L'application chinoise Tiktok est soupçonnée d'avoir joué un rôle en faveur de la Russie pour perturber l'élection présidentielle en Roumanie.
La Commission européenne a annoncé ce 17 décembre l'ouverture d'une enquête contre Tiktok soupçonné de manquements à ses obligations après des soupçons de manipulations russes dans l'élection présidentielle annulée en Roumanie. L'exécutif européen joue le rôle de gendarme du numérique dans l'UE, en vertu du règlement sur les services numériques (DSA) entré pleinement en vigueur le 17 février. La Commission met l'accent sur les problèmes liés au fonctionnement de l'algorithme de recommandation et au système de publicités politiques, qui nécessitent un étiquetage clair.
Il ne s'agit que de la première étape pour déterminer si TikTok a enfreint la loi sur la protection des données. Maintenant qu'une procédure formelle a été engagée, la Commission recueillera d'autres informations. S'il s'avère que TikTok n'a pas respecté la législation de l'UE, il pourrait se voir infliger une amende pouvant aller jusqu'à 6 % de son chiffre d'affaires global.
"Chaque fois que nous soupçonnons une telle ingérence, en particulier lors d'élections, nous devons agir rapidement et fermement", a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. "À la suite d'indications sérieuses selon lesquelles des acteurs étrangers se sont immiscés dans les élections présidentielles roumaines en utilisant TikTok, nous menons actuellement une enquête approfondie pour déterminer si TikTok a enfreint la loi sur les services numériques en ne s'attaquant pas à de tels risques. Il doit être clair que dans l'UE, toutes les plateformes en ligne, y compris TikTok, doivent être tenues pour responsables."
Fait extrêmement rare en Europe, la justice roumaine a annulé début décembre l'élection présidentielle après le premier tour remporté par Călin Georgescu, invoquant de "multiples irrégularités et violations de la loi électorale ayant faussé" le vote. Sorti de nulle part, Călin Georgescu, dont le message "Roumanie d'abord" devenu viral a séduit une partie de la population lassée des partis traditionnels, avait balayé les favoris issus des partis de gouvernement.
Critique de l'UE et de l'OTAN, cet ancien haut fonctionnaire de 62 ans s'est déclaré en faveur d'un arrêt total de l'aide militaire à l'Ukraine. Les services secrets roumains ont dressé des parallèles avec de précédents efforts d'ingérence électorale russe en Europe et recensé "25.000 comptes TikTok" directement associés à la campagne de M. Georgescu, devenus "extrêmement actifs deux semaines avant la date du scrutin".
Moscou est régulièrement accusé d'orchestrer des campagnes de désinformation pour défendre des candidats qui lui seraient favorables au sein de l'UE ou dans des pays voisins comme la Moldavie ou la Géorgie.
Le contenu faisant la publicité de Georgescu a proliféré sur TikTok, un phénomène non organique, selon la Commission, qui pense qu'il pourrait avoir été promu par des bots et de faux comptes.
Fin novembre, la Commission a demandé des informations à TikTok afin de déterminer les mesures prises par la plateforme pour réduire les biais algorithmiques potentiels lors de l'élection, ce qui constitue la première étape d'une éventuelle enquête. Le délai était fixé à vendredi dernier. Une semaine plus tard, la Commission a annoncé une "injonction de conservation", demandant à TikTok de fournir des données sur ses systèmes de recommandation entre le 24 novembre et le 21 mars, en vue d'une analyse plus approfondie. Enfin, à la suite de la déclassification de documents des services de renseignement roumains sur l'ingérence, la Commission a émis une "demande d'information urgente".