Peuples indigènes du Brésil : un tournant pour les autochtones et l'environnement

Des représentants des peuples indigènes brésiliens devant la Cour suprême à Brasilia.
Des représentants des peuples indigènes brésiliens devant la Cour suprême à Brasilia. Tous droits réservés Gustavo Moreno/Copyright 2023 The AP. All rights reserved
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Par euronews avec agences
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En rejetant une demande de l'agrobusiness, la Cour suprême du Brésil renforce le droit inaliénable à la terre des indigènes, mais tous les problèmes sont loin d'être réglés.

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Le fait que la Cour suprême du Brésil ait déclaré jeudi inconstitutionnelle la thèse du "cadre temporel" est un tournant dans les vifs débats autour du droit des peuples indigènes à la terre dans le pays, avec également des conséquences importantes pour la préservation de l'environnement.

Lors de ce "procès du siècle", comme l'intitulent les défenseurs des peuples autochtones, neuf des onze magistrats ont rejeté cette thèse qui aurait remis en cause la démarcation des réserves indigènes. Deux ont voté pour.

Si cette thèse défendue par le lobby de l'agro-négoce avait prévalu, ils n'auraient eu droit qu'aux terres qu'ils occupaient au moment de la promulgation de la Constitution, en 1988.

Un long procès

Le procès a débuté en août 2021 et a été suspendu à plusieurs reprises, pour des durées plus au moins longues. Il a fallu onze séances plénières à la Cour suprême pour que soit atteinte la majorité pour rejeter le "cadre temporel".

Les magistrats ont dû statuer concrètement sur le cas du territoire Ibirama-Laklano du peuple Xokleng, dans l'Etat de Santa Catarina (sud), qui a perdu son statut de réserve indigène en 2009. L'argument avancé par les juges qui avaient pris cette décision à l'époque : ces terres n'étaient pas occupées par les autochtones en 1988.

Mais les indigènes considèrent que la Constitution reconnaît leur droit à occuper leurs terres ancestrales, sans prévoir de "cadre temporel".

Ils rappellent notamment que certains de ces territoires n'étaient pas occupés en 1988 car un grand nombre de peuples autochtones en ont été évincés manu militari pendant des siècles.

Les représentants du lobby de l'agro-négoce, secteur moteur de la croissance brésilienne, estiment pour leur part que le "cadre temporel" aurait apporté une "sécurité juridique"aux grands producteurs ruraux.

Quelle est l'importance des réserves indigènes ?

La démarcation des réserves garantit aux autochtones le droit inaliénable d'occuper leurs terres ancestrales, ainsi que l'usage exclusif des ressources naturelles, en préservant leur mode de vie traditionnel.

De nombreux scientifiques estiment que ces réserves jouent un rôle essentiel dans le combat contre le réchauffement climatique, en tant que remparts face à la déforestation, qui a fortement augmenté sous le mandat de l'ex-président d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022).

Au point mort sous ce dernier, le processus d'homologation de territoires réservés aux indigènes a été repris par le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, qui a homologué six nouvelles réserves en avril et deux autres début septembre.

Quelles conséquences concrètes ?

Si le "cadre temporel" avait été jugé constitutionnel, cette interprétation se serait appliquée non seulement aux terres Ibirama-Laklano, mais aussi mécaniquement à des dizaines, voire des centaines d'autres réserves objets de litiges depuis des années.

Les peuples autochtones auraient pu se voir expulsés de leurs terres s'ils ne parvenaient pas à prouver qu'ils les occupaient lorsque la Constitution de 1988 a été promulguée.

Selon l'ONG Institut socio-environnemental (ISA), près d'un tiers des plus de 700 réserves indigènes déjà délimitées au Brésil auraient pu être affectées.

Et maintenant ?

Les magistrats doivent encore trancher si certains propriétaires de terres qui seraient transformées en réserves pourraient être indemnisés par l'Etat.

Ces indemnisations ont été évoquées par le juge Alexandre de Moraes, pour les "non-indigènes" qui auraient acquis ces terres ancestrales des autochtones légalement et "de bonne foi". Une thèse rejetée par les leaders autochtones.

Ce magistrat a également proposé des compensations pour des indigènes à qui il ne serait pas possible de concéder les terres qu'ils revendiquent à bon droit.

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