Le président américain a envoyé mardi des lettres à 14 pays pour les informer de l'imposition prochaine de nouveaux droits de douane. Mais selon les experts, ces lettres révèlent une certaine confusion dans la politique commerciale de Donald Trump.
La dernière fois que le président américain Donald Trump a mis en place des droits de douane aussi élevés, les marchés financiers ont tremblé, la confiance des consommateurs s'est effondrée et sa popularité a chuté.
Trois mois plus tard, il espère que la réaction sera différente.
En annonçant cette semaine une nouvelle série de droits de douane, Donald Trump fait le pari que les taxes à l'importation permettront de créer des emplois dans les usines et de renforcer la croissance aux États-Unis. De nombreux économistes prédisent néanmoins le contraire, estimant que les droits de douane alimenteront l'inflation et entraîneront un ralentissement économique.
Une nouvelle approche commerciale de la part de Donald Trump
Mardi, Donald Trump a déclaré à son cabinet que les anciens présidents qui n'avaient pas déployé de droits de douane agressifs étaient "stupides".
Le locataire de la Maison Blanche estime qu'il serait "trop long" d'essayer de négocier des accords commerciaux avec le reste du monde, préférant leur envoyer des lettres, comme il le fait cette semaine, énumérant les droits de douane appliqués à leurs exportations.
Ces lettres marquent un changement d'approche par rapport à l'événement autoproclamé "Jour de la libération" du 2 avril. Prenant la parole dans la roseraie de la Maison Blanche, le président américain avait brandi des panneaux d'affichage sur lesquels figuraient les droits de douane.
Cette annonce avait entraîné un bref effondrement du marché et poussé Donald Trump a annoncé une pause tarifaire de 90 jours - durant laquelle des droits de douane de base d'environ 10 % sont appliqués - , qui a depuis été prolongée jusqu'au 1er août.
"C'est un meilleur moyen, plus puissant", affirme Donald Trump à propos de ses lettres. "Nous leur envoyons une lettre, ils lisent la lettre. Je pense qu'elle a été bien rédigée. Et la plupart du temps, il s'agit juste d'un petit montant : 25 %, 35 %. Nous en avons quelques-uns à 60 %, 70 %".
Le président américain prévoit notamment d'appliquer des droits de douane de 25 % au Japon et à la Corée du Sud, deux partenaires commerciaux majeurs et des alliés jugés essentiels pour limiter l'influence économique de la Chine.
Les dirigeants des 14 pays ciblés par les droits de douane jusqu'à présent espèrent négocier au cours des trois prochaines semaines afin d'éviter l'application de ces nouvelles taxes.
Le président a ajouté mardi soir sur Truth Social qu'il enverrait des lettres à "un minimum de sept pays" mercredi matin, et que d'autres lettres seraient envoyées dans l'après-midi.
Trois résultats possibles
L'approche de Donald Trump contraste avec la manière dont les principaux accords commerciaux ont été élaborés au cours des 50 dernières années - généralement au prix de négociations complexes étalées sur plusieurs années.
Le pari politique et économique du président américain peut déboucher sur trois résultats possibles, qui pourraient tous modifier radicalement sa stature politique pour le reste de son second mandat :
- Il parvient à prouver que la plupart des experts économiques ont tort, en montrant que les droits de douane peuvent générer la croissance promise.
- Il fait de nouveau marche arrière sur les droits de douane avant leur entrée en vigueur le 1er août.
- Il endommage l'économie américaine d'une manière qui nuit particulièrement aux communautés les plus pauvres qui ont voté pour lui.
Le sénateur démocrate de l'Oregon, Ron Wyden, estime que les lettres de Donald Trump "prolongent son purgatoire tarifaire d'un mois supplémentaire", plongeant les États-Unis dans une période d'incertitude alors que les chefs d'entreprise, les dirigeants étrangers et les consommateurs attendent une position politique plus claire.
"La tactique de négociation mise en place par Trump rend ses menaces de moins en moins crédibles et réduit la volonté de nos partenaires commerciaux de faire un pas dans notre direction", affirme Ron Wyden. "Rien n'indique qu'il soit plus près de conclure des accords commerciaux durables qui aideront réellement les travailleurs et les entreprises américains".
Une "normalisation" des droits de douane
Donald Trump vient de remporter une victoire législative après l'adoption par le Congrès de son important plan budgétaire, qui prévoit des réductions d'impôt sur le revenu de plusieurs milliers de milliards de dollars.
C'est donc avec confiance qu'il lève des droits de douane à des niveaux qui ont précédemment ébranlé les marchés mondiaux, soutenu par le fait que l'inflation a diminué jusqu'à présent au lieu de s'accélérer comme de nombreux économistes l'avaient prévu.
"En proposant des droits de douane de 40 %, voire de 100 %, l'administration Trump a "normalisé" les hausses de droits de douane de 25 %, mais il s'agit toujours de l'une des mesures tarifaires les plus agressives et les plus perturbatrices de l'histoire moderne", déclare Wendong Zhang, économiste à l'université Cornell.
D'autres experts considèrent en revanche que Donald Trump n'a pas de véritable plan, les lettres et leurs taux tarifaires quelque peu aléatoires montrant selon eux l'absence d'un véritable processus politique au sein de son administration.
"Cela prouve que cette politique est décousue, qu'elle est gérée au pied levé, qu'il n'y a pas de véritable stratégie", affirme Desmond Lachman, membre de l'American Enterprise Institute, un groupe de réflexion orienté vers la droite.
Compenser les réductions d'impôts
Alors que ses droits de douane soi-disant "réciproques" doivent entrer en vigueur dans trois semaines, Donald Trump a annoncé mardi une nouvelle taxe de 50 % sur le cuivre et de possibles droits de douane futurs de 200 % sur les médicaments.
Le président américain a déjà imposé des droits de douane de 50 % sur l'acier et l'aluminium, de 25 % sur les automobiles et des taxes à l'importation distinctes pour le Canada, le Mexique et la Chine.
"La conclusion évidente est que les marchés sont pour l'instant quelque peu sceptiques quant à la capacité de Donald Trump à aller jusqu'au bout, ou bien qu'ils pensent que des compromis seront trouvés", explique Ben May, directeur de la recherche économique mondiale au sein du cabinet de conseil Oxford Economics.
Donald Trump affirme que ses droits de douane visent à combler les déséquilibres commerciaux des États-Unis, même si cela n'explique pas pourquoi il cible des pays comme la Tunisie, qui commercent relativement peu avec les États-Unis.
Les responsables de l'administration Trump affirment que les milliards de dollars de recettes potentielles au cours de la prochaine décennie aideront à compenser les pertes liées à l'extension des réductions d'impôts de 2017 qui ont été promulguées vendredi.