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EuroVerify : une "expérience" sur les énergies renouvelables serait-elle à l'origine du blackout en Espagne ?

Un arbre est entouré de panneaux solaires à Los Arcos, dans la province de Navarre, au nord de l'Espagne, le 24 février 2023
Un arbre est entouré de panneaux solaires à Los Arcos, dans la province de Navarre, au nord de l'Espagne, le 24 février 2023 Tous droits réservés  Alvaro Barrientos/Copyright 2022 The AP. Tous droits réservés
Tous droits réservés Alvaro Barrientos/Copyright 2022 The AP. Tous droits réservés
Par Mared Gwyn Jones
Publié le Mis à jour
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Selon un média britannique, les autorités espagnoles auraient réalisé des expériences sur le réseau électrique juste avant la panne du mois dernier. Euronews a vérifié ces allégations.

Un article publié la semaine dernière dans le journal britannique The Telegraph affirme que la panne d'électricité massive qui a plongé la péninsule ibérique dans l'obscurité le 28 avril aurait été provoquée par une "expérience" du gouvernement espagnol en matière d'énergies renouvelables.

Ambrose Evans-Pritchard, rédacteur en chef de l'économie mondiale au Telegraph, écrit que, selon des "sources à Bruxelles", les autorités espagnoles "cherchaient à savoir jusqu'où elles pouvaient pousser la dépendance à l'égard des énergies renouvelables" en préparation de l'arrêt progressif des réacteurs nucléaires en Espagne.

Il n'a pas précisé ses sources ni fourni de preuves à l'appui de ses affirmations.

Les accusations ont été reprises par plusieurs médias espagnols et internationaux, tels que El Periódico, El Mundo et Antena 3, ainsi que par The Daily Mail et CNN, et amplifiées par les utilisateurs des réseaux sociaux.

Article d'opinion et sources anonymes

Cependant, un examen plus approfondi de l'article révèle qu'il a en réalité été publié en tant que tribune d'opinion, non pas comme un article d'actualité, et Ambrose Evans-Pritchard est un chroniqueur régulier du Telegraph.

Il utilise la panne du 28 avril pour critiquer les politiques énergétiques du gouvernement socialiste espagnol du Premier ministre Pedro Sánchez.

Dans le cadre d'un plan adopté en 2019 par ce dernier, l'Espagne fermera progressivement ses centrales nucléaires au cours de la prochaine décennie pour se concentrer sur les sources d'énergie verte, une décision qu'Ambrose Evans-Pritchard qualifie d'"imprudente".

Dans son analyse, le chroniqueur cite des "sources à Bruxelles" qui auraient confirmé que l'Espagne a mené une expérience avant le blackout.

Mais il ajoute ensuite : "S'il est établi que le black-out était une expérience qui a mal tourné, et si cette information a été cachée au public [...], la gauche espagnole risque l'oubli électoral pour une génération politique".

EuroVerify a contacté le Telegraph pour obtenir des éclaircissements sur les sources consultées, ainsi que sur leur rôle dans les enquêtes en cours sur l'incident, mais n'a pas encore reçu de réponse.

Le gouvernement espagnol nie les allégations et dénonce des "intérêts corporatistes"

Nous avons également demandé à la Commission européenne si elle pouvait réfuter ou corroborer ces affirmations, mais un porte-parole a déclaré que l'exécutif de l'UE ne ferait aucune déclaration à ce sujet tant qu'il n'aura pas pris connaissance de l'enquête sur les causes de la panne.

La Commission a donné à l'Espagne trois mois à compter de la date de la panne pour soumettre un rapport technique sur l'incident, comme l'exige la législation européenne. Un groupe d'experts européens mène actuellement sa propre enquête en vue de la soumettre à la Commission.

Le site du tournoi de tennis Madrid Open est vide lors d'une panne générale d'électricité à Madrid, le lundi 28 avril 2025
Le site du tournoi de tennis Madrid Open est vide lors d'une panne générale d'électricité à Madrid, le lundi 28 avril 2025 AP Photo/Manu Fernandez

Pour sa part, le gouvernement espagnol a "catégoriquement démenti" les affirmations du Telegraph.

La vice-présidente du gouvernement, María Jesús Montero, dénonce des "intérêts corporatistes" derrière l'article, ajoutant que le journal britannique est "connu pour diffuser des canulars, répandre des mensonges et essayer d'influencer l'opinion publique".

Un porte-parole de Red Eléctrica - l'entreprise partiellement contrôlée par l'État qui assure la gestion du réseau électrique espagnol - a déclaré à EuroVerify qu'elle "démentait catégoriquement" ces affirmations, les qualifiant de "canular".

Les experts estiment que cette théorie est "illogique"

EuroVerify a contacté trois experts pour savoir si une telle expérience serait réalisable en principe sur le réseau espagnol.

Si aucune hypothèse ne peut être totalement exclue, ils expliquent que la perspective d'une telle expérience est hautement improbable.

"Tout est possible, mais cette théorie ne semble pas raisonnable", a déclaré à EuroVerify Manuel Alcázar-Ortega, directeur adjoint du département d'ingénierie électrique de l'université polytechnique de Valence.

"D'un point de vue technique, Red Eléctrica dispose d'un simulateur qui reproduit l'ensemble du réseau de transmission. Ces simulations n'ont donc pas besoin d'être réalisées en situation réelle. Elles peuvent être réalisées sur ce simulateur".

Le simulateur est utilisé pour tester la capacité du réseau et prévoir son évolution afin de développer son infrastructure et de s'adapter à ses besoins futurs, explique Manuel Alcázar-Ortega.

Le professeur Dirk Van Hertem, chercheur au centre de recherche EnergyVille en Belgique, confirme que de telles simulations informatiques sont utilisées pour analyser le réseau.

Il ajoute que, bien que des tests en situation réelle puissent être réalisés en pratique, "rien ne prouve qu'ils l'aient été [le mois dernier]" en Espagne.

Dirk Van Herteam indique que la période en question n'aurait pas été propice pour tester la capacité du réseau à absorber les énergies renouvelables, car "ce n'était pas le moment où la pénétration des énergies renouvelables était la plus élevée en Espagne".

Les énergies renouvelables "ne sont pas le problème"

Un mois après la panne, les enquêtes n'ont pas encore permis de tirer des conclusions définitives, bien que les premières analyses aient mis en évidence une forte "oscillation" du réseau électrique une demi-heure avant la panne, ainsi que des pannes consécutives dans des sous-stations du sud-ouest de l'Espagne.

L'absence de réponses a alimenté les spéculations sur l'impact de la part croissante des énergies renouvelables dans le réseau.

Interrogé sur la possibilité que les énergies renouvelables aient joué un rôle dans la panne, Manuel Alcázar-Ortega répond : "Tout semble indiquer que oui, avec la réserve que le coupable n'est pas l'énergie renouvelable en soi, mais probablement la façon dont cette ressource a été gérée".

L'Espagne a connu une forte croissance de la part des énergies renouvelables dans son bouquet énergétique ces dernières années, l'éolien, le solaire et l'hydroélectricité ayant produit un pourcentage record de 56,8 % de l'électricité espagnole en 2024.

Des panneaux solaires près de la petite ville de Milagro, dans la province de Navarre, dans le nord de l'Espagne, le vendredi 24 février 2023
Des panneaux solaires près de la petite ville de Milagro, dans la province de Navarre, dans le nord de l'Espagne, le vendredi 24 février 2023 AP Photo/Alvaro Barrientos

"Cette croissance n'a pas été accompagnée de systèmes permettant de compenser l'inertie que le système perdait en ne remplaçant pas l'inertie réelle fournie par les générateurs d'électricité traditionnels", indique Manuel Alcázar-Ortega.

L'inertie du réseau permet de maintenir la fréquence à un niveau acceptable. Les sources d'énergie renouvelables, telles que l'énergie éolienne et solaire, sont considérées comme n'ayant pas d'inertie, ce qui rend le réseau plus instable et plus susceptible de subir des pannes.

"Ce n'est pas la faute des énergies renouvelables, mais de l'absence de systèmes de stockage ou d'autres types d'onduleurs formant le réseau [...] capables d'assurer ce contrôle de la fréquence", ajoute l'expert.

Le Premier ministre espagnol a également déclaré qu'"il n'existe aucune preuve empirique que l'incident a été causé par un excès d'énergies renouvelables", accusant les groupes pro-nucléaires de capitaliser sur l'incident pour faire campagne contre l'abandon progressif des centrales nucléaires.

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