L’Ukraine, "facteur déterminant" pour l’avenir des relations UE-Chine

La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen Tous droits réservés European Union, 2023.
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Par Jorge Liboreiro
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Dans un discours tenu jeudi, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a livré son analyse des relations entre les 27 et Pékin. La responsable allemande appelle à réduire les risques avec la Chine sans rompre les liens.

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La Chine exploite la faiblesse du président Vladimir Poutine pour maximiser son influence géopolitique sur la Russie, ce qui conduit à un renversement de l'équilibre des forces entre les deux alliés de longue date, estime la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

"Loin d'être découragé par l'invasion atroce et illégale de l'Ukraine, le président Xi maintient son amitié sans limite avec la Russie de Poutine", a ajouté la responsable allemande lors d’un discours jeudi matin.

"Mais la dynamique des relations entre la Chine et la Russie a changé. Il ressort clairement de cette visite que la Chine voit dans la faiblesse de Poutine un moyen d'accroître son influence sur la Russie. Et il est clair que l'équilibre des forces dans cette relation, qui a favorisé la Russie pendant la majeure partie du siècle dernier, s'est aujourd'hui inversé".

L'Union européenne et ses alliés occidentaux suivent avec attention les dernières mesures prises par la Chine sur la scène internationale, notamment la visite très médiatisée du président Xi Jinping à Moscou. La proposition de "plan de paix" en 12 points pour l'Ukraine a été largement critiquée pour avoir brouillé les lignes entre agresseur et victime et pour n'avoir pas reconnu la réalité des territoires occupés.

Le rôle de la Chine dans la guerre en Ukraine sera un "facteur déterminant" pour définir l'engagement entre l’UE et Pékin, avertit Ursula von der Leyen.

"La Chine a la responsabilité de jouer un rôle constructif dans la promotion d'une paix juste", insiste la présidente de la Commission.

"Tout plan de paix qui aurait pour effet de consolider les annexions russes n'est tout simplement pas viable. Nous devons être francs sur ce point".

Tout au long de son discours de 40 minutes, la présidente de la Commission européenne a brossé un tableau sobre, et parfois brûlant, de l'état actuel des relations entre l'UE et la Chine. Elle les décrit comme "plus distantes et plus difficiles" et elle accuse directement Pékin de bafouer l'ordre du libre-échange, d'intimider les petits pays, de violer les droits de l'homme, de renforcer sa position militaire et d'intensifier les campagnes de désinformation et de coercition dans le monde entier.

"Ces actions d'escalade révèlent une Chine de plus en plus répressive à l'intérieur et de plus en plus affirmée à l'extérieur", constate la responsable européenne.

"La Chine a tourné la page de l'ère de la réforme et de l'ouverture et entre dans une nouvelle ère de sécurité et de contrôle".

Ursula von der Leyen a longuement parlé d'une Chine superpuissance, dominatrice, qui a structuré l'ensemble de son économie et de sa société autour du contrôle absolu du Parti communiste au pouvoir.

"Nous pouvons nous attendre à ce qu'il y ait une volonté claire de rendre la Chine moins dépendante du monde et le monde plus dépendant de la Chine”, prévient la présidente de la Commission.

"L'objectif du Parti communiste chinois est clairement de modifier l'ordre international de manière systémique en plaçant la Chine au centre. Nous l'avons vu avec les positions de la Chine dans les organismes multilatéraux, qui montrent sa détermination à promouvoir une vision alternative de l'ordre mondial".

Dé-risquer, ne pas découpler

Malgré la récente détérioration de la situation, qui s'est traduite par des interdictions croissantes de TikTok par les gouvernements européens, un gel de l'accord sur les investissements, des doutes persistants sur l'origine de la pandémie covid-19 et une série de contre-sanctions, Ursula von der Leyen juge que l'Union ne peut tout simplement pas se permettre une rupture franche avec la Chine.

"Je pense qu'il n'est pas viable - ni dans l'intérêt de l'Europe - de se séparer de la Chine. Nos relations ne sont pas noires ou blanches - et notre réponse ne peut pas l'être non plus", explique-t-elle. La responsable allemande appelle à la stabilité diplomatique et à l'ouverture des lignes de communication.

"C'est pourquoi nous devons nous concentrer sur la réduction des risques et non sur le découplage".

La présidente a mentionné le changement climatique et la protection de la biodiversité comme deux domaines dans lesquels l'UE et la Chine peuvent trouver un terrain d'entente pour relever les défis mondiaux.

En ce qui concerne l'économie, Ursula von der Leyen a souligné que la plupart des échanges de biens et de services demeuraient "mutuellement bénéfiques". La Chine est le principal partenaire commercial de l'UE en ce qui concerne les marchandises, avec des flux totaux de près de 700 milliards d'euros en 2021.

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"Mais nos relations sont déséquilibrées et de plus en plus affectées par les distorsions créées par le système capitaliste d'État chinois", analyse la présidente de la Commission.

"Nous devons donc rééquilibrer cette relation sur la base de la transparence, de la prévisibilité et de la réciprocité".

La présidente met en garde contre "la fusion explicite par la Chine de ses secteurs militaire et commercial" et les implications potentielles de transfert de technologies sensibles et de propriété intellectuelle, suggérant que son insitution proposerait un nouvel instrument pour filtrer certains types d'investissement.

Ursula von der Leyen plaide en faveur d'une réduction de la dépendance de l'Europe vis-à-vis de la Chine, en particulier dans les secteurs des technologies vertes et des matières premières, dont la demande devrait monter en flèche à mesure que l'Union européenne s'orientera plus rapidement vers la neutralité climatique.

"Nous avons devant nous la tâche de nous recentrer sur les questions les plus importantes. Et cela reflète la nécessité d'ajuster notre stratégie en fonction de la manière dont le Parti communiste chinois semble changer", a déclaré la responsable de la Commission, exhortant les États membres à éviter de tomber dans des "tactiques de division et de conquête".

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Le discours de la présidente de la Commission a été prononcé avant un voyage conjoint à Pékin avec le président français, Emmanuel Macron. Le Centre de politique européenne (EPC) et l'Institut Mercator d'études sur la Chine (MERICS), qui fait l'objet de sanctions de la part de la Chine, étaient les hôtes de l’événement.

"En ce moment décisif des affaires mondiales, nous avons besoin de la volonté collective de réagir ensemble", insiste Ursula von der Leyen. "Rien n'est inévitable en géopolitique".

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