Forum Globsec 2023 : "Les pays de l'Est de l'Europe sont des fournisseurs de sécurité"

Forum Globsec 2023 : "Les pays de l'Est de l'Europe sont des fournisseurs de sécurité"
Tous droits réservés euronews
Tous droits réservés euronews
Par Sergio Cantone
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button
Copier/coller le lien embed de la vidéo de l'article :Copy to clipboardLien copié

Au forum Globsec 2023 à Bratislava, les ministres des affaires étrangères polonais et slovaque et l'ex-présidente estonienne Kersti Kaljulaid ont souligné le rôle crucial des pays de l'Est de l'Europe pour la sécurité du continent sur fond de guerre en Ukraine.

Le nouveau rôle politique et stratégique des pays de l'Europe centrale et orientale au sein de l'Union européenne, mais également leur importance pour la sécurité de l'Europe ont figuré parmi les thèmes abordés à Bratislava, lors du forum Globsec sur la sécurité mondiale. Nous les évoquons avec Miroslav Wlachovský, ministre slovaque des Affaires étrangères, son homologue polonais Zbigniew Rau et Kersti Kaljulaid qui a été présidente de la Slovénie de 2016 à 2021. Dans le contexte de l'agression russe en Ukraine, tous soulignent le rôle de leur pays dans la sécurité de l'Europe.

"Il faut une paix véritable en Ukraine"

Sergio Cantone, Euronews :

"On évoque dans les médias, la possibilité d'ouvrir une discussion pour parvenir à une sorte de cessez-le-feu en Ukraine. Pensez-vous que ces tentatives soient crédibles ? Ou pensez-vous qu'au bout du compte, la paix ou un cessez-le-feu stable ne sera possible qu'après un échec militaire de la Russie en Ukraine, avec le rétablissement de l'intégrité territoriale de l'Ukraine ?"

Miroslav Wlachovský, ministre slovaque des Affaires étrangères :

"Je me vais me répéter, je l'ai déjà dit plusieurs fois. Le moyen le plus simple de parvenir à la paix en Ukraine, c'est que la Russie retire ses forces. Je pense que nous n'avons pas uniquement besoin de la paix, mais il faut que cette paix soit véritable, c'est-à-dire qu'elle reconnaisse l'agresseur, qu'elle le punisse et que, d'une manière ou d'une autre, elle aide la victime. C'est ce que nous devrions viser. C'est ainsi que le droit international et les relations internationales devraient fonctionner."

Kersti Kaljulaid, ex-présidente estonienne :

"Franchement, tous les pourparlers qui consisteraient à dire : "Contentons-nous d'un cessez-le-feu et négocions ensuite, quelque chose en retour" ne fonctionneraient pas. Imaginez si nous avions fait la même chose quand l'agression a commencé... Que s'est-il passé à Tbilissi une semaine ou deux après le début du conflit sur place ? Où se trouveraient exactement les Russes ? À 20 kilomètres de Kiev ! Il faut d'abord que les Ukrainiens libèrent leur territoire et ensuite, nous pourrons discuter."

Zbigniew Rau, ministre polonais des Affaires étrangères :

"Nous sommes tous pour la paix, pour le cessez-le-feu... La question est de savoir à quel type de paix nous aspirons. Ce que nous souhaitons, c'est une paix juste qui nous permette de restaurer l'indépendance nationale de l'Ukraine, la souveraineté de l'État et l'intégrité territoriale, puis d'assurer la reconstruction de l'Ukraine aux frais de la Russie - surtout parce que celle-ci est coupable de la destruction de l'Ukraine - et enfin, de traduire en justice tous ceux qui sont coupables de cette agression. Si nous espérons une paix juste et durable, c'est pour que la Russie ne soit pas en mesure de revenir à ses pratiques impérialistes en matière de politique étrangère."

Sergio Cantone :

"Vous affirmez que la Russie doit se retirer et respecter le droit international et tant que ce ne sera pas le cas, il n'y aura aucune possibilité..."

Kersti Kaljulaid :

"Il existe une possibilité. Mais c'est aux Ukrainiens de décider. C'est à eux de décider s'ils se sentent prêts à s'asseoir autour d'une table et négocier. S'ils se sentent confiants, s'ils négocient en position de force, il y a une chance. Je dirais donc que le tableau n'est pas si sombre."

Crise des céréales ukrainiennes : "Le prix que nous payons est élevé, mais bien inférieur à l'alternative"

Sergio Cantone :

"Nous avons vu récemment la polémique au sein de l'Union européenne concernant la crise des céréales, la crise des importations de céréales ukrainiennes. Combien de temps pensez-vous que vos pays seront en mesure de faire face à une telle situation d'urgence ?"

Miroslav Wlachovský :

"Nous n'avons pas voulu une telle situation et oui, c'est difficile pour nos pays. Mais nous avons conscience de ce que serait l'alternative et elle serait beaucoup, beaucoup plus sombre. Personne ne veut véritablement être le voisin d'une sorte de régime de Poutine en Ukraine ou de Poutine à nos frontières. Nous voulons avoir une Ukraine souveraine comme voisine. C'est aussi simple que cela et je pense que le prix que nous payons est élevé, mais bien inférieur à l'alternative."

Kersti Kaljulaid :

"J'ai eu cette discussion avec mes amis de Berlin-Ouest. Avaient-ils l'impression de vivre dans un pays militarisé pendant la guerre froide ? Non, pas du tout. Le fait de pouvoir se défendre renforce la sécurité et le sentiment de sécurité des gens. Par conséquent, plus la présence de l'OTAN sur le flanc oriental est importante, mieux c'est."

"Les membres de l'OTAN devraient consacrer 2% de leur PIB aux dépenses militaires" d'aprèsZbigniew Rau

Sergio Cantone :

"La Pologne est, d'après ce qui a été dit, appelée à devenir une sorte de forteresse en Europe. Ses dépenses militaires augmentent et elle joue désormais un rôle politique important dans la sécurité de l'Europe."

Zbigniew Rau :

"La société polonaise considère la défense de l'Ukraine comme quelque chose de non seulement politiquement correct, mais aussi d'absolument crucial, et même comme quelque chose que nous pouvons décrire comme une décision existentielle. Au XIXe siècle, quand nous étions privés de notre indépendance et qu'il était impossible de trouver la Pologne sur la carte de l'Europe, les patriotes polonais ont inventé cette devise : "Pour votre liberté et la nôtre", nous étions donc des combattants de la liberté bien connus en Europe. Le fait est qu'au XIXe siècle et surtout au XXe siècle, nous étions prêts à nous battre pour la liberté des autres et que les autres n'étaient pas souvent prêts à se battre pour notre liberté. Maintenant, ce que nous constatons dans cette guerre, c'est qu'il y a un pays, l'Ukraine qui de fait, se bat pour notre liberté, qu'il s'agisse de la liberté de la Slovaquie, de l'Estonie ou de la Pologne.

Quand vous posez la question du rôle que joue actuellement la Pologne sur le flanc oriental, nous pensons clairement, en tant qu'allié de l'OTAN, que le niveau des dépenses militaires au sein de l'Alliance devrait être de 2% du PIB. Mais il devrait s'agir d'un niveau plancher plutôt que d'une limite haute. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il est correct d'y consacrer un peu plus de 4% de notre PIB cette année, mais en tout cas, plus de 3%.

La notion même d'une alliance efficace est d'appliquer cette prérogative à nous-mêmes et ce devrait être le cas de tous les pays : un membre de l'OTAN devrait se considérer non seulement comme un bénéficiaire de sécurité, mais aussi comme un fournisseur de sécurité. C'est la raison pour laquelle nous décidons de dépenser autant, parce que la philosophie qui sous-tend cela, c'est de dire : "Je vais vous aider". Tout d'abord, vous devez être en mesure de vous aider vous-même, de vous défendre et ensuite, de défendre les autres, vos voisins également."

"L'OTAN a besoin d'une unité dynamique"

Sergio Cantone :

"Pensez-vous que les autres partenaires européens vous comprennent et vous soutiennent suffisamment au sein de l'Union européenne, mais aussi de l'OTAN où nombre d'entre eux sont également vos partenaires ? Ou bien y a-t-il toujours une certaine ambiguïté au sein des Conseils européens, des Conseils des ministres ou des réunions de l'OTAN ?"

Kersti Kaljulaid :

"Vous soulevez la question fondamentale parce qu'au sein de l'OTAN, nous parlons toujours du fait d'être unis..."

Kersti Kaljulaid :

"Unis dans la faiblesse, vous voulez dire ?"

Zbigniew Rau :

"Non, ce n'est pas une question de faiblesse. C'est plutôt une question d'inaction. Nous, sur le flanc oriental, nous voyons les choses différemment. Nous devons relever le défi et ceux d'entre nous qui sont les plus sensibles à ce défi, compte tenu de notre situation géopolitique, de notre expérience historique, se sentent obligés de fixer l'ordre du jour, de rendre cette unité tout simplement dynamique et de la rendre apte à relever les défis. Prenons l'exemple de la Pologne : nous avons réussi à mettre en place une coalition de chars. Nous avons décidé d'envoyer d'abord, des avions de chasse, etc. Il s'agit donc de montrer l'objectif vers lequel nous devrions tous aller pour pouvoir l'atteindre. C'est donc de ce type d'unité dynamique dont l'OTAN a besoin, c'est le cas de l'Union européenne également."

"Nous dirigeons par l'exemple" selon Kersti Kaljulaid

Sergio Cantone :

"L'intitulé de ce débat est "Diriger depuis le centre". Mais ne pensez-vous pas que diriger depuis le centre consiste à avancer comme un canard boiteux, parce que, par exemple, il y a un absent très important : la Hongrie..."

Kersti Kaljulaid :

"Tenir compte du plus petit dénominateur commun et affirmer que l'Union européenne s'est désagrégée à cause du Brexit - c'est exactement l'argument que vous avancez en vous appuyant simplement sur le fait que l'un des pays d'Europe centrale et orientale joue un jeu différent -, ce n'est pas juste de tenir ce discours à notre égard, car nous dirigeons par l'exemple. Nous dépensons en la matière. Nous essayons de nous défendre autant que possible. Nous parlons poliment, mais franchement, de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous partageons aussi honnêtement et ouvertement nos inquiétudes sur le fait que nous ne sommes pas tous sur la même longueur d'onde, mais nous enregistrons des avancées."

Zbigniew Rau :

"Allons-nous diriger nos pays de la même manière que l'Allemagne veut diriger l'Union européenne ? Certainement pas, et surtout pas nous en Pologne. Parce que nous croyons en quelque chose de fondamental, à savoir que tous les États membres de l'UE sont libres et égaux de la même manière et que les intérêts de chacun d'entre nous devraient être représentés de la même manière."

Miroslav Wlachovský :

"Pour moi, ce ne sont pas les structures qui comptent. Pour moi, c'est une question de capacités, de moyens d'agir en cas de besoin. Et je dois dire que je suis un grand défenseur du lien transatlantique et de l'OTAN en tant qu'Alliance de défense. Mais je comprends parfaitement le souhait de nos alliés et de nos amis américains, à savoir que l'Europe soit capable de régler ces questions par elle-même quand cela s'avère nécessaire. Et pour cela, nous avons besoin de ces moyens d'agir."

Une adhésion de l'Ukraine à l'UE : comment procéder ?

Sergio Cantone :

"Pensez-vous que la façon la plus pratique de reconstruire l'Ukraine serait de la faire patienter en vue de la faire adhérer à l'Union européenne ou de commencer la reconstruction avec une Ukraine qui soit déjà membre de l'Union européenne ?"

Kersti Kaljulaid :

"Le fait est que pour que l'Ukraine rejoigne l'Union européenne, les dirigeants de l'UE doivent pouvoir dire à leurs entreprises : "Investissez là-bas comme vous le feriez dans votre propre pays, l'environnement économique est le même, votre investissement est protégé de la même manière, l'État de droit est établi de la même manière." Ce n'était pas le cas en Ukraine avant la guerre et j'espère que les Ukrainiens pourront rapidement surmonter les difficultés qu'ils rencontraient auparavant. Ensuite, bien sûr, ils pourront adhérer, car l'UE est une union économique."

Miroslav Wlachovský :

"J'espère vraiment que nous commencerons à reconstruire l'Ukraine avant qu'elle ne rejoigne l'UE parce que je veux commencer sa reconstruction très rapidement, la condition préalable étant la fin de la guerre. En attendant, nous devons nous préparer et trouver le meilleur moyen d'aider les Ukrainiens à reconstruire leur pays."

Zbigniew Rau :

"Très honnêtement, je suppose que la meilleure façon de procéder est de lancer ces deux processus en parallèle."

Journaliste • Sergio Cantone

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Interviews exclusives des dirigeants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan

Le Portugal a célébré les 50 ans de la révolution des Œillets

Roberta Metsola se réjouit des récentes réformes adoptées par le Parlement européen