Des experts juridiques et des membres de la police nationale espagnole consultés par Euronews assurent que l'arrestation du leader sécessionniste catalan en fuite est inévitable.
Carles Puigdemont a fait part de son intention d'assister à la séance plénière d'investiture du président de la Généralité de Catalogne, jeudi. Le militant indépendantiste catalan a lui-même annoncé qu'il entreprenait ce qu'il considère comme "un voyage de retour de l'exil".
"Dans des conditions démocratiques normales, il serait inutile et hors de propos pour un député comme moi d'annoncer son intention d'assister à la session, mais ce ne sont pas des conditions démocratiques normales", a déclaré leleader sécessionniste en fuite.
Carles Puigdemont fait l'objet d'un mandat d'arrêt pour sa participation à une tentative de sécession en 2017, qui pourra être mis en application dès son entrée sur le territoire espagnol.
Mais la situation est quelque peu confuse, étant donné que l'homme politique catalana l'intention d'assister à la session plénière d'investiture de Salvador Illaen tant que député autonome.
Euronews s'est entretenu avec des membres de la police nationale espagnole pour en savoir plus.
"Lorsqu'il entrera en Espagne, il sera localisé et s'il y a une réelle volonté de l'arrêter, la police le fera", affirme César Alvarado, l'un des porte-parole de l'association "Une police pour le XXIe siècle".
Quant à la possibilité que Carles Puigdemont se réfugie à l'intérieur du Parlement, César Alvarado précise que ce lieu ne lui confèrerait aucune protection particulière et qu'il "pourrait être arrêté à tout moment à cet endroit".
Le président de la chambre autonome, Josep Rull - membre de Junts, le parti auquel appartient Carles Puigdemont - a lui-même proposé au leader fugitif de se réfugier dans son bureau.
Face à ces faits, le Parti Populaireespagnol l'a accusé de "tordre le règlement" pour "l'adapter aux besoins de Carles Puigdemont".
L'avocat Antonio Gómez de Olea explique toutefois à Euronews que le Parlement pourrait offrir "des protections ou, disons, des obstacles à l'arrestation" de l'ancien vice-président catalan.
"Mais en fin de compte, comme il s'agit d'un territoire national, il finira par être arrêté tôt ou tard, parce qu'un parlement n'a pas le même statut juridique qu'une ambassade d'un pays de l'UE ou d'un pays tiers", ajoute l'avocat.
Tout cela semble indiquer que l'arrestation de Carles Puigdemont est inévitable.
Mais sera-t-elle effectuée par la police régionale, les Mossos d'Esquadra, par la police nationale ou par la garde civile ? Le protocole est différent selon l'organe qui l'exécute.
Que se passera-t-il si Carles Puigdemont est arrêté ?
"S'il est arrêté par la police nationale ou la garde civile, il sera amené directement devant la Cour suprême. S'il est arrêté par les Mossos, un commandant doit le faire, après l'avoir salué et introduit dans le véhicule sans menottes pour le transférer au tribunal de service", explique l'agent de police César Alvarado.**
L'arrestation de Carles Puigdemont pourrait avoir lieu dès son arrivée à Barcelone, où une réception est prévue par les dirigeants de son parti à l'Arc de Triomphe, un lieu choisi pour sa signification, une heure avant la séance plénière.
L'avocat consulté par Euronews assure que "Carles Puigdemont pourrait être retenu aux postes-frontières maritimes ou terrestres, ou à son arrivée par voie aérienne".
Une fois transféré au tribunal, ce dernier "décidera de la libération ou de l'incarcération de Carles Puigdemontet il est très probable que son avocat invoque alors la loi d'amnistie pour défendre la liberté du condamné", explique Antonio Gómez de Olea.
"Si le juge de permanence estime que le condamné doit être mis à la disposition du juge Llarena - le magistrat qui a émis le mandat d'arrêt à l'encontre de Carles Puigdemont - il sera transféré à Madrid où sa déposition sera recueillie", ajoute-t-il.
Une fois à Madrid, "il sera décidé, conformément à l'article 505 de la loi de procédure pénale, si Carles Puigdemont est condamné à la détention provisoire ou si, au contraire, il est libéré".
L'ancien président de la Catalogne ira-t-il en prison ?
Selon les experts juridiques consultés par Euronews, la détention provisoire est envisageable si le juge Llarena prend en compte les trois éléments suivants : le risque de fuite, la destruction de preuves et la réitération criminelle.
D'autres sources policières contactées par Euronews affirment que des agents des unités d'intervention de la police - connues sous le nom de "police anti-émeutes" - ont été convoqués avant leur possible transfert dans la capitale catalane.
Plusieurs associations de défense de la Catalogne telles qu'Òmnium Cultural ont appelé à des manifestations et à des rassemblements contre l'investiture de Salvador Illa.
Ces groupes ont menacé d'organiser des manifestations de masse en cas d'arrestationde Carles Puigdemont lors son arrivée à la session plénière jeudi.
Pourquoi y a-t-il un mandat d'arrêt contre Carles Puigdemont ?
Le leader de Junts a fui la justice espagnole en 2017 après avoir effectué illégalement une déclaration unilatérale d'indépendance de la Catalogne contre la loi nationale, la volonté de l'opposition, la Constitution espagnole elle-même et après que le Conseil général du pouvoir judiciaire ait averti de l'illégalité de cette action.
Cette année, le gouvernement espagnol a approuvé une loi d'amnistie controversée"pour la réconciliation" avec les séparatistes catalans, suite aux demandes des deux principaux partis indépendantistes représentés au Congrès des députés espagnols - Junts et ERC - afin d'investir Pedro Sánchez en tant que président.
Si cette loi a bien effacé les crimes commis par Carles Puigdemont dans le cadre du processus indépendantiste illégal de 2017, le juge de l'affaire, le magistrat de la Cour suprême Pablo Llarena, a considéré que le crime de détournement de fonds publics dont le leader de Junts est également accusé n'était pas amnistiable.
La justice espagnole considère que le gouvernement catalan de l'époque, dirigé par Carles Puigdemont, a détourné des fonds publics pour financer le référendum illégal du 1er octobre 2017.