Kyiv affirme que seul Poutine bénéficie de la poursuite de la guerre, soulignant que celle-ci a désormais une dimension mondiale, non seulement pour l'Ukraine, mais aussi pour l'Europe, les États-Unis et l'ordre international lui-même.
Les discussions entre les États-Unis et la Russie sur un cessez-le-feu et la fin de la guerre en Ukraine, se sont poursuivies sans relâche au cours des dernières semaines.
En parallèle, les attaques russes contre les villes ukrainiennes se sont succédées faisant des dizaines de morts, notamment à Soumy et Kryvyï Rih.
Les États-Unis font pression pour une solution rapide et immédiate, l'Ukraine se dit prête, mais la Russie n'a pas encore dévoilé toutes ses cartes. L'approche américaine de la paix continue cependant de susciter des inquiétudes parmi les milieux diplomatiques.
Et il reste la question cruciale de l'avenir du soutien américain à Kyiv, question qui a été particulièrement abordée lors du Forum économique de Delphes.
"Je pense que les Etats-Unis ne veulent pas en faire plus et cela a été clairement exprimé, même par Joe Biden. Il y a beaucoup de scepticisme aux États-Unis après deux longues guerres que les États-Unis ont lancées en Afghanistan et en Irak, mais qui ne se sont pas déroulées et surtout terminées comme prévu. Ce doute existait donc avant Donald Trump. Je pense que la question est de savoir si les États-Unis maintiendront le soutien de base, y compris Starlink d'Elon Musk, et permettront à d'autres pays de combler le vide ", explique à euronews Brown Maddox, responsable de Chatham House, tout en faisant valoir que certains pays européens ont l'intention de combler le vide que Washington pourrait laisser dans le soutien à l'Ukraine.
Commentant l'approche américaine pour mettre fin à la guerre, Brown Maddox estime qu'il s'agit d'une proposition qui n'inclut pas de principes spécifiques, tels que le maintien du principe de souveraineté, selon lequel les citoyens peuvent décider de leur propre gouvernement. "L'Amérique soutient le principe d'essayer de mettre fin aux guerres, ce qui n'est pas mauvais en soi, car l'effusion de sang engendre l'amertume et rend plus difficile la résolution du conflit, mais dans l'ensemble, son approche est confuse et ne contient pas de principes clairs."
Un conflit aux conséquences plus vastes
Compte tenu du large consensus américain sur la supériorité stratégique dans la région indo-pacifique et la relation avec la Chine, le sort de l'Ukraine ne peut laisser indifférent le pouvoir en place à Washington. En effet, si la Russie l'emporte, le défi stratégique posé par la Chine sera encore plus grand.
"L'administration Trump a certainement besoin d'un succès en géopolitique aussi. Après l'Afghanistan, après Kaboul, après d'autres échecs, je dirais que l'Amérique ne peut pas perdre l'Ukraine, ne peut pas vendre l'Ukraine à la Russie. Je pense aussi que les Américains sont de plus en plus conscients que l'alliance entre la Russie et la Chine est toujours forte, que la Russie ne changera pas de camp. C'est un scénario de science-fiction", déclare Slavomir Sierakowski, sociologue, analyste politique et chercheur au German Council on Foreign Relations, à Euronews.
"Pour autant que je sache, et j'ai parlé à Andriy Sibiha, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, du côté de l'Ukraine, il n'y a pas vraiment de pessimisme parce que l'Ukraine accepte les conditions de la paix. La pression est donc maintenant sur la Russie. Les Ukrainiens attendent. Les Ukrainiens ne se débrouillent pas trop mal sur la ligne de front. Vous savez, si l'Ukraine a produit environ deux millions de drones l'année dernière, elle veut en produire quatre millions aujourd'hui. C'est considérable. Par ailleurs, Andriy Sibiha m'a dit que l'année prochaine, l'Ukraine pourrait même obtenir ses missiles balistiques ou même ses Patriots ukrainiens", ajoute Slavomir Sierakowski.
D’après les données de l’Institute for the Study of War, l’armée russe a réussi à s’emparer d’environ 4 000 kilomètres carrés de territoire ukrainien au cours de l’année écoulée. Un chiffre en nette hausse par rapport à 2023, où les lignes de front étaient restées relativement stables.
Cette progression témoigne d’une reprise d’initiative du côté russe, notamment dans certaines zones de l’Est et du Sud. Un regain destiné sans doute à peser lors de futures négociations. Mais ces gains restent largement symboliques à l’échelle d’un pays vaste comme l’Ukraine, qui couvre plus de 600 000 km².
En d’autres termes, la Russie avance, mais lentement — trop lentement pour parler de victoire. Ce paradoxe illustre l’état actuel du conflit : une guerre d’usure, où la dynamique tactique ne change pas fondamentalement l’impasse stratégique. Le front bouge, mais la guerre reste figée.
Kyiv affirme que seul Vladimir Poutine profite de la poursuite de la guerre, tout en soulignant que celle-ci a désormais une dimension mondiale, impliquant non seulement l'Ukraine, mais aussi l'Europe, les États-Unis et l'ordre international lui-même.