Slalom, un premier film subtil et maîtrisé sur la prédation sexuelle dans le monde du sport

Slalom de Charlène Favier
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Par Frédéric Ponsard
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Il aurait dû être sur les écrans dès maintenant, il le sera dès la réouverture des salles : Slalom est un premier film à ne pas manquer, labellisé Sélection officielle Cannes 2020.

Slalom de Charlène Favier

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Drame (1h32)
Avec Noée Abita, Jérémie Rénier...
(à voir bientôt)

Le film aurait dû sortir en novembre, il arrivera dès la réouverture des salles en France. Un premier film affûté comme une carre de ski qui suit l’histoire d’une adolescente sportive de haut niveau pris dans l’engrenage de l’emprise affectif et sexuelle de son entraîneur.

Ce qui marque d’abord à la vision de Slalom, c’est le degré de maîtrise atteint par la réalisatrice, Charlène Favier, qui réalise ici son premier long métrage. Du scénario ciselé à la direction d’acteurs (Jérémie Rénier et Noée Abita, formidables, on y revient), en passant par une lumière très travaillée -en intérieurs comme en extérieurs (avec la montagne comme réflecteur géant)- ou un son qui nous fait entendre la neige sous le ski, impossible de savoir que l’on a sous les yeux le film d’une débutante. Il faut dire que la jeune femme porte ce projet depuis longtemps : cette histoire est un peu la sienne, un récit semi-autobiographique qui raconte comment une jeune skieuse douée va se retrouver sous le joug d’un entraîneur qui se révèle un prédateur sexuel.

Un film de son temps

Cet événement fondateur et catalyseur va l’a poussée des années plus tard à intégrer une école de cinéma, la FEMIS, pour apprendre les techniques du scénario et transmettre un vécu qu’elle ne pouvait garder pour elle. Le résultat est sur l’écran, direct et violent. Et l’antériorité du projet à la vague #MeToo évitera aux esprits chagrins de le taxer d’opportuniste.

Slalom tombe au contraire à pic, l’actualité récente le prouve. C’est un film de son temps. Le monde du sport a récemment dû faire face à plusieurs scandales de harcèlement sexuel entre entraîneurs et jeunes athlètes (principalement des jeunes femmes), notamment dans les sports de glace, et les cas isolés se sont multipliés, brisant l’omerta du milieu. Un milieu où l’effort, l’abnégation, la contrition du corps sont de règles et qui ont poussé certains à franchir les limites. L’athlète en devenir devient la pâte à modeler de son entraîneur, Pygmalion à l’hybris hypertrophié, tout puissant, voulant au final contrôler le corps (et l’esprit) de l’autre. Ce qui est démonté méthodiquement dans les film, ce sont les différentes phases de glissement qui s’opèrent dans cette relation maître-élève, de voir comment le piège peut se refermer insidieusement, jusqu’à la rupture. Mais Slalom évite l’écueil du film à charge : il est autant un film sur l’emprise que sur l’affranchissement et la libération.

Dans la cour des grands

Les acteurs sont aussi pour beaucoup dans la réussite du film. Et en premier chef, Noée Abita, sorte de double de la réalisatrice puisqu’elle a lourde charge d’interpréter son alter ego à l’écran. La jeune actrice s’était fait remarquer pour sa première apparition à l'écran dans Ava de Léa Mysius en 2017, en tenant le rôle-titre d’une jeune adolescente en proie à une maladie rare qui va lui faire perdre la vue, alors même que son corps s’éveille au désir. Arte a eu la bonne idée de le programmer récemment, et l’on y trouve déjà la force farouche que l’actrice dégage naturellement. Ici, alors même qu’elle n’avait jamais pratiqué le ski, elle est bluffante en jeune espoir féminin du ski français, notamment dans les nombreuses scènes très physiques du film. A ses côtés, Jérémie Rénier est le « sparing partner » idéal : un acteur à la fois expérimenté, caméléon, qui casse son image de gendre idéal au fil de sa filmographie déjà bien fournie en personnages psychiquement troubles.

Slalom a été labellisé Sélection Cannes 2020, rentrant d’office dans la cour des grands, lui ouvrant aussi la porte des festivals. Avant le deuxième confinement, Charlène Favier a accompagné son film en septembre et en octobre sur les routes de France et dans de nombreux festivals, dont le festival Lumière à Lyon.

Le public, avant même la sortie en salles, a plébiscité la justesse, l’énergie et l’efficacité d’une histoire filmée de main de maître(sse), sans sortie de piste.

Journaliste • Frédéric Ponsard

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