C'est la première fois depuis 1962 qu'un gouvernement français tombe à la suite d'un vote de défiance des députés.
Le gouvernement du Premier ministre français Michel Barnier a donc été censuré ce mercredi soir après un vote de défiance historique à l'Assemblée nationale.
Ce vote est le fruit d'une coalition de circonstance assumée, composée de l'alliance de gauche du Nouveau Front populaire et de l'extrême droite.
La gauche jugeait Michel Barnier illégitime depuis sa nomination. Quant au Rassemblement national, il a finalement décidé de jeter l'éponge n'ayant pas obtenu ce qu'il souhaitait dans la préparation du budget pour 2025.
Quelle est la prochaine étape ?
La censure du gouvernement a aussitôt entraîné la démission de ses ministres. Mais il sera probablement demandé à Michel Barnier de rester à la tête d'un gouvernement intérimaire, comme ce fut le cas pour l'ancien Premier ministre Gabriel Attal après la dissolution de l'Assemblée nationale l'été dernier.
Le gouvernement intérimaire devra expédier les affaires courantes et ne pourra pas présenter de nouvelles lois.
Conformémement à la Constitution française, c'est à Emmanuel Macron qu'il revient de nommer un nouveau Premier ministre. Le président a déjà indiqué vouloir agir vite, dans les prochaines 24 heures. L'Elysée a d'ailleurs annoncé une intervention télévisée ce jeudi à 20 heures.
Toutefois, le choix du nouveau Premier ministre sera complexe alors que l'Assemblée nationale, issue des dernières élections, n'a jamais été aussi fragmentée et sans majorité claire sachant qu'aucune nouvelles élections législatives ne pourront être convoquées avant juillet prochain.
Qui pourrait être le prochain Premier ministre ?
Quelques noms circulent depuis mercredi, dont celui de l'actuel ministre des forces armées, Sébastien Lecornu, ou celui de François Bayrou, chef du parti centriste MoDem.
Certains partis formant la coalition de gauche du NFP ont maintenu leur choix initial de Lucie Castets, économiste et fonctionnaire.
La candidature de Mme Castets, dont le nom a été proposé pour la première fois cet été par l'alliance de la gauche avait cependant rapidement été écartée par Emmanuel Macron.
Cette décision avait alors été vivement critiquée par la gauche. Le président avait été accusé d'avoir choisi seul (conformément à ses pouvoirs) mais sans avoir impliqué les parlementaires dans un contexte politique tout à fait inédit.
"Si, cette fois, le président veut éviter un nouvel effondrement du gouvernement, il devra permettre aux députés de trouver une figure plus consensuelle", a déclaré François-Xavier Millet, politologue et professeur de droit public à l'université des Antilles françaises.
Mais pour Emmanuel Rivière, expert en opinion publique et conseiller politique, le choix du futur Premier ministre doit se faire autour d'un projet et non d'une personnalité.
"Nous avons besoin d'un projet et d'un accord, pas d'une personnalité. Ce n'est pas à Macron de faire le casting. Il faut un accord pour passer l'obstacle budgétaire. Il pourrait s'agir d'un pur technocrate ayant pour mission spécifique de s'assurer que la France dispose d'un budget pour 2025", a-t-il déclaré lors d'un entretien téléphonique avec Euronews.
LFI appelle à la démission d'Emmanuel Macron ?
Bien que le mandat d'Emmanuel Macron s'étende jusqu'au printemps 2027, le parti de Jean-Luc Mélenchon, La France insoumise (LFI) appelle le chef de l'État à démissionner en raison du chaos politique qui a suivi sa décision de dissoudre le parlement.
Selon Emmanuel Rivière Rivière, il s'agit là d'un nouveau coup dur pour M. Macron, dont la cote de popularité est en chute libre en France et à l'étranger en raison de la crise politique.
Seuls 22 % des Français sont satisfaits du président français, selon un sondage d'opinion publié fin novembre par l'Ifop.
Mais jusqu'à présent, M. Macron a répondu à ces demandes de démission en s'engageant à remplir son rôle "avec toute mon énergie, jusqu'à la dernière seconde".
"Une démission est possible, mais le moment est mal choisi. Elle ne ferait qu'ajouter au chaos et à la confusion, et ne changerait rien à la fragmentation de l'Assemblée nationale", estime Xavier Millet.
Qu'en est-il du budget ?
Avec la censure du gouvernement c'est tout le processus budgétaire de la France qui s'est interrompu. Mais si aucun budget n'est voté d'ici le 20 décembre, le gouvernement pourra utiliser ses pouvoirs constitutionnels pour adopter le budget par ordonnance, rappelle le politologue.
Dans le cas du budget de la sécurité sociale, l'ordonnance pourra être mise en œuvre après 50 jours de blocage, tandis que le budget national pourra être mis en œuvre après 70 jours de débat.
Une autre loi pourrait également prolonger le budget de 2024 à 2025, mais ce n'est qu'une solution temporaire, souligne notre expert.
Bien que la France ne soit pas exposée au risque d'un shutdown à l'américaine, l'instabilité politique pourrait cependant effrayer les investisseurs.
La France est actuellement sous la pression de l'UE en ce qui concerne ses dépenses. Le déficit du pays est estimé à 6 % de son PIB, alors que les règles budgétaires de l'UE stipulent que le déficit ne doit pas dépasser le seuil des 3 %.