres. Nous devons simplement aller vers une résolution pacifique de ces différends conformément au droit international. Et d'ailleurs, dans la mesure où il y a des défis concernant les ressources naturelles, cela devrait être, en réalité, un moyen de fédérer les pays. L'utilisation conjointe de ces ressources, les investissements communs et leur exploitation, cela peut être quelque chose qui rapproche les pays. Nous espérons que c'est exactement ce qui se passera."

"Nord Stream 2 est une mauvaise affaire pour l'UE, pour nous et pour l'OTAN"

Méabh Mc Mahon :

"Au sujet du Nord Stream 2, vous avez enflammé les esprits en Allemagne en disant que ce projet allait pénaliser l'Ukraine et que vous vouliez que les Européens l'arrêtent. Or le gazoduc est presque terminé, à 95%. Seriez-vous prêt à trouver un compromis ?"

Antony Blinken :

"Ce qui est important, en premier lieu, c'est que l'Allemagne est l'un de nos plus proches alliés et partenaires partout dans le monde. Nous travaillons ensemble au quotidien sur de nombreuses questions qui ont un fort impact sur la vie de nos citoyens et nous travaillons en tant que partenaires très proches. Et le fait que nous ayons un désaccord sur Nord Stream 2 - et il est réel - n'affecte pas et n'affectera pas notre partenariat et notre relation d'ensemble. Mais nous avons été très clairs, le président Biden a été très clair : pour lui, Nord Stream 2 est une mauvaise idée et une mauvaise affaire pour l'Union européenne, pour nous et pour l'OTAN. Ce projet porte atteinte aux principes fondamentaux de l'UE en termes de sécurité énergétique et d'indépendance énergétique. Je pense qu'il représente un défi pour l'Ukraine, la Pologne et d'autres pays auxquels nous sommes attentifs. Donc j'ai pensé qu'il était très important pour moi de pouvoir le dire directement et clairement à mon ami, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté. Et le fait est que nous avons des lois aux États-Unis qui nous obligent à sanctionner les entreprises qui contribuent matériellement à la construction du pipeline. Je voulais donc m'assurer que nos partenaires comprenaient notre position à ce sujet et ce que nous devons faire à l'avenir. Et c'est ce que nous avons fait."

"Nous sommes déterminés à être un partenaire international très fort dans la lutte contre le Covid-19"

Méabh Mc Mahon :

"Les dirigeants européens se sont réunis cette semaine à Bruxelles et ont invité le président Joe Biden à se joindre à eux par liaison vidéo. L'Union européenne traverse une crise profonde en ce moment. Elle doit faire face à un manque d'approvisionnement en vaccins, mais aussi à près d'un an de mesures de restriction qui dévaste les économies de ses 27 États membres."

Antony Blinken :

"Cela a été évidemment un énorme défi historique pour nous tous : aux États-Unis, plus de 500 000 personnes ont perdu la vie à cause de cette pandémie. Je connais les ravages et les difficultés qu'elle a entraînées en Europe et ses fortes répercussions sur la vie des gens. Nous sommes déterminés à être un partenaire international très fort, un leader international dans la lutte contre cette maladie. Il y a une dizaine de jours, en partenariat avec les autres pays du Quad, c'est-à-dire l'Australie, le Japon et l'Inde, nous avons lancé une initiative qui permettra d'améliorer progressivement l'accès aux vaccins. Nous avons mis des vaccins à la disposition de nos voisins, le Mexique et le Canada, et il y aura d'autres actions de ce type dans les semaines à venir."

Journaliste • Méabh Mc Mahon

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