Reportage à la frontière polonaise : les réfugiés ukrainiens témoignent entre fierté et douleur

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Par Monica Pinna
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Lors des premières semaines du conflit en Ukraine, notre reporter Monica Pinna nous a raconté la détresse des innombrables familles ukrainiennes réfugiées en Pologne. Les témoignages qu'elle a recueillis sur place sont remplis d'humanité.

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Dans les premières semaines de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, notre reporter Monica Pinna s'est rendue à Przemyśl, principale ville de Pologne située près de la frontière avec l'Ukraine. Elle a assisté à l'afflux massif de femmes et d'enfants ukrainiens fuyant la guerre dans leur pays dans le cadre de son reportage à voir ci-dessus. Après avoir quitté la Pologne, elle revient sur la manière dont elle a couvert cet événement d'ampleur inédite, synonyme de rencontres bouleversantes pour elle.

À Przemyśl, sur le parking des cars qui acheminent des Ukrainiens après leur passage de la frontière avec l'Ukraine, alors que je tendais mon micro aux réfugiés, j'ai remarqué qu'Elizaveta m'observait. Je me suis approchée d'elle. Elle a respiré profondément. Sa mère, à côté d'elle, l'a regardée et lui a donné la main. Juste avant qu'elle ne s'adresse à moi, je me suis figée sur place : ce geste unissant deux générations d'Ukrainiennes m'a bouleversée. Un symbole à la fois, d'amour, de douleur et de force.

Monica Pinna
Elizaveta s'apprêtant à rejoindre l'Allemagne avec sa famille grâce à l'aide de bénévolesMonica Pinna

"Poutine a tué notre peuple"

Encore sidérée par le fait que sa vie ait basculé en si peu de temps, Elizaveta s'est mise à me parler. "En Ukraine, c'est tellement de difficultés : Poutine a tué notre peuple, il a tué des enfants, tellement d'enfants," a-t-elle crié. Elle ne pleurait pas, mais des larmes ont brouillé ses yeux.

En tant que journaliste, je n'ai pas pu garder une distance émotionnelle avec ce dont j'étais témoin. Les yeux de Thierry, derrière la caméra, étaient également remplis de larmes et Karolina, notre traductrice, n'a pas pu se retenir elle non plus.

Une vague de tristesse et de douleur

Cette même scène s'est répétée à de nombreuses reprises pendant nos dix jours de reportage en Pologne à la frontière avec l'Ukraine. Impossible pour nous de rester insensibles. Cette vague de tristesse et de douleur venant d'Ukraine nous a tous frappés. Une question lancinante a envahi mon esprit : comment tout cela était-il possible ?

De nombreuses fois, je me suis dit que je m'immisçais trop dans la vie privée des réfugiés que j'interrogeais, mais souvent, j'ai été surprise par leurs réponses. Ces mères, grands-mères et jeunes femmes étaient conscientes d'avoir un rôle à jouer, même loin de chez elles, même en tant que réfugiées.

"Le monde doit savoir," m'a lancé Lyuba sur le parking des cars. Bouleversé et encore sous le choc, elle nous a décrit comment le monde autour d'elle s'était écroulé. "C'est Poutine, l'agresseur, des innocents meurent, des chars tirent dans tous les sens," nous a-t-elle interpellés. "Des jeunes filles de 18 ans sont là avec des mitraillettes, c'est horrible, les chars sont dans la ville, partout ; les gens portent des uniformes militaires," a-t-elle décrit. "Il faut l'arrêter , sinon, ce sera la guerre nucléaire. Demain, il sera en Europe, arrêtez-le !" a-t-elle crié.

Monica Pinna
Lyuba aux côtés de sa mère sur le parking des cars à PrzemyślMonica Pinna

Fierté et résilience

Sur place, j'ai également croisé Veronika, 20 ans, qui faisait la queue, enveloppée dans une grande couverture. Elle m'a affirmé que l'Ukraine gagnera parce que "la Russie se bat avec une armée alors que l'Ukraine se bat avec des gens." Ce sentiment fort d'appartenance et de résistance est une chose que j'ai retrouvée chez tous les réfugiés auxquels j'ai parlé.

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Lyudmilla a amené sa petite-fille à sa fille qui vit en Pologne, elle veut rentrer en Ukraine pour être auprès de son petit-filsMonica Pinna

Il y avait aussi Lyudmilla, une femme médecin retraitée de 67 ans, qui m'a affirmé : "On va s'en sortir." Elle s'exprimait dans un sourire forcé qui s'est finalement transformé en larmes. J'y ai vu toute la résilience d'une population qui se bat pour la justice, la démocratie et la liberté, nous renvoyant à des valeurs qui sont aussi celles de l'Union européenne.

Journaliste • Monica Pinna

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