Notre film de la semaine : It must be Heaven d'Elia Suleiman. Drôle et absurde.

Le film de la semaine : It Must be Heaven d'Elia Suleiman
Le film de la semaine : It Must be Heaven d'Elia Suleiman
Tous droits réservés 
Par Frédéric Ponsard
Partager cet articleDiscussion
Partager cet articleClose Button

It Must be Heaven est notre film de la semaine. Elia Suleiman est un cinéaste palestinien rare mais essentiel, entre rires et larmes, absurde, tragique et farce, l'un des grands films de cette fin d'année...

PUBLICITÉ

It Must be Heaven d’Elia Suleiman (1h42)

Sortie le 4 décembre 2019

C’est l’un des grands films de cette fin d’année d’un cinéaste rare et essentiel : Elia Suleiman, palestinien errant dont la première patrie est devenu le cinéma. Dans It Must be Heaven, il incarne un double de lui-même qui cherche à faire un film… sur la Palestine, forcément. Une mise en abyme entre rires et larmes…

Cela doit être le paradis, comme le dit le titre anglais du film… ou peut-être l’enfer. En tout cas, cela se passe aujourd’hui, entre Nazareth, New York et Paris, les trois villes où a habité successivement Elia Suleiman. Chrétien, arabe et palestinien, le cinéaste de 58 ans signe ici son quatrième long métrage, peut-être le plus désespéré, malgré l’humour qui suinte de chaque séquence. Le film est en effet construit en tableaux, quasiment intégralement en plans fixes. Entre peinture et théâtre, chaque scène devient une sorte de sketch dont le fil rouge est un double du réalisateur, une sorte de candide muet, observateur neutre de la folie et du chaos du monde.

Suleiman a choisi de faire de son personnage un être mutique, qui ne prononcera qu’un seul et unique mot : « Nazareth », lâché comme un Rosebud par un citoyen du monde qui a vu le jour dans la ville où grandit Jésus Christ. Mais le prophète a vécu, et son lointain descendant contemporain a bien du mal à porter la bonne parole, même s’il est accueilli comme un Messie par un chauffeur de taxi new yorkais à qui il révèle sa ville natale et qui, fou de joie, téléphone à sa femme pour lui dire qu’il transporte un Palestinien, que c’est la première fois qu’il en voit un, comme si cette nationalité n’existait pas… d’ailleurs existe-t-elle vraiment pour certaines autorités ?

L’autorité, il en question tout au long du film. De celle du patriarche chrétien qui doit gérer l’ébriété de deux de ses curés, d’Elia Suleiman, qui voit son voisin régulièrement venir piller son citronnier sous ses yeux, puis celle de la Police française, omniprésente dans un Paris déserté avant le 14 juillet, et qui dans un ballet burlesque, à pied, en patins à roulette ou en trottinette, font des contrôles absurdes, comme celui de mesurer au centimètre près la longueur de la terrasse d’un café parisien…

Ce qu’il reste nous dit en substance Elia Suleiman, c’est l’humour et la poésie. Survivre dans un monde devenu coercitif, où l’on n’est plus nulle part chez soi. Son alter-ego est devenu un voyageur sans patrie, entre l’impavidité d’un Buster Keaton et la placidité d’un Jacques Tati, il nous promène sur une planète devenue folle, où Central Park, les jardins du Palais Royal ou les champs de Nazareth se ressemblent puisqu’ici comme ailleurs, c’est l’individualisme et le sécuritaire qui priment. Autant en rire qu’en pleurer, en attendant la fin du monde…

Le film a reçu une Mention spéciale au dernier Festival de Cannes ainsi que le prestigieux Prix FIPRESCI délivré par la Presse et critique internationales.

Partager cet articleDiscussion

À découvrir également

Le film de la semaine : Les Misérables de Ladj Ly

Festival de Cannes : 21 films en course et une polémique

Découvrez les 10 films européens qui ont marqué 2023