Mário Centeno (Eurogroupe) : "L'UE est de retour avec un vrai plan européen"

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Par Isabel Marques da Silva
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Président de l'Eurogroupe jusqu'en juillet, Mário Centeno dresse son bilan et évoque la réponse de l'UE face à la crise liée au coronavirus. Il félicite de son ampleur et assure que "les marchés y réagissent très, très bien."

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Les dirigeants de l'Union européenne discutent ce vendredi en Conseil européen du budget à long terme qui sera géré par la Commission européenne. Ce budget comprend un fonds de relance destiné à lutter contre la récession déclenchée par la pandémie de COVID-19. Nous avons recueilli le point de vue de Mário Centeno, président de l'Eurogroupe qui réunit de manière informelle les ministres des Finances des 19 pays de la zone euro.

Isabel da Silva, euronews :

"Vous avez démissionné de votre poste de ministre des Finances du Portugal il y a quelques jours et vous ne briguerez pas un deuxième mandat en tant que président de l'Eurogroupe, votre successeur sera désigné début juillet. Pourquoi ne pas vouloir continuer à vous impliquer dans le combat contre cette crise créée par la pandémie ?"

Mário Centeno, président de l'Eurogroupe :

"Ma décision n'est motivée par aucune raison politique particulière. J'arrive simplement à la fin d'un cycle en tant que président de l'Eurogroupe, mais également en tant que ministre des finances du Portugal. Je crois que nous avons obtenu de nombreux résultats depuis deux ans et demi. Ce que nous avons fait en avril dernier prouve que l'Eurogroupe fonctionne bien et qu'il est très concentré sur la lutte contre la crise. Et donc, cette décision a été quelque chose de naturel pour moi."

Isabel da Silva :

"Mais votre décision a-t-elle aussi un rapport avec le fait que la réforme de la zone euro avance peu, que l'Eurogroupe n'a pas assez de pouvoir pour obtenir des résultats plus concrets ?"

Mário Centeno :

"Nous avons eu de nombreux résultats au sujet de la Grèce et de la réforme du Mécanisme européen de stabilité (MES). Nous avons aussi approuvé en octobre dernier, l'embryon de budget de la zone euro qui est aujourd'hui la base de la "Facilité pour la reprise et la résilience" proposée par la Commission européenne. Je pense que nous avons effectivement prouvé que l'Eurogroupe est très important pour l'Europe et je suis très content et satisfait des résultats que nous avons obtenus."

"Les marchés réagissent très, très bien à toutes les décisions prises par l'UE et les États membres"

Isabel da Silva :

"L'Eurogroupe a approuvé trois instruments de prêts d'un montant de 540 milliards d'euros pour faire face aux répercussions de la pandémie, mais cela n'a pas suscité beaucoup d'enthousiasme. Y a-t-il des États membres qui recourent déjà à ces instruments ?"

Mário Centeno :

"Concernant les entreprises, il est prévu un filet de sécurité avec la participation de la Banque européenne d'investissement, cet outil est quasiment mis en place et je suis certain que les 200 milliards d'euros de garanties accordées par la BEI pour leurs prêts seront totalement utilisées. Il y a aussi un instrument prévu pour les travailleurs appelé SURE et en réalité, les États ont déjà informé la Commission qu'ils avaient l'intention d'utiliser ces prêts pour financer des programmes de soutien à l'emploi. Enfin, le troisième instrument, c'est le Mécanisme européen de stabilité. Là encore, il s'agit d'un filet de sécurité pour les dettes souveraines. Ce qu'il faut voir à ce stade, c'est que les marchés réagissent très, très bien à toutes les décisions prises par les États membres et l'Union européenne. Il y a de très nombreuses liquidités et aucune difficulté dans l'accès aux marchés."

Isabel da Silva :

"La Banque centrale européenne a en tout cas, augmenté de 600 milliards d'euros son programme de rachat de dette publique et privée (PEPP). Pensez-vous que les marchés soient rassurés, qu'ils ne s'attendent pas à des perturbations économiques venant d'Europe ?"

Mário Centeno :

"L'action de la BCE est un élément de notre réponse collective. Depuis le début de la crise, le montant des programmes de la BCE a été augmenté pour atteindre près de 1500 milliards d'euros. C'est une réponse très forte et elle est particulièrement nécessaire pour éviter la fragmentation. C'est pour cela que j'ai porté ce message : à savoir que l'Union européenne est de retour et qu'elle est de retour sur la base d'un vrai plan européen."

"Il y a des conditions, il s'agit de financer un changement structurel en Europe"

Isabel da Silva :

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"Concernant le plan de relance présenté par la Commission européenne, vous avez dit - je cite - : "Il faudrait porter une attention particulière sur la qualité des dépenses." Mais le débat fait rage au sujet de l'équilibre entre subventions et prêts. Au final, que peut-on faire selon vous pour convaincre les différents États membres, à la fois les "frugaux" et les partisans d'une relance mutualisée ?"

Mário Centeno :

"La négociation sera rude, c'est certain. Mais il existe une base commune pour négocier. Ce sera certainement un mélange de prêts et de subventions. C'est d'ailleurs la proposition de la Commission européenne. Mais nous devons aussi nous concentrer sur deux choses : premièrement, il y a des conditions : il ne s'agit pas de financer d'anciennes dépenses, des transferts courants permanents : il s'agit de financer un changement structurel en Europe en lien avec l'économie verte et le numérique. C'est très important et nous devons nous concentrer là-dessus. Et la deuxième idée, c'est qu'il n'y a pas de conditionnalité sous la supervision de la troïka Commission - BCE - FMI. Donc nous sommes plus forts parce que nous sommes flexibles et unis."

Isabel da Silva :

"Nous n'en sommes qu'au début, alors comment s'assurer que les pays respecteront ces conditions dans leurs politiques nationales dans un ou deux ans quand le contexte politique aura éventuellement changé ? Des élections sont prévues."

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Mário Centeno :

"Je me répète car il faut bien avoir en tête qu'avant la crise du coronavirus, nous avions mis en place les mesures budgétaires les plus coordonnées qui aient jamais existé à travers l'Europe. Donc des engagements avaient été pris et ils ont été respectés. La réduction des risques était une réalité depuis déjà plus de cinq ans. La coordination de ces plans de relance est l'affaire de la Commission européenne, mais je suis très confiant dans le fait que l'Eurogroupe continuera aussi de jouer un rôle très important dans la coordination des politiques économiques dans la zone euro."

Vers des impôts européens ? "Nous devons nous coordonner pour trouver de nouvelles sources de revenus pour l'UE"

Isabel da Silva :

"Pensez-vous que bientôt - peut-être d'ici deux ans-, les États membres accepteront l'instauration d'impôts communs européens pour rembourser la dette mutualisée ?"

Mário Centeno :

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"Aujourd'hui, il y a l'opportunité historique que la Commission européenne émette de manière temporaire, de la dette commune qui sera bien entendu, remboursée totalement avec une maturité longue qui doit être définie : ce peut être 20 ou 30 ans. Cela fait du sens d'un point de vue économique et politique de faire correspondre l'émission de cette dette avec des ressources propres. Donc nous devons nous coordonner pour trouver de nouvelles sources de revenus pour l'Union européenne dans son ensemble. Et il existe une idée très intéressante qui consiste à lier ces ressources précisément avec les piliers de la stratégie de relance, à savoir la numérisation et la promotion d'une économie verte. Donc si nous lions ces deux aspects, il sera beaucoup plus facile de faire comprendre notre démarche aux citoyens européens."

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