Pourquoi l'Algérie a-t-elle fermé son espace aérien aux militaires français ?

Personnel militaire français sur le pont du porte-avions Charles-de-Gaulle
Personnel militaire français sur le pont du porte-avions Charles-de-Gaulle Tous droits réservés PHILIPPE LOPEZ/AFP or licensors
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Par Christophe GarachAvec Afp
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Nouveau coup de froid entre Paris et Alger. En représailles contre des propos critiques attribués à Emmanuel Macron, Alger a fermé dimanche son espace aérien aux militaires français.

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Des propos acerbes contre le pouvoir algérien, attribués à Emmanuel Macron, ont mis le feu aux poudres à Alger.

Les faits : Alger a décidé d'interdire son espace aérien aux avions militaires français qui peuvent d'ordinaire survoler l'Algérie pour se rendre au Sahel où sont déployées les troupes de l'opération anti-djihadiste Barkhane,

Les autorités militaires françaises auraient appris cette décision samedi en déposant le plan de vol de deux avions. 

Cependant, cette interdiction de survol ne perturberait que _"_très légèrement" le trafic militaire français. Cela "n'affecte ni les opérations ni les missions de renseignement" menées par la France au Sahel, a commenté un membre de l'état-major français. 

Cela dit, l'interdiction de l'espace aérien algérien aux avions militaires français intervient dans une phase logistique délicate pour l'état-major, qui a entamé depuis quelques semaines une réorganisation de son dispositif dans la bande sahélo-saharienne.

Sur décision d'Emmanuel Macron, la France est en train de quitter les bases militaires les plus au nord du Mali (Kidal, Tombouctou et Tessalit) et va réduire le nombre de troupes au Sahel d'ici 2023, à 2 500-3 000 hommes contre plus de 5 000 aujourd'hui. 

Représailles : cette interdiction de survol fait suite au rappel en Algérie pour consultation de l'ambassadeur algérien à Paris suite aux propos qu'aurait tenus Emmanuel Macron rapportés par le journal Le Monde. Des propos non démentis à ce stade selon Alger.

Lors d'une rencontre jeudi entre le président français et de jeunes descendants de protagonistes de la guerre d'Algérie (1954-1962), Emmanuel Macron aurait déclaré qu'après son indépendance en 1962, l'Algérie s'est construite sur "une rente mémorielle", entretenue par "le système politico-militaire".

Selon Le Monde, M. Macron a évoqué aussi "une histoire officielle totalement réécrite" qui "ne s'appuie pas sur des vérités" mais sur "un discours qui repose sur une haine de la France".

Ces déclarations ont aussitôt qualifiées par les médias algériens de "dérapage".

Ces tensions seraient également montées d'un cran quelques jours après l'annonce faite par Paris quant à la forte réduction des visas pour les Algériens (mais aussi pour les Marocains et les Tunisiens). Selon Le Monde, cette réduction des visas ne visait pas les étudiants ni les milieux d'affaires mais "les gens qui sont dans le milieu dirigeant", a dit M. Macron.

60ème anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie : les frictions diplomatiques entre Paris et Alger interviennent surtout alors qu'approche le 60ème anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie et son indépendance.

Malgré les crispations récurrentes entre la France et l'Algérie, depuis son élection, le président français a tendu la main plusieurs fois aux Algériens dans un geste d'apaisement. 

En juillet 2020, Paris avait a notamment restitué les crânes de 24 résistants algériens décapités au XIXe siècle lors de révoltes dans le sud de l'Algérie contre l'occupant français.

En mars 2020, la France a également reconnu pour la première fois que l'avocat algérien Ali Boumendjel, mort en mars 1957, avait été torturé et tué par l'armée française lors de la Bataille d'Alger.

La presse algérienne a rappelé aussi samedi que M. Macron jouissait de préjugés favorables pour avoir, pendant sa campagne présidentielle en 2017, qualifié la colonisation de "crime contre l'humanité", lors d'une visite à Alger.

Paris et Alger se sont également mis d'accord en 2020 pour confier à des chercheurs des deux rives de la Méditerranée, un travail de mémoire dans une optique de "réconciliation".

L'historien français Benjamin Stora a remis son rapport en janvier dernier à Emmanuel Macron  préconisant une série d'"actes symboliques" mais "ni excuse ni repentance".

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Mais les autorités algériennes ont rejeté un mois plus tard ce rapport le jugeant "non objectif", reprochant l'absence de "reconnaissance officielle par la France des crimes de guerre et contre l'humanité perpétrés pendant les 130 années de l'occupation de l'Algérie".

Samedi, la présidence algérienne a estimé que la position prise par M. Macron "heurte les principes devant présider à une éventuelle coopération algéro-française en matière de mémoire (et) a l'incorrigible défaut de tendre vers la promotion d'une version apologétique du colonialisme."

Pour Hassen Kacimi, spécialiste des questions migratoires, "la question de la mémoire est très sensible en Algérie parce qu'elle touche à l'histoire, l'âme et l'identité du peuple algérien."

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