Pas de visages nouveaux mais des revenants de taille. Le Premier ministre a reconduit les ministres LR, fait la place belle aux macronistes et rappelé Bruno Le Maire et Éric Woerth aux affaires.
Sébastien Lecornu a fini de composer l'essentiel de son équipe gouvernementale près d'un mois après son arrivée à Matignon, et une chose est sûre : peu de ministres sortants devront faire leurs cartons ce soir.
Une première salve de 18 ministres a été annoncée dimanche soir par Emmanuel Moulin, secrétaire général de l'Élysée. La liste sera complétée prochainement.
Au début des consultations engagées par Matignon, le peu d'intrigue qui planait autour de ce nouveau gouvernement, concernait le maintien ou non de Rachida Dati, en pleine tempête judiciaire, ainsi que le nom de celui ou de celle qui prendrait la suite de Sébastien Lecornu aux Armées.
Mais plus le calendrier avançait, plus pressantes devenaient les revendications des alliés de facto du macronisme.
Inquiet de la pression de la gauche sur le plan économique, le chef des Républicains et ministre de l'Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, a voulu lui aussi entretenir un suspens, prévenant que la participation de la droite "n'était pas acquise du tout" et que "le compte n'y était pas" sur le régalien et les questions fiscales.
Une menace qui ne s'est pas concrétisée, puisque plusieurs ministres LR gardent leurs postes :
- Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur,
- Gérald Darmanin, garde des Sceaux,
- Rachida Dati, ministre de la Culture,
- Annie Genevard, ministre de l'Agriculture,
- Catherine Vautrin, ministre du Travail,
- Philippe Tabarot, ministre des Transports.
Nomination surprise : le ministère des Armées et des nciens combattants revient à Bruno Le Maire, ancien ministre de l'Économie, parti enseigner en Suisse.
Faible signe de rupture, de nombreux ministres macronistes restent au gouvernement, c'est le cas, entre autres, de :
- Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères,
- Élisabeth Borne, ministre de l'Éducation nationale,
- Aurore Bergé, qui récupère le porte-parolat.
Éric Lombard a été remplacé à la tête de Bercy par Roland Lescure, ancien ministre de l'Industrie, entre 2022 et 2024, aujourd'hui député macroniste des Français de l'étranger (Canada, États-Unis).
L'aile gauche fragilisée
Si Manuel Valls rempile aux Outre-mer, l'autre figure de l'aile gauche du gouvernement sortant, François Rebsamen, avait annoncé samedi avoir informé le Premier ministre de sa décision de ne pas faire partie de son gouvernement, invoquant ses "convictions d'homme de gauche, progressiste". C'est Éric Woerth, ex-ministre sarkozyste, qui hérite de ce portefeuille.
Le chef de l'état réunira le nouveau gouvernement lundi à 16h lors d'un conseil des ministres, a indiqué l'Élysée.
Un gouvernement "qui rassemble et ressemble au socle commun"
Pour le septième Premier ministre d'Emmanuel Macron, il n'y a "pas de surprise" ce soir.
"Conformément à mes engagements, [le nouveau gouvernement] rassemble et ressemble au socle commun qui nous soutient au Parlement", a écrit Sébastien Lecornu sur X.
Ses ministres "auront la mission difficile de donner un budget au pays avant le 31 décembre", a-t-il ajouté, réitérant son renoncement à l'article 49.3 pour gouverner.
"Sans 49-3, le Parlement aura le dernier mot : la vraie rupture est celle-là", a estimé le locataire de Matignon, qui reçoit ce soir une avalanche de critiques venant de ses adversaires politiques.
Oppositions ulcérées
La cheffe de file des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, a qualifié de "pathétique", la première partie du gouvernement Lecornu, pointant un choix "à l'identique".
Sans le nommer, elle a fustigé le retour aux affaires de Bruno Le Maire, à qui les oppositions reprochent, en partie, la situation des finances publiques.
"Les bras nous en tombent", a-t-elle conclu son message sur X.
Du côté de la France Insoumise, on dénonce un "cortège de revenants".
"Cela ne tiendra pas," a prévenu Jean-Luc Mélenchon, fondateur du parti de gauche radicale, pour qui "le compte à rebours pour les chasser tous" a été lancée.
Lecornu face au Parlement mardi
La nomination du gouvernement - qu'elle soit en une ou plusieurs parties - est une étape inéluctable avant le discours de politique générale (DPG), attendu lui par les oppositions, qui aura lieu mardi après-midi.
Privé de majorité à l'Assemblée, celui qui s'était qualifié lui-même de Premier ministre "le plus faible de la Ve République", a promis de "renoncer" à l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer son budget et proposé aux socialistes "une taxe sur le patrimoine financier", qui ne s'appliquerait pas aux biens professionnels (par exemple, les actions).
"Dans un Parlement qui fonctionne, qui a été renouvelé il y a plus d'un an, qui ressemble aux Français, on ne peut pas passer en force et on ne peut pas contraindre son opposition", a déclaré le Premier ministre dans une allocution vendredi.
Cette annonce n'a pas suffi au PS, dont le premier secrétaire, Olivier Faure, voit déjà un chemin tout tracé "vers la censure", faute d'une taxe Zucman, même édulcorée, de la réintroduction de l'ISF ou de la suspension d'une réforme des retraites impopulaire.
"Une copie très insuffisante", voire "alarmante", a-t-il regretté au sortir de sa dernière rencontre avec le Premier-ministre vendredi.
Quant au RN - autre camp, dont la non-malveillance pourrait permettre à Sébastien Lecornu de surmonter le mur du budget - Marine Le Pen a salué le non-recours au 49.3 mais a laissé entendre que c'est le DPG qui serait déterminant.
"Personne n’attend les ministres, ce qui est d’ailleurs un véritable problème. Dans une démocratie, on se dit qu’il y a une sorte d’intérêt pour savoir qui va être ministre. Là, personne ne ressent le moindre suspens sur la nomination potentielle de ministres", a estimé la cheffe de file des députés d'extrême droite.
"C'est le discours de la politique générale qui est en réalité attendu", a-t-elle martelé vendredi.
La France insoumise (LFI), qui d'ailleurs continue de réclamer la démission d’Emmanuel Macron, avait promis de déposer une motion de censure quelles que soient la composition du gouvernement et la feuille de route présentée aux députés mardi.