En Ukraine, pas de répit pour les combattants après deux ans de guerre

Les moments de répit sont rares pour les hommes et les femmes présents sur le front.
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Par Valérie GauriatEuronews
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Deux ans se sont écoulés depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Notre reporter Valerie Gauriat s'est rendue aux côtés de combattants ukrainiens dans le Donbass, à l'Est du pays. Ils ne voient pas la fin d'une guerre d'usure toujours plus meurtrière.

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Dans cet épisode de Witness, Valérie Gauriat s'est rendue aux côtés des troupes ukrainiennes, dans le Donbass. Un territoire au cœur d'un conflit qui de guerre éclair s'est transformé en guerre d'attrition toujours plus meurtrière.

Tapis sous terre dans leur poste d'opération, une unité spécialisée dans les attaques au drone, au sein de la 92e Brigade, s'apprête à lancer une intervention. Nous sommes à moins de trois kilomètres des positions russes, près du front de la région de Donetsk, à l’Est de l’Ukraine.

Un champ de bataille défini par les technologies

Lorsque le drone décolle, la manœuvre est risquée. Une fois amorcées, les charges explosent parfois au décollage.

"Les drones FPV sont très importants en ce moment, parce que l’efficacité est très grande", explique Olexandr, pilote de drone au sein de la 92ème brigade. "On peut survoler les obstacles et toucher des cibles difficiles à atteindre".

L’exercice n’est pas simple. Soumis aux conditions météorologiques ou à des défaillances techniques, ils peuvent aussi être repérés par les systèmes de surveillance russes.

Atout majeur, les drones ne peuvent toutefois remplacer l’artillerie, qui manque cruellement de moyens, insiste le commandant du bataillon. Il appelle les pays occidentaux à débloquer d’urgence d’avantage d’aide militaire.

L'urgence de renforcer également l'artillerie

"Sans artillerie et sans vos munitions, sauver la vie de nos soldats et résister à l'ennemi sera très, très difficile", indique Yuriy, commandant du bataillon. "C'est pourquoi nous demandons à nos partenaires internationaux une fourniture systématique d’aide militaire. Et ce qui est important c’est de l’envoyer aujourd'hui pour aujourd'hui, et pas pour dans sept mois. Parce que quand l'ennemi comprendra que cela arrivera dans sept mois, Il construira sa réponse. Et lorsqu’on recevra les moyens nécessaires sur le front, nous ne pourrons pas mettre en œuvre une désoccupation efficace du territoire, c'est-à-dire une opération de contre-offensive, car l'ennemi sera prêt à relever le défi".

La zone n’est pas sûre. Les soldats nous demandent de repartir rapidement. Il faut suivre les traces creusées par les véhicules militaires ukrainiens, pour éviter les mines.

Deux ans après le début de l'invasion Russe, le Donbass, est toujours en proie à des combats acharnés. 

Le centre de commandement du bataillon de Drones, en arrière du front, coordonne toutes les opérations de surveillance et d’attaque par drones de la 92e Brigade. Six drones sur dix atteignent leur cible. Mais l’avance technologique des Russes rend la situation de plus en plus difficile sur le champ de bataille.

«Malheureusement, le rythme auquel ils améliorent leurs technologies est beaucoup plus rapide, parce qu’ils ont plus de ressources que nous", explique Anton, le commandant.

"Cela rend la vie des troupes d’infanterie plus difficile sur le front. Ils sont sans cesse sous le feu de drones d’attaque, de drones kamikazes, de drones à bombes. On doit trouver un moyen de contrer cela, c’est notre défi".

Devenue électronique, la guerre fait d’autant plus de ravages. Selon les estimations, elle a tué en deux ans quelques 100 000 soldats et plus de 10 000 civils. Après l’échec de la contre-offensive ukrainienne l’été dernier, la guerre d’usure s’enlise.

Un bâtiment reconverti en centre dit "de stabilisation" constitue le premier point d’accueil et de soin des blessés qui arrivent directement du front, avant d’être envoyés à l’hôpital.

Cible facilement repérable, le centre a été déplacé trois fois au cours des deux derniers mois. Les soignants n’ont reçu que quelques blessés légers lors de notre visite. Ils en accueillent parfois une centaine en même temps, et la salle d’opération réservée aux cas lourds est régulièrement saturée.

" On voit surtout des blessures par shrapnel", note Artem, anesthésiste, souvent "causés par des drones FPV, ou des obus lâchés par des drones. Les drones définissent le champ de bataille maintenant. Les Russes sont actifs sur tout le front. Et du fait de notre manque d’obus, on en utilise très peu. C’est ce genre de chose qui permet aux Russes d’opérer de manière plus ouverte, plus agressive. Parce qu’ils savent qu’il n’y aura pas de frappes de l’artillerie en représailles de leurs actions".

Nous rejoignons l’une des équipes militaires d’évacuation médicale de la région de Donetsk. Ils interviennent de nuit, pour éviter d’être pris sous le feu constant des drones pendant la journée.

Sans cesse sur le qui-vive, l’équipe profite ce soir-là d’un rare moment de répit.

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“C’est une bonne journée pour nous", sourit Roman Gasko, commandant de l'unité d'évacuation. "Quand on n’a pas beaucoup de travail, on est vraiment heureux. Et on a du temps pour lire des livres et penser à autre chose. Mais tout pourrait changer d’un coup".

"Je ne suis pas surpris que cela dure autant. Mais le plus dur, c’est qu’on ne sait pas combien de temps ça va durer en général, quand ça va se terminer. Et c’est la plus grande question, pour tout le monde".

Tous les membres de cette unité sont au front depuis le début de l’invasion russe. Tous ont perdu des proches au combat. Mais il faut tenir, disent-ils le temps qu’il faudra.

Uliana était chef d’orchestre dans l’armée de l’air. Elle a rejoint la brigade pour servir aux côtés de son frère. Il est mort sur le front peu avant son arrivée.

"Chacun de nous a perdu quelqu’un dans cette guerre", témoigne Uliana Sozanska, "à cause de ces satanés Russes. Nous devons tenir bon. Nous ne pouvons aller nulle part. Ceci est notre patrie, notre pays. Nous devons continuer à nous battre".

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En deux ans, les membres de l'équipe n’ont pris que 30 jours de repos.

Le 14 février dernier, jour de la Saint-Valentin, les plus chanceux avaient pu quitter le champ de bataille pour retrouver leurs proches. A l’Est comme partout ailleurs en Ukraine, la guerre rythme désormais la vie des civils. Beaucoup sont mobilisés pour soutenir l’armée, comme Svetlana, aux commandes d’une laverie mise à disposition des combattants, dans la ville de Constantinovka, non loin du front.

"Beaucoup de gars nous rapportent des choses qui viennent du front", explique Svetlana. "Leurs vêtements sont sales, couverts de boue, parfois c’est du sang, du kérosène toutes sortes de carburants... C’est important pour eux de pouvoir profiter un peu ici de la vie qui leur manque, dans une zone où ils échappent à tout ce qu’ils subissent sur le front, où ils sont bombardés, où ils meurent. Ils sont ici à l’avant-poste, et défendent notre terre. Ils défendent notre Ukraine. Et si nous pouvons les aider, nous devons le faire".

Faire laver et réparer leurs vêtements, un luxe rare pour les soldats, et l’occasion d’un peu de réconfort.

“Ça nous fait vraiment gagner du temps", témoigne Volodymir Antonyk, "dont on a besoin pour autre chose, comme vous le savez. Nous devons protéger la mère patrie".

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“Cela aide que les gens soient toujours amicaux ici", confirme un autre soldat, Ihor. "Ils nous accueillent comme des amis, des proches. Ils sont toujours en train d’aider, ils nous offrent du café, des sucreries. Psychologiquement, ça nous aide aussi".

Tous ici connaissent Zoya. Elle était vétérinaire avant la guerre. Armée de deux machines à coudre, elle répare aujourd'hui les accrocs des uniformes que lui tendent les soldats, dans un recoin de la laverie.

Cette femme menue, dont le sourire doux recouvre une peine infinie, a perdu son mari et son fils aîné avant la guerre.

Son plus jeune fils est mort l’an dernier sous les coups de recruteurs dans la ville occupée de Donetsk, pour avoir refusé de rejoindre les rangs de l’armée russe. Zoya, elle, a dû fuir sa ville de Toretsk, bombardée par les forces russes.

Gravement blessée à la tête par un éclat d’obus, elle doit la vie aux militaires ukrainiens.

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“Un chirurgien de l'armée m’a recousu la tête, et m’a sauvée", relate-t-elle. "Et comme j’ai survécu, je veux aider les militaires. Je veux faire ma part pour aider à la victoire. Ma vie, maintenant, appartient aux militaires, et à mon pays".

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