Si le règlement européen sur les services numériques (DSA) prévoit une suspension temporaire des plateformes en cas d'infraction grave, rien n'indique que l'UE envisage une telle décision pour le moment.
Le président du Rassemblement national d'extrême droite français, Jordan Bardella, affirme que Bruxelles envisage d'interdire X, anciennement Twitter, suite aux récentes tentatives d'ingérence de son propriétaire, Elon Musk, dans la politique européenne.
Dans une vidéo publiée sur son compte X, Jordan Bardella - qui préside également l'un des groupes de droite dure du Parlement européen - a déclaré : "De nombreux officiels européens [...] réclament l'interdiction de X, au motif que son propriétaire, Elon Musk, l'utiliserait pour promouvoir un certain nombre de valeurs et d'opinions, ou promouvoir certains candidats aux élections".
Le milliardaire et allié de Donald Trump, Elon Musk, a suscité la controverse ces dernières semaines après s'être immiscé dans la politique intérieure de l'Europe, notamment en soutenant le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) avant les élections fédérales allemandes du 23 février.
Jordan Bardella et d'autres responsables politiques de droite dure, comme la Première ministre italienne Giorgia Meloni, ont rejeté les craintes autour de l'ingérence d'Elon Musk et ont présenté le propriétaire du X comme défenseur de la liberté d'expression.
Mais d'autres dirigeants européens, comme l'Allemand Olaf Scholz, le Français Emmanuel Macron et l'Espagnol Pedro Sánchez, ont mis en garde Elon Musk contre toute ingérence, tandis que le Premier ministre belge intérimaire Alexander de Croo a exhorté la Commission européenne à "prendre des mesures" contre X.
Euroverify a vérifié les affirmations de Jordan Bardella et n'a trouvé aucune preuve que l'exécutif de l'UE envisage d'interdire la plateforme, bien que cette option existe en dernier recours dans son règlement numérique.
Comment l'exécutif européen réagit à l'ingérence d'Elon Musk
En vertu du DSA, les plateformes qui comptent plus de 45 millions d'utilisateurs mensuels dans l'UE, comme X, doivent se conformer à des règles strictes destinées à assurer la sécurité des utilisateurs et à freiner la diffusion de contenus illicites.
L'UE a ainsi commencé à enquêter sur X en décembre 2023 en raison de soupçons de manquements aux obligations du DSA.
La discussion en direct de 70 minutes organisée sur X la semaine dernière entre Elon Musk et la candidate à la chancellerie de l'AfD, Alice Weidel, n'est pas en soi considérée comme illégale au regard de la DSA, mais elle sera évaluée dans le cadre de l'enquête en cours, a confirmé un porte-parole de la Commission.
"Rien dans le DSA n'interdit un tel livestream. Ce que nous voulons, cependant, c'est que le propriétaire de la plateforme s'assure que celle-ci n'est pas utilisée de manière abusive ou qu'elle accorde un traitement préférentiel à certains types de contenu ou une visibilité accrue à un seul type de contenu", explique-t-il.
Le DSA oblige les plateformes à réduire les "biais" dans les algorithmes qui recommandent des contenus aux utilisateurs. X et le rôle central d'Elon Musk dans la campagne présidentielle de Donald Trump l'année dernière ont soulevé des questions sur la neutralité des systèmes de recommandation de la plateforme.
Une étude menée par l'université technologique du Queensland (QUT) estime qu'Elon Musk pourrait avoir modifié l'algorithme de la plateforme pour favoriser les contenus pro-Trump, y compris les siens, avant le scrutin présidentiel américain de novembre.
Aucune manipulation similaire n'a pour l'instant été prouvée en Europe.
La société X ou d'autres plateformes pourraient-elles être interdites dans l'UE ?
En cas d'infraction grave du DSA, les grandes plateformes en ligne peuvent se voir infliger une amende pouvant aller jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires mondial par la Commission européenne.
Toute plateforme qui refuse totalement de se conformer à ses obligations d'une manière qui "met en danger la vie et la sécurité des personnes" peut également faire l'objet d'une suspension temporaire, conformément aux dispositions du DSA.
Avant sa réélection à la présidence de la Commission européenne l'année dernière, Ursula von der Leyen a refusé d'exclure une interdiction potentielle de TikTok, la plateforme vidéo chinoise.
"Ce n'est pas exclu", a-t-elle déclaré en juillet dernier lorsqu'on lui a demandé si son prochain exécutif pourrait interdire la plateforme. "Nous connaissons parfaitement les dangers de TikTok".
Mais Euroverify n'a trouvé aucune déclaration publique suggérant que les responsables de l'UE envisagent pour le moment une interdiction similaire de X, comme le prétend Jordan Bardella.