Shoah : l'Allemagne honore la mémoire des victimes LGBT+

Le Parlement allemand a mis pour la première fois l'accent vendredi sur le sort des victimes des nazis persécutées en raison de leur identité de genre ou leur orientation sexuelle, à l'occasion de la journée internationale des victimes de la Shoah.
"Ce groupe est important pour moi parce qu'il souffre toujours d'hostilité et de discrimination", a déclaré la présidente du Bundestag, Bärbel Bas, à l'AFP.
Depuis le 27 janvier 1996, les députés organisent chaque année à la chambre basse du Parlement une cérémonie solennelle pour marquer l'anniversaire de la libération du camp de la mort d'Auschwitz-Birkenau.
Traditionnellement, elle est centrée sur la mémoire des 6 millions de Juifs exterminés par le régime d'Adolf Hitler.
Une histoire longtemps marginalisée
Même si l'ancien chef de l'Etat Roman Herzog (1994-1999) avait déjà évoqué en 1996 le destin tragique des gays et lesbiennes sous le régime nazi, les militants en faveur des droits de la communauté LGBT+ estiment que leur histoire a longtemps été marginalisée voire oubliée.
La cérémonie de vendredi, où leur persécution a été mise en exergue, constitue "un symbole important de reconnaissance" de "la souffrance et la dignité des victimes emprisonnées, torturées et assassinées", estime Henny Engels de l'association pour les droits des gays et des lesbiennes.
Le port du triangle rose
Dans certaines villes allemandes, et particulièrement à Berlin, la scène LGBT+ s'est épanouie pendant la République de Weimar dans les années 1920.
Le droit pénal interdisait bien depuis 1871 les rapports sexuels entre hommes, mais il a été relativement peu appliqué.
Tout a changé à l'arrivée du parti national-socialiste au pouvoir dans le sillage des élections de 1933.
Dès 1935, il a durci la loi, portant à dix ans de travaux forcés la peine encourue en cas de rapport sexuel entre hommes.
Quelque 57 000 hommes ont été emprisonnés, et entre 6 000 et 10 000 envoyés dans des camps de concentration et contraints de porter des uniformes flanqués d'un insigne en forme de triangle rose désignant leur orientation sexuelle.
Entre 3 000 et 10 000 gays ont péri sous le nazisme, et beaucoup d'entre eux ont été castrés ou soumis à d'horribles expériences dites médicales, selon les estimations d'historiens.
Des milliers de lesbiennes, personnes transgenre ou prostitués, considérés comme "dégénérés", ont également été emprisonnés dans des camps.
Honorer "toutes les victimes"
Tout en rappelant que la Shoah visait en premier lieu les Juifs, le directeur du mémorial de Yad Vashem à Jérusalem, Dani Dayan, a salué cet élargissement du travail de mémoire entrepris par les députés allemands.
"La Shoah était une attaque contre l'humanité : contre les personnes LGBT+, les Roms et les Sintis, les personnes souffrant de handicaps mentaux, mais en particulier contre les Juifs", a-t-il dit à l'AFP lors d'une récente visite à Berlin .
"Nous respectons et honorons toutes les victimes", a-t-il ajouté.
Lors de la cérémonie qui s'est tenue dans le bâtiment historique du Reichstag, au cœur de Berlin, la Néerlandaise de confession juive Rozette Kats, 80 ans, dont les parents ont péri à Auschwitz, s'est exprimée dans l'hémicycle.