Sur la trace des perles, des fonds marins qataris aux vitrines des joailliers

Sur la trace des perles, des fonds marins qataris aux vitrines des joailliers
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Par Aadel Haleem, Laila Humairah & Didier Burnod
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La perle a été le premier grand produit d'exportation du Qatar et malgré la concurrence des parcs à huîtres, des plongeurs partent toujours à la recherche de ce trésor de la nature.

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La perle a constitué le premier grand produit d'exportation du Qatar et malgré la concurrence des parcs à huîtres, des plongeurs partent toujours à la recherche de ce trésor de la nature.

Sur le territoire du Qatar, la pêche à la perle remonte à plusieurs milliers d'années. Pendant longtemps, elle a représenté le premier produit d'exportation sur place. Mais ce secteur s'est effondré dans les années 1920 et 1930 sous l'effet de la concurrence des perles de culture, une industrie qui s'est développée au Japon à cette époque.

Malgré cela, les perles naturelles conservent leur place de matière première de choix sur le marché de la joaillerie. Et au large du Qatar, aujourd'hui encore, des pêcheurs à la perle continuent de plonger en quête de ces trésors de la nature.

Une histoire familiale

Mohammed Abdulla al-Sada est l'un des rares plongeurs qataris à tenter sa chance sur les fonds marins du Golfe. Pour lui, cette activité est avant tout une tradition familiale.

"Mon grand-père était pêcheur de perles," raconte-t-il. "Quand j'ai dit à mon père que je voulais avoir un second emploi et pêcher des poissons, il m'a répondu : Tu es plongeur, pourquoi ne pêches-tu pas des huîtres pour chercher des perles ?" se souvient-il.

Les huîtres qui renferment des perles sont rares et il faut un œil aguerri pour les distinguer selon Mohammed. "Tout d'abord, il faut déterminer si c'est une huître adulte ou un naissain : on peut le savoir en regardant sa taille et son épaisseur," explique le plongeur. "Autre chose que je regarde," renchérit-il, "c'est l'espace derrière. Plus il y a d'espace, plus elle est âgée," nous montre-t-il. 

Alors que de nombreux pêcheurs de perles utilisent des bouteilles pour rester sous l'eau plus longtemps, Mohammed plonge en apnée. Il s'est entraîné à retenir sa respiration pendant qu'il fouille les fonds marins, exactement comme ses ancêtres, la pêche à la perle étant l'une des plus anciennes activités dans le Golfe. Autrefois, les plongeurs s'attachaient des poids en pierre à une jambe et portaient un pince-nez quand ils descendaient sous la surface.

Des coups de chance en série

Le jour où nous accompagnons Mohammed, la chance est avec lui. Il parvient à dénicher plusieurs perles. Un incroyable butin quand on pense que les perles naturelles sont extrêmement difficiles à trouver. Les plus petites sont probablement les plus courantes et c'est à peine une huître sur 10.000 qui renferme une grosse perle naturelle. Voilà qui explique pourquoi elles sont si chères et suscitent autant la convoitise.

Mais le plongeur ne cherche pas à tirer un salaire de cette activité. C'est plutôt une manière pour lui de rendre hommage à son passé et de perpétuer les traditions.

"Cela fait partie de nous, c'est notre culture," confie-t-il. "C'est ce que faisait notre grand-père pour gagner sa vie et aujourd'hui, on peut aussi gagner de l'argent avec," ajoute-t-il. "Donc il y a de nombreuses raisons qui me poussent le faire et puis, j'adore la plongée," dit-il.

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Une petite perle trouvée par Mohammed Abdulla al-SadaEuronews

Une place prépondérante dans la culture qatarie

Le secteur de la perle constituait la principale activité ici au Qatar avant que l'on n'y découvre du pétrole et du gaz. Mais elle est aussi intrinsèquement liée à la culture et au patrimoine qataris. Pour en savoir plus sur le sujet, nous avons interrogé Jassim Al Kuwari, guide au Musée national du Qatar.

"Les premières exportations de perles venaient de la région du Golfe : ce sont les gens du Golfe qui les ont découvertes et les ont exportées en premier et même plus tard, quand ils ont vu qu'il y avait des perles dans d'autres régions du monde et qu'ils en faisaient le commerce, ce sont encore les perles du Golfe, celles de Basra, qui ont été considérées comme les plus précieuses parce qu'elles ont un éclat unique et une forme unique qui fait que les rondes sont les plus recherchées," indique-t-il. "Les perles étaient exportées dans le monde entier : en Europe occidentale et jusqu'en Chine et en Extrême-Orient," poursuit Jassim Al Kuwari.

"Les perles servaient pour décorer de nombreux objets d'ameublement," ajoute le guide. "Même la nacre que l'on trouve sur les parois internes de l'huître était utilisée dans de nombreuses cultures partout dans le monde," renchérit-il.

"L'un des objets que nous exposons dans la galerie numéro 7 du Musée, c'est le tapis de Baroda qui a été réalisé en Inde et commandé par le maharajah de Baroda," poursuit-il. "Il est entièrement orné de perles et de pierres précieuses, il s'agissait d'un cadeau qu'il destinait aux Musulmans, il voulait qu'il soit placé sur la tombe du prophète Mahomet," précise-t-il.

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Le tapis de Baroda exposé au Musée national du QatarEuronews

L'effondrement du secteur

Mais l'essor des perles de culture a entraîné le rapide déclin du secteur de la perle naturelle.

"Jusque dans les années 1930, la perle était le principal produit d'exportation du Qatar," fait remarquer Jassim Al Kuwari. "Mais à cette époque, en particulier un Japonais du nom de Mikimoto Kokichi a développé le concept de perle de culture et avec l'essor de cette industrie, le secteur de la perle naturelle du Golfe s'est effondré car il faut pêcher 8000 huîtres pour espérer trouver 5 à 15 perles maximum et puis, elles ne sont pas toujours belles. Elles n'ont pas toutes la même forme, la même taille, la même couleur ; or dans la perle de culture, on peut élever 8000 huîtres et obtenir exactement la forme, la couleur et la taille que l'on veut," indique-t-il.

"Cela a eu pour effet, de faire chuter le prix des perles naturelles du Golfe et au cours des années 1920 et 1930, le secteur s'est lentement effondré ici," explique-t-il.

Mais l'héritage de ce secteur reste bien présent au Musée national du Qatar. "Nous mettons en lumière l'importance du secteur de la perle en parlant tout d'abord des négociants, puis de la diffusion des perles dans le monde entier, depuis Rome il y a 2000 ans jusqu'en Amérique du Nord dans les années 1930," déclare le guide. "Nous évoquons aussi la place qu'occupaient la perle naturelle à cette époque et le fait qu'elles représentaient la pièce de joaillerie qui était la plus précieuse et celle portée par les célébrités et les têtes couronnées à travers le monde," décrit-il.

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Au cœur des plus belles pièces de joaillerie

Malgré leur coût, les perles naturelles restent prisées dans la haute joaillerie. Directrice de la création au sein de la maison Hairaat basée à Doha, Nada bint Khamis Al-Sulaiti a remporté plusieurs récompenses pour ses créations.

"Il existe un marché pour les perles naturelles même si elles ne représentent que 5% des ventes de perles au niveau mondial, car il y a des personnes qui n'achètent que des perles naturelles," estime la créatrice. "Celles-ci restent et seront toujours à la mode ; pour ce qui nous concerne, nous les utilisons principalement dans la haute joaillerie et pour des pièces originales créées sur-mesure," explique-t-elle.

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Nada bint Khamis Al-Sulaiti travaille sur l'une de ses créationsEuronews

La marque de la créatrice s'est fait un nom au plan international, mais ses collections s'inspirent des paysages naturels qataris."Quand j'étais petite, je parcourais le pays avec mes parents pour voir le désert, la mer, des vestiges, des maisons anciennes, etc. J'étais émerveillée," se rappelle-t-elle.

"Par la suite, je me demandais tout le temps comment utiliser cela de manière créative ; puis, j'ai découvert que la joaillerie était un moyen pour moi, de m'exprimer et de traduire la beauté qu'il y avait autour de moi et tous les détails qui nous entourent en une forme d'art que l'on peut porter au quotidien," précise-t-elle.

"J'ai vécu en Europe et au Moyen-Orient, j'ai voyagé un peu partout, j'aime apprendre des autres cultures, mais je ne veux pas oublier mes origines et j'en suis fière," conclut-elle.

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