Défense européenne : la présidentielle en France inquiète l'Allemagne

Le couple franco-allemand a traversé de nombreuses crises ces dernières années et s'il est une question qui a constamment divisé Paris et Berlin, c'est bien celle de la défense et de la sécurité. Mais le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie a fait bouger les lignes en renforçant la position des autorités françaises et en changeant celle de leurs homologues allemandes.
Dans les derniers jours qui ont précédé l'invasion, on constatait déjà une évolution selon Raphael Loss, coordinateur des projets de données paneuropéennes au European Council on Foreign Relations. "Quand on voit les efforts diplomatiques d'Olaf Scholz et d'Emmanuel Macron pour envoyer le même message à Vladimir Poutine, cela n'a certes pas eu l'effet escompté," dit-il. "Mais ils ont montré," poursuit-il, "qu'une coordination très forte est en cours dans un domaine qui dans le passé, était problématique pour les Européens, à savoir la coopération en matière de défense et de sécurité."
Face à la guerre en Ukraine, une coordination renforcée entre Paris et Berlin
Depuis le début de la guerre, la France a envoyé en Ukraine, des équipements militaires et accéléré le déploiement de ses troupes sur le flanc oriental de l'OTAN.
Dans le même temps, à Berlin, sur fond de manifestations contre le conflit, le nouveau gouvernement allemand a rompu avec l'ancienne doctrine officielle.
Ainsi, le 27 février dernier, le chancelier Olaf Scholz s'exprimait en ses termes devant le Bundestag : "Nous avons décidé hier que l'Allemagne enverrait des armes de défense à l'Ukraine."
"Nous allons à partir de maintenant, année après année, investir plus de 2 % de notre PIB dans notre défense," a-t-il précisé avant d'ajouter : "Le projet de budget 2022 du gouvernement prévoit un fonds spécial de 100 milliards d'euros."
Une partie de cet argent a déjà été affectée à l'achat de 35 avions de combat américains F-35.
Quel avenir pour la défense européenne ?
Les efforts de la France et de l'Allemagne pour renforcer la défense ont certes, été salués par les membres de l'Union européenne, mais beaucoup se demandent encore ce que cela signifie pour la défense commune.
À court terme, il s'agira de consolider le flanc oriental de l'OTAN selon le porte-parole du SPD pour la politique étrangère Nils Schmid. Les capacités de défense de l'Union devraient aussi être renforcées par la "Boussole stratégique" récemment adoptée, véritable feuille de route pour la défense et la sécurité européenne.
"Il s'agit à présent, de développer nous-mêmes la technologie de l'armement en Europe, de mettre en place nos propres capacités et de développer la résilience, c'est-à-dire de pouvoir agir contre les menaces non militaires qui pèsent sur l'Europe, les campagnes de désinformation et les cyberattaques," a-t-il indiqué à euronews.
L'inconnue de la présidentielle en France
Mais à long terme, l'élaboration d'une politique de défense commune, sans parler de la création d'une armée européenne, de son rôle et de la forme que prendrait son plan d'action, ne sera probablement pas chose aisée.
"Si la mission française en Libye, par exemple, avait été une éventuelle mission européenne, l'Allemagne aurait dû y participer et cela aurait été très difficile du point de vue allemand," fait remarquerStefan Seidendorf, directeur adjoint de l'Institut franco-allemand (dfi) à Ludwigsburg. "Donc, d'une manière ou d'une autre, on doit pouvoir voter sur ces questions en suivant des procédures démocratiques : c'est un défi très difficile à relever," estime-t-il.
L'avenir de la sécurité européenne se joue en Ukraine, mais aussi pour Berlin, lors de la prochaine présidentielle française. Ainsi au sein du gouvernement d'Olaf Scholz, on espère la réélection d'Emmanuel Macron et le maintien du nouveau cap pris par le moteur franco-allemand.