Ukraine : "Nus pour l'effort de guerre", la campagne qui soutient la dépénalisation du porno

Une femme porte une guirlande de fleurs devant des chars russes capturés, exposés sur la place centrale Khreshchatyk à Kiev, en Ukraine. 24 août 2023
Une femme porte une guirlande de fleurs devant des chars russes capturés, exposés sur la place centrale Khreshchatyk à Kiev, en Ukraine. 24 août 2023 Tous droits réservés Efrem Lukatsky/Copyright 2023 The AP. All rights reserved.
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Par Una Hajdari
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Cet article a été initialement publié en anglais

Ce qui a commencé comme une initiative spontanée visant à collecter de l'argent pour l'effort de guerre en Ukraine a permis de récolter environ 800 000 euros de dons. Aujourd'hui, TerOnlyFans souhaite que les législateurs ukrainiens dépénalisent le porno dans le pays.

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L'invasion en cours de l'Ukraine a incité des personnes du monde entier à tenter de mobiliser de l'aide pour aider le pays à faire face à l'assaut incessant des Russes, et ce par tous les moyens possibles.

Pour Nastassia Nasko, une Bélarusse de 25 ans ayant une formation en informatique et en marketing, il a d'abord été difficile de rendre plus concret le soutien à l'effort de guerre ukrainien, au-delà des "likes" et des "retweets" sur X (ex-Twitter). 

"Lorsque l'invasion à grande échelle a commencé, nous étions à Varsovie, et il nous a été difficile d'accepter que nous n'étions pas en Ukraine et que nous ne pouvions pas aider ou nous porter volontaires, et nous n'avions pas beaucoup d'argent à envoyer aux défenseurs ukrainiens", raconte-t-elle, à Euronews.

Avec son amie Anastasia Kuchmenko, 28 ans, diplômée en art, elle a tenté d'aider les personnes fuyant les frappes et l'avancée de l'armée russe, lors des deux premiers jours de l'invasion russe. 

"J'ai essayé de trouver une voiture pour quelqu'un que j'avais rencontré sur Twitter, et qui essayait désespérément de fuir Kharkiv. J'ai posté un message sur Twitter et j'ai essayé de trouver quelqu'un pour nous aider. Il y a eu beaucoup de likes et de retweets, mais personne n'a pu nous aider", explique Nastassia Nasko. 

"Puis, pour plaisanter, j'ai dit que j'enverrais à la personne qui m'avait aidée à trouver la voiture, une photo de nu, si elle nous aidait à trouver une voiture. Cinq minutes plus tard, une voiture était trouvée", poursuit Nastassia Nasko.

Les deux femmes ont lancé TerOnlyFans, abréviation de "Territorial Defence OnlyFans". La plateforme coopère avec plusieurs organisations caritatives ukrainiennes et demande aux internautes de prouver qu'ils ont fait un don à une cause, avant de leur envoyer des nus de bon goût.

"Il était important pour nous de lancer TerOnlyFans le 8 mars, car nous voulions souligner que le projet vise à promouvoir le droit des femmes à décider en toute indépendance de faire ce qu'elles veulent de leur corps", a souligné Nastassia Nasko.

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Des unités de la brigade de défense territoriale participent à des exercices militaires sur un terrain d'entraînement dans la région de Zaporizhzhia, en Ukraine. 14 mars 2023Kateryna Klochko/Copyright 2023 The AP. All rights reserved.

Une société ouverte étouffée par la guerre

Même si l'intérêt pour l'Ukraine, notamment pour sa culture et son identité, a fortement augmenté depuis l'invasion russe de 2022, les personnes qui n'ont jamais visité le pays ne penseraient pas, qu'il offre de riches possibilités en matière d'arts et de divertissements.

Kiev est souvent considérée comme le "Berlin de l'Est", où les jeunes portent des vêtements fabriqués par un large éventail de créateurs locaux, arborent des tatouages importants et complexes et fréquentent les nombreux cafés, bars et clubs de la capitale.

"La plupart des gens pensent que l'Ukraine est un pays post-soviétique pauvre, sombre et sale, mais en réalité, la société ukrainienne s'est beaucoup développée depuis l'indépendance et est devenue vraiment progressiste au cours des 15 dernières années. Les gens veulent faire partie de l'Europe et penser comme des Européens", explique Nastassia Nasko.

C'est pourquoi TerOnlyFans n'a pas suscité de réactions négatives comme cela aurait pu être le cas dans des sociétés plus traditionnelles.

"Nous avons reçu des critiques négatives généralement de la part de Russes, ce qui était prévisible. La plupart des gens ont approuvé le fait que nous contribuions à l'effort de défense de l'Ukraine", ajoute-t-elle.

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Une grande colonne de chars russes capturés est exposée sur le boulevard central Khreshchatyk à Kiev, en Ukraine. 24 août 2023Efrem Lukatsky/Copyright 2023 The AP. All rights reserved.

Décriminaliser le porno

Au début du mois, Yaroslav Zheleznyak, membre de la Verkhovna Rada ukrainienne appartenant au parti Holos, a parrainé un projet de loi visant à dépénaliser les contenus pornographiques.

La loi existante est considérée comme héritée de l'Union soviétique, où l'interdiction de produire et de distribuer du matériel pornographique faisait partie de la censure visuelle, exercée par le régime.

La loi de 2004 sur la protection de la moralité publique définit la pornographie comme "des actes sexuels vulgaires, cyniques et indécents [...] qui ne répondent pas aux critères moraux, qui portent atteinte à l'honneur et à la dignité d'une personne et qui incitent à des instincts indignes".

Jusqu'en 2015, il existait une commission chargée de rechercher ce type de contenu en ligne ou dans les livres et les films. La loi sur la moralité publique a depuis expiré, et il n'existe actuellement aucune définition légalement acceptée de ce que constitue la pornographie dans le code pénal du pays.

"Je pense que de nombreuses personnes à la Verkhovna Rada sont favorables à la dépénalisation du porno. Contrairement à la Douma russe, où il y a beaucoup de personnes âgées, conservatrices et traditionnelles, il y a beaucoup de jeunes politiciens progressistes à la Rada maintenant, et à chaque tour d'élection, il y en a de plus en plus", assure,Nastassia Nasko.

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La dépénalisation et l'officialisation de la production de contenus pour adultes permettraient également d'éviter que les professionnels du secteur ne soient victimes de pots-de-vin ou d'abus de la part de la police. Des médias ukrainiens rapportent que certains officiers de police ont même essayé d'obtenir des faveurs sexuelles pour ne pas envoyer quelqu'un en prison ou lui faire payer une amende.

"Je connais de nombreuses occasions où des jeunes filles ont été arrêtées et ont dû payer des amendes pour des choses anodines", affirme Nastassia Nasko.

Le projet de loi de Yaroslav Zheleznyak propose une nouvelle définition de la pornographie, dépourvue de toute classification morale, tout en protégeant la production de matériel pornographique filmé sans le consentement des personnes qui y figurent, la vente de matériel pornographique aux mineurs ainsi que la pornographie enfantine, et en maintenant l'interdiction de la pornographie extrême, telle que la nécrophilie ou la zoophilie.

L'Ukraine est classée 15e en termes de trafic sur PornHub en 2022. La majorité des parts de "TerOnlyFans" est désormais détenue par Leonid Radvinsky, un entrepreneur ukraino-américain.

"TerOnlyFans" a généré environ 1 million d'euros de recettes fiscales pour l'Ukraine au cours du seul premier semestre 2023, selon Yaroslav Zheleznyak.

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Une pétition en ligne, qu'il a lancée pour sonder l'intérêt du public pour la dépénalisation officielle de la pornographie, a recueilli environ 25 000 signatures, en deux mois.

Les TerOnlyFans ont déclaré, sur leur chaîne Telegram, qu'ils participaient également aux consultations pour la rédaction du nouveau projet de loi sur les contenus pornographiques.

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