Les États membres sont divisés sur les achats d'armes conjoints, les emprunts en commun et la nécessité d'acheter européen.
Financer son réarmement, tel est le difficile équilibre de l'UE.
D'un côté les finances publiques sont dans le rouge, de l'autre la menace russe et la perspective d'un repli isolationniste américain planent sur l'Europe.
"Il faut créer des usines, il faut former du monde. Donc ça ne se fait pas du jour au lendemain", rappelle Philippe Perchoc, Directeur à l'IRSEM Europe, le bureau européen de l'Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire.
Les États membres ont mis la main à la poche suite à l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine lancée le 24 février 2022.
En 2024, les dépenses de défense des 27 ont atteint 326 milliards d’euros, soit 1,9 % du PIB de l’UE, selon l’Agence européenne de défense (AED). Ces dépenses ont ainsi bondi de 31% par rapport à 2021.
En novembre, les pays de l'UE se sont engagés à développer des projets militaires communs dans des domaines tels que la défense aérienne et la guerre électronique.
De son côté, le premier commissaire à la défense et à l'espace de l'UE, Andrius Kubilius, a déclaré que l'Union devait réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis en matière de défense.
Acheter et produire en commun
Dans le sillage de la guerre en Ukraine, différentes solutions sont sur la table pour financer la défense du continent tels que la production et les achats d'armes conjoints.
Le "point de départ" doit être le choix des dépenses en commun afin d'accroître l’efficacité et la rentabilité et réduire les coûts, estime Guntram Wolff, chercheur à l'Institut Bruegel.
Les "missiles hypersoniques, la défense aérienne, les satellites, les drones", "si nous travaillons ensemble dans ces domaines, nous allons vraiment obtenir plus pour notre argent", assure-t-il à Euronews.
Toutefois les besoins spécifiques des États membres en matière d’armement font parfois obstacle à cette forme de coopération.
La France nécessite par exemple "une capacité de dissuasion nucléaire", assure Jan Joel Andersson, Senior analyst at the EU Institute for Security Studies.
Certains pays expéditionnaires préféreront des "équipements plus légers et facilement transportables" comme des véhicules blindés et de l'artillerie, "alors que d’autres pays se sont préparés à combattre un ennemi ou un adversaire ici en Europe et ont donc été plus concentrés sur les chars lourds et l’artillerie lourde", précise le chercheur à Euronews.
Emprunter en commun
Les emprunts en commun, appelés aussi eurobonds, pourraient permettre de financer le réarmement.
"L’idée d’un emprunt commun plus important de l’UE est le fait que bon nombre d’États membres ont des problèmes avec leurs finances nationales et qu’ici, ce serait en quelque sorte le moyen d’utiliser pleinement le pouvoir collectif de l’UE en tant qu’emprunteur pour rendre en fait moins cher l’emprunt", explique Jan Joel Andersson.
Toutefois les partisans de l'orthodoxie budgétaire comme l’Allemagne restent réticents à emprunter conjointement.
Faut-il "acheter européen" ?
Certains, comme le président français Emmanuel Macron, appellent à “acheter européen” au nom de l'autonomie stratégique.
D’autres préfèrent passer commande ailleurs pour réduire les coûts ou les délais de livraison.
"Ce n'est pas qu'il ne faudrait acheter qu'européen, je pense que personne n'a ça en tête, mais il faut revaloriser peut-être la part de ce qui est européen dans ce qu'on achète", déclare à Euronews Philippe Perchoc, Directeur à l'IRSEM Europe.
"Ce qui est fabriqué ailleurs qu'en Europe, on n'est pas prioritaire pour le consommer. On a beau signé un contrat si les conditions changent, s'il se passe quelque chose dans l'Indo-Pacifique ou à Taïwan, les Européens ne seront pas prioritaires. Donc en fait il faut assurer ses arrières", estime le chercheur.
Le rôle de l’UE est toutefois limité : la défense est une compétence exclusive des États.