Câlins et communication : comment le Danemark lutte contre le harcèlement à l'école

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Par Valérie Gauriat
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Le Danemark fait partie des pays européens où le taux de harcèlement scolaire est le plus faible. Des méthodes d'enseignement différentes et une attention plus grande prêtée aux enfants et adolescents peuvent notamment l'expliquer, comme l'a constaté notre reporter Valérie Gauriat.

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Méditation, câlins et confidences, c'est ainsi que commencent les journées pour la vingtaine d'enfants d'une classe de l'école élémentaire Sluseholmen Skole de Copenhague.

"Les enfants doivent se sentir en sécurité"

Pour Maja et Louise, leur deux enseignantes, l'apprentissage scolaire passe aussi par le bien-être. "Je suis la personne à qui ils peuvent parler s'ils se sentent en difficulté et je parle aussi beaucoup de qui je suis, de ce que j'aime," nous indique Maja Hindsgaul alors qu'une élève vient la serrer dans ses bras. "Je leur dis que ce n'est pas un problème s'ils aiment faire des câlins, j'aime ça aussi," assure-t-elle, en souriant.

"Bien sûr, ils doivent apprendre à lire et à écrire, mais pour cela, ils doivent se sentir en sécurité," estime l'enseignante. "C'est ma mission, qu'ils se sentent en sécurité et qu'ils puissent développer des compétences sociales à l'école," indique-t-elle.

L'une des élèves, Nour, nous montre des affiches "sur ce qu'il faut faire à l'école, les bonnes choses que l'on peut faire," nous dit-elle avant d'ajouter : "C'est notre objectif : être une bonne classe !"

Alberte, sa camarade, ajoute : "Si quelqu'un est contrarié, nous pouvons aller lui demander s'il a besoin d'un câlin. Et on s'entraide pour les devoirs, mais aussi en général," souligne la fillette.

Maja Hindsgaul, enseignante à la Sluseholmen Skole
Maja Hindsgaul, enseignante à la Sluseholmen SkoleEuronews

Mettre en pratique des compétences sociales

Apprendre à vivre ensemble est une partie intégrante de l'enseignement comme au travers de l'atelier auquel nous assistons et dans lequel les enfants créent en binômes, des planètes imaginaires.

"Nous essayons toujours d'amener les enfants à travailler ensemble dans différents types de groupes, en mélangeant filles et garçons, et pas toujours avec leurs meilleurs amis, mais aussi avec des enfants avec lesquels ils ne travaillent pas habituellement," explique Louise Ibsen, enseignante. "Ils mettent également en pratique leurs compétences sociales, par exemple, comment communiquer et comment faire des compromis sur différentes idées," décrit-elle.

Ces méthodes relèvent des programmes mis en place dans nombre d'établissements scolaires danois pour lutter contre le harcèlement, dès la maternelle. Les enfants adhèrent pleinement.

"Tout le monde se respecte totalement," assure Polly. "Les amis vous aident si des enfants vous maltraitent parce que les amis les arrêtent et appellent le professeur," explique-t-elle. "Et du coup, ils s'arrêtent et on redevient heureux," se félicite-t-elle.

Les parents ont leur rôle à jouer

L'un de ses camarades, Oliver renchérit : "Avant, j'étais maltraité par quelqu'un, mais maintenant, c'est fini, les professeurs ont réglé le problème. Cela m'a rendu beaucoup plus heureux de ne pas être harcelé, j'ai l'impression d'être plus intégré," se réjouit le garçon.

Fatemeh, la mère de Nour, fait partie du conseil d'administration de l'école. Les parents d'élèves participent à l'élaboration des programmes scolaires. Ils jouent à ses yeux, un rôle crucial en matière de prévention du harcèlement.

"Je pense que le plus important, c'est que, si vous voyez que vos enfants se sentent mal, vous les preniez au sérieux et essayiez de comprendre ce qui ne va pas," nous indique Fatemeh. "Il faut que nous, parents, parlions à nos enfants et sachions comment les rendre un peu plus robustes afin qu'ils apprennent à faire face à l'adversité," met-elle en garde.

"La dimension digitale aggrave les choses"

Le Danemark est l'un des pays d'Europe, avec la Suède et la Finlande, où les taux de harcèlement scolaire sont les plus faibles.

Cependant, la plateforme téléphonique, gérée par l'ONG danoise de défense des droits des enfants Børns Vilkår, a vu le nombre d'appels liés au harcèlement augmenter, ainsi que les comportements suicidaires, notamment chez les jeunes adolescents.

"Les appels liés au harcèlement concernent tous les groupes d'âge, mais c'est un problème en particulier pour les 10-15 ans : c'est l'âge où c'est très important pour un enfant de faire partie d'un groupe et le harcèlement, c'est l'exclusion du groupe," explique Rasmus Kjeldahl, PDG de Børns Vilkår. "La dimension digitale aggrave les choses car cela ne s'arrête pas quand vous quittez l'école," fait-il remarquer.

Rasmus Kjeldahl, PDG de Børns Vilkår
Rasmus Kjeldahl, PDG de Børns VilkårEuronews

"Un nouveau type d'adolescents que nous devons accompagner"

Helle Hansen est l'une des expertes danoises à avoir élaboré les programmes de prévention du harcèlement mis en place dans les établissements scolaires depuis une quinzaine d'années au Danemark.

Des programmes qui ont fait leurs preuves, mais qui doivent être réinventés, dit-elle, pour faire face à de nouvelles réalités.

"C'est plus difficile d'être un adolescent," affirme Helle Rabøl Hansen. "Nous avons eu le confinement, le Covid, on se sent plus seul ; en général, le bien-être est affecté," poursuit-elle. "Les jeunes ou les enfants qui harcèlent les autres ont besoin de quelque chose : ils ont besoin de comprendre le sens d'être ici et qu'ils font partie de quelque chose," insiste-t-elle. "Nous sommes face à un nouveau type d'adolescents et nous devons les accompagner," affirme-t-elle. "Si nous ne les comprenons pas, ils se heurtent à l'absence de sens et l'absence de sens est l'une des raisons pour lesquelles ils se mettent à harceler les autres," fait-elle remarquer.

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"Nous travaillons sur la confiance"

Comprendre les adolescents, c'est une évidence pour le proviseur du lycée Greve Gymnasium proche de Copenhague.

Comme beaucoup d'établissements scolaires danois, il affiche une charte dédiée à la lutte contre le harcèlement sur son site internet. Plus que les sanctions, ce qui prime avant tout, c'est la dynamique de groupe et le dialogue avec les élèves. Ils participent à la stratégie anti-harcèlement, comme à toutes les règles régissant la vie du lycée.

"Nous essayons de nous rapprocher des étudiants de plusieurs manières et de discuter avec eux de l'enseignement, des principes pédagogiques, de ce qu'ils font pendant leur temps libre et de la manière dont ils interagissent sur les réseaux sociaux, nous avons des cours là-dessus," précise le proviseur Mette Trangbæk. "C'est très important que nous osions nous rapprocher d'eux et intervenir pour faciliter leur vie en classe et pendant leur temps libre," ajoute-t-elle. "Nous travaillons sur la confiance parce que la confiance permet de se rapprocher d'eux et d'agir sur les problèmes," dit-elle.

Mette Trangbæk, proviseur du Greve Gymnasium
Mette Trangbæk, proviseur du Greve GymnasiumEuronews

La prise en compte de l'opinion des élèves

Confiance dont nous avons la démonstration dans une classe de terminale qui s'apprête à suivre un cours de mathématiques. Un groupe d'élèves choisit de quitter la salle, pour nous parler de la question du harcèlement, sous le regard bienveillant de leur professeure.

Avant cela, leur enseignante Sanne Yde Schmidt s'adresse ainsi à la classe : "Je suis une autorité dans mon domaine, les maths et l'histoire, mais je ne suis pas une autorité sur ce que vous devez faire ou penser." Les élèves acquiescent.

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"Il s'agit de responsabilité, je pense que le harcèlement résulte en grande partie de hiérarchies qui ne fonctionnent pas," poursuit la professeure. "Du coup, les gens essaient de prendre le pouvoir en intimidant quelqu'un d'autre et si vous n'avez pas besoin de cela parce que vous avez le pouvoir sur votre propre vie dès le départ, cela change tout," assure-t-elle.

L'une de ses élèves, Lucija nous indique : "On apprend dès le plus jeune âge à traiter les autres comme on aimerait être traité, c'est une partie intégrante de notre éducation et c'est aussi une chose à laquelle on pense avant de mal parler à quelqu'un."

"Les élèves ont une voix assez forte dans les décisions prises par l'école," ajoute Mathias, l'un de ses camarades. "Du coup, si jamais on apprend que l'un de nos camarades a des problèmes, on peut en parler directement au conseil d'administration, où notre opinion sera vraiment prise en compte," assure-t-il.

Des élèves du Greve Gymnasium près de Copenhague
Des élèves du Greve Gymnasium près de CopenhagueEuronews

Être une personne à part entière

"Au Danemark, je crois que les enseignants, mais aussi les parents à la maison, sont plus perçus comme des confidents et des guides, que comme des autorités à respecter et à qui on doit rendre compte," indique Jonathan, un autre lycéen.

"Donc, si vous êtes victime de cyberharcèlement au Danemark, je pense que tout le monde aura quelqu'un de plus âgé qu'il peut contacter et qui peut l'aider à résoudre le problème," estime-t-il.

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L'enseignante Sanne Yde Schmidt conclut : "Ils ont raté le cours de mathématiques, mais ils ont appris autre chose de très important, à savoir que cela fait aussi partie du fait d'être adulte, de décider de ce qui est important. Être une personne à part entière aide à se sentir bien dans sa peau et cela empêche le harcèlement," insiste-t-elle.

À ses côtés, Xenia, l'une de ses élèves, ajoute : "Je pense que le Danemark, est un pays qui réussit bien à donner le sentiment que nous sommes une personne, un individu et que nous sommes entendus et vus."

"Importants !" complète sa professeure. "Et importants !" reprend Xenia, enthousiaste.

Journaliste • Valérie Gauriat

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