Le Danemark à son tour fait volte-face en matière de politique de défense européenne

Le Danemark à son tour fait volte-face en matière de politique de défense européenne
Tous droits réservés Olafur Steinar Gestsson/AP
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Par Jorge LiboreiroEuronews
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La guerre en Ukraine incite le pays scandinave à reconsidérer une clause d'exemption vieille de 30 ans.

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L'invasion de l'Ukraine par la Russie fait tomber un à un différents tabous politiques en matière de défense européenne.

Dernier en date : le Danemark. Le pays scandinave organisera le 1er juin un référendum sur la clause d’exemption décidée par le royaume il y a 30 ans. Avec cette option de retrait (opt out en anglais) le Danemark est à l’écart de l’UE sur les questions de défense. Le pays pourrait donc rejoindre la politique commune en la matière.

La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, veut aussi augmenter les dépenses militaires pour atteindre d'ici 2033 l'objectif de 2 % du PIB fixé par l'Otan . Actuellement ce budget représente 1,44 % du Produit intérieur brut. Il faut remonter à 1989 pour voir le Danemark dépasser la barre des 2%.

"L'attaque inutile et brutale de Poutine contre l'Ukraine a annoncé une nouvelle ère en Europe, une nouvelle réalité", estime Mette Frederiksen.

"La lutte de l'Ukraine n'est pas seulement celle de l'Ukraine, c'est une épreuve de force pour tout ce en quoi nous croyons, nos valeurs, la démocratie, les droits de l'homme, la paix et la liberté."

Un document signé par les sociaux-démocrates de la Première ministre aux côtés de quatre autres partis parle d'une "nouvelle situation sécuritaire" qui doit être affrontée "avec nos alliés de l'Otan et de l'UE."

Outre les changements apportés à la politique de défense du pays, le monde politique évoque la forte dépendance de l'Europe vis-à-vis du gaz russe.

Une disposition spéciale

Pour le Danemark cette volte-face est capitale.

Ritzau Scanpix/ AP
La Première ministre danoise annonce la tenue du référendum le 1er juinRitzau Scanpix/ AP

La clause de non-participation a été introduite à la demande de Copenhague. Ces dérogations concernent quatre domaines : la citoyenneté, la justice et les affaires intérieures, l'union monétaire (le Danemark a refusé l'euro) et la défense.

Avec cette option de retrait, le Danemark se retire de toutes les décisions de politique internationale qui ont des implications en matière de défense. Ainsi lors des réunions des ministres des Affaires étrangères, le représentant danois quitte généralement la salle lorsque des questions de défense sont abordées.

Dans les faits le pays scandinave participe à l'action européenne liée, par exemple, aux sanctions économiques contre la Russie. En revanche il reste à l'écart lorsqu'il s'agit de déploiements militaires, comme l'opération IRINI, lancée pour faire respecter l'embargo sur les armes imposé par les Nations Unies en Libye.

Plus de 5 000 membres du personnel militaire et civil de l'UE sont actuellement déployés dans des missions de politique de défense et de sécurité commune (PSDC), en Europe, en Afrique et en Asie, la plupart d'entre elles étant axées sur la gestion des crises. Au total, 37 opérations ont été lancées depuis 2003, dont près de la moitié sont toujours en cours.

Si les citoyens danois votent pour l'abrogation de la clause d'exemption, le pays sera impliqué dans la politique de défense commune et les troupes danoises seront déployées dans le monde entier sous un commandement centralisé.

Un signal d'alarme

Jusqu'à présent, la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) relevait d’un "projet technique", centré sur la coopération industrielle et les marchés publics plutôt que sur la construction d'une véritable armée européenne, un objectif encore considéré comme clivant et lointain, selon Bruno Lété, chargé de recherche au German Marshall Fund.

Etat major des Armées /AP
Des forces françaises rejoignent la RoumanieEtat major des Armées /AP

"Les Européens ont mal réfléchi à leur propre défense", explique Bruno Lété à Euronews. "Dans la réponse militaire à la guerre en Ukraine, l'Europe s'est associée à la réponse. Les États-Unis ont clairement été le moteur", ajoute-t-il. "Les Européens réalisent maintenant que cette situation n'est plus tenable."

La guerre en Ukraine, aux portes de l'UE, a servi de "réveil" pour les 27. Elle conduit à une "nouvelle dynamique", selon Bruno Lété. Une dynamique où les capitales, de Berlin à Copenhague, repensent leurs stratégies de défense et prennent davantage conscience de l'environnement géopolitique.

"Il est encore tôt pour dire comment ce (réveil) va évoluer. Certains États membres donneront la priorité aux structures de l'Otan. D'autres feront valoir que l'UE devrait être en mesure de mener ses propres missions militaires, si nécessaire", indique le chercheur. Il souligne que l'Alliance continuera à apporter une valeur ajoutée "quoi qu'il arrive", estime Bruno Lété. "Les prochaines années seront des années d'instabilité permanente", estime-t-il.

La défense européenne fait tomber des tabous

Pour la première fois, l'Union européenne finance l'achat d'armes létales pour un pays attaqué, un choix que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qualifie de "moment décisif".

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Les traités européens empêchent l’Union de financer à travers le budget commun des entreprises militaires. Les Etats membres fourniront donc à l'Ukraine 500 millions d'euros dans le cadre d'un instrument hors du budget appelé Facilité européenne pour la paix.

L’Allemagne a aussi effectué une volte-face. Elle refusait jusqu’à maintenant d'envoyer des armes létales dans les zones de conflit. Berlin va finalement fournir au gouvernement ukrainien un millier d'armes antichars et 500 missiles antiaériens Stinger.

La Finlande et la Suède, deux pays traditionnellement non alignés, livrent également des armes pour aider les forces ukrainiennes à résister à l'invasion russe. Même la Suisse, un État non-membre de l'UE, abandonne en partie sa neutralité pour imposer des sanctions financières à la Russie.

"La sécurité et la défense européennes ont davantage évolué au cours des six derniers jours qu'au cours des deux dernières décennies", résumait la semaine dernière Ursula von der Leyen devant le Parlement européen.

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