Cinq leçons à retenir de l'accord "historique" de la COP28

Mitzi Jonelle Tan, des Philippines, embrasse Adriana Calderon Hernandez, à droite, et d'autres militants à la fin d'une manifestation contre les combustibles fossiles à la COP28 ce matin.
Mitzi Jonelle Tan, des Philippines, embrasse Adriana Calderon Hernandez, à droite, et d'autres militants à la fin d'une manifestation contre les combustibles fossiles à la COP28 ce matin. Tous droits réservés AP Photo/Peter Dejong
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Par Lottie Limb
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Cet article a été initialement publié en anglais

Des militants et des experts réagissent à l'accord conclu à Dubaï lors de la Conférence de l'ONU sur le climat 2023.

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Un accord qui marque le "début de la fin" pour les combustibles fossiles a été conclu lors de la COP28.

Fait remarquable, c'est la première fois qu'un sommet des Nations unies sur le climat se conclut par un appel à s'attaquer aux énergies fossiles. 

C'est pour cette raison que la présidence de la COP28 à Dubaï qualifie ce sommet d'"historique". Dans un sens, il ne peut que l'être, étant donné la situation critique dans laquelle se trouve le monde avec des catastrophes climatiques croissantes.

Mais les experts de la COP et du climat sont très divisés sur la direction que prend l'accord - et sur sa rapidité. Nous présentons ici quelques-unes des réactions les plus éclairées sur les questions clés.

1. Que dit l'accord de la COP28 sur les combustibles fossiles ?

La COP28 a rempli l'objectif que les COP sont censées atteindre : parvenir à un accord approuvé par toutes les parties dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Avec un texte crucial - le fonds pour les pertes et dommages - adopté dès le début du sommet, l'événement a été dominé par des discussions sur les combustibles fossiles.

En particulier, l'accent a été mis sur la manière dont le texte du bilan mondial décrira l'avenir des combustibles fossiles. Ce premier bilan mondial est une réponse à l'Accord de Paris - l'accord conclu en 2015 pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C - et définit la manière dont les pays atteindront cet objectif, qu'ils sont actuellement loin d'avoir atteint.

Le texte adopté aujourd'hui à Dubaï "reconnaît la nécessité de réductions profondes, rapides et durables des émissions de gaz à effet de serre conformément aux trajectoires de 1,5 °C et appelle les Parties à contribuer aux efforts mondiaux suivants, d'une manière déterminée au niveau national, en tenant compte de l'Accord de Paris et de leurs différentes circonstances, trajectoires et approches nationales."

En ce qui concerne les combustibles fossiles, il invite les pays à "faire la transition en abandonnant les combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l'action au cours de cette décennie critique, de manière à parvenir à une émission nette zéro d'ici à 2050, conformément aux données scientifiques".

Les experts de la COP s'interrogent sur chaque mot de ce texte, qu'il s'agisse de la formulation faible de "calls on" ou de "transitioning away" - bien loin de l'option d'élimination progressive initiale souhaitée par les militants - ou encore du calendrier recommandé.

Les ministres s'expriment lors de la dernière session plénière du sommet sur le climat COP28 à Dubaï, aux Émirats arabes unis, le 13 décembre
Les ministres s'expriment lors de la dernière session plénière du sommet sur le climat COP28 à Dubaï, aux Émirats arabes unis, le 13 décembreAP Photo/Kamran Jebreili

2. Que signifie l'accord de la COP28 pour les combustibles fossiles ?

L'accord envoie un signal fort aux industries et aux investisseurs : le temps est compté pour le pétrole et le gaz, ainsi que pour le charbon, qui a fait l'objet d'une "réduction progressive" lors de la COP26 à Glasgow.

Les grands producteurs de pétrole, comme l'Arabie saoudite, se sont battus pour se débarrasser des options d'élimination progressive qui figuraient dans les premières versions du texte. Quant aux économies émergentes, elles ont résisté à une élimination progressive qui aurait pu leur être demandée en l'absence d'un soutien financier adéquat pour assurer la transition vers l'abandon des combustibles fossiles.

Les titres des journaux du monde entier annoncent aujourd'hui que nous nous éloignons des combustibles fossiles. "Nous sommes enfin en train de nommer l'éléphant dans la pièce. Le génie ne retournera jamais dans la bouteille. Les prochaines COP ne feront que tourner encore plus la vis des énergies sales", affirme Mohamed Adow, directeur de "Power Shift Africa".

"Les institutions financières et les investisseurs ne doivent pas se faire d'illusions", déclare Mark Campanale, fondateur et directeur de "Carbon Tracker".

Les centaines de milliards investis dans l'expansion des combustibles fossiles semblent beaucoup plus risqués.

"Les centaines de milliards investis dans l'expansion des combustibles fossiles semblent considérablement plus risqués. Les actifs fossiles échoués (les actifs échoués sont des actifs financiers qui perdraient toute valeur en raison du changement climatique ou de mesures de transition vers une économie bas carbone) sont désormais plus probables, et non moins probables, à la suite de cette COP et de l'élan qu'elle suscitera", ajoute-t-il. 

Cependant, les militants soulignent les "échappatoires" laissées à l'industrie - telles que la technologie de capture et de stockage du carbone (CSC) non éprouvée, mentionnée dans le texte - et les "nids-de-poule" sur la route à suivre.

3. Qu'en est-il des énergies renouvelables ?

Dans la même section, le texte du bilan mondial appelle à "tripler la capacité des énergies renouvelables au niveau mondial et à doubler le taux annuel moyen mondial d'amélioration de l'efficacité énergétique d'ici à 2030".

Selon les experts en énergie, il s'agit là d'une grande victoire. "Pour la première fois, le monde a reconnu l'ampleur de l'ambition requise au cours de cette décennie pour construire le nouveau système d'énergie propre", déclare Dave Jones, du groupe de réflexion sur l'énergie propre "Ember".

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Les énergies renouvelables et l'efficacité doivent désormais figurer en tête de tous les plans relatifs à l'énergie et au climat.

"Les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique doivent désormais figurer en tête de tous les plans relatifs à l'énergie et au climat. Ensemble, elles constituent les actions les plus importantes susceptibles de réduire rapidement les émissions de combustibles fossiles, au cours de cette décennie".

Le directeur général de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), Francesco La Camera, qualifie le résultat de "monumental" et de "changement de cap le plus réaliste pour accélérer d'urgence la transition énergétique mondiale".

4. Qu'est-ce que la COP28 a fait pour le financement de la lutte contre le changement climatique ?

L'action en faveur du climat repose sur la nécessité de la financer correctement, c'est-à-dire d'aider les pays en développement à opérer la transition, d'aider les pays vulnérables à s'adapter au changement climatique et de les aider à se relever, lorsque le changement climatique frappe de manière meurtrière.

Le financement de l'adaptation présente l'un des écarts les plus flagrants entre ce qui est nécessaire et ce qui est fourni. Établi dans le cadre de l'Accord de Paris, l'objectif mondial d'adaptation (OMA) est censé contribuer à changer cela. La COP28 s'est mise d'accord sur le texte permettant de le mettre en œuvre, mais le langage a également été édulcoré.

Alors qu'un projet de texte "demande aux pays développés parties" de fournir des financements aux pays en développement, la version finale indique qu'un "soutien international continu et renforcé" aux pays en développement est "nécessaire de toute urgence".

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Mais certains experts y voient aussi des aspects positifs. "Bien que les parties ne soient pas parvenues à un objectif mondial sur l'adaptation aussi fort que le souhaitaient les pays vulnérables, il existe désormais une voie à suivre pour améliorer les mesures d'adaptation, marquant le début d'un effort mondial formel et coordonné pour l'adaptation et la résilience", déclare Ana Mulio Alvarez, chercheuse à l'E3G.

"Les parties doivent s'engager dans cette voie avec la plus grande ambition et la plus grande solidarité".

Résumant les avancées de la COP28 aujourd'hui, le président du sommet, le Sultan Al Jaber a inclus la mobilisation de plus de 85 milliards de dollars (78,8 milliards d'euros) de nouveaux engagements financiers, dans tous les domaines du climat.

Mais, comme il l'a également reconnu devant les pays, lors de la séance plénière de clôture, "un accord n'est bon que dans la mesure où il est mis en œuvre".

5. Que signifie la COP28 pour les futures COP ?

Alors qu'ils viennent de vivre l'année la plus chaude jamais enregistrée, les citoyens du monde entier attendent de plus en plus d'actions concrètes - et beaucoup d'entre eux sont sceptiques quant à la capacité du sommet de l'ONU à les mener à bien.

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Comme nous l'avons déjà souligné, le processus multilatéral de la CCNUCC - qui suppose l'accord de tous - est à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse.

"Certaines personnes ont peut-être placé trop haut leurs attentes à l'égard de cette réunion, mais ce résultat aurait été inouï il y a deux ans, en particulier lors d'une réunion de la COP dans un État pétrolier", ajoute Mohamed Adow. "Cela montre que même les producteurs de pétrole et de gaz sont conscients que nous nous dirigeons vers un monde sans énergie fossile".

Alors que de nombreux commentateurs de haut niveau se félicitent des avancées réalisées lors de la COP28, le Centre pour le droit international de l'environnement (CIEL) l'a qualifiée d'"échec alimenté par les énergies fossiles". "Nous avons besoin de forums alternatifs pour gérer le déclin des combustibles fossiles, libres de l'influence de ceux qui en profitent", déclare Nikki Reisch, directrice du programme Climat et énergie du CIEL.

D'autres militants ont suggéré de remplacer la prise de décision par consensus par le vote. Il s'agit là d'une discussion pour un autre jour, peut-être. Pour l'instant, nous vous laissons avec un rappel important de Greta Thunberg - épinglé en haut de son fil Twitter/X depuis deux ans :

"Les personnes au pouvoir n'ont pas besoin de conférences, de traités ou d'accords pour commencer à prendre des mesures concrètes en faveur du climat. Ils peuvent commencer dès aujourd'hui. Lorsque suffisamment de personnes se rassemblent, le changement s'opère et nous pouvons réaliser presque n'importe quoi. Alors, au lieu de chercher l'espoir, commencez à le créer."

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