Des policiers et des magistrats perquisitionnent depuis mercredi matin le siège du parti d'extrême droite, saisissant des documents et de la correspondance électronique dans le cadre d'une opération de grande envergure, selon le président du RN Jordan Bardella.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, annonce qu'une "vingtaine de policiers de la Brigade financière", accompagnés de "deux juges d'instruction", mènent depuis mercredi matin une perquisition dans les bureaux du parti.
"Tous les mails, documents et éléments de comptabilité du premier parti d’opposition sont saisis, sans que nous sachions à ce stade quels sont précisément les griefs qui en sont le fondement", a déclaré Jordan Bardella depuis Strasbourg, où il assistait mercredi matin à une session plénière du Parlement européen.
Dans un message publié sur X, le président du RN dénonce une opération "spectaculaire et inédite", un "harcèlement" et affirme que "jamais un parti d’opposition n’a subi un tel acharnement sous la Ve République".
Le parquet de Paris précise que "les sièges sociaux de sociétés" et des "domiciles des personnes physiques dirigeantes de ces sociétés" ont également été perquisitionnés.
Il indique par ailleurs qu'aucune personne physique ou morale n'a été mise en examen pour le moment.
Soupçons de financement illicite des campagnes du RN
Cette perquisition s'inscrit dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en juillet 2024 sur des soupçons de financement illicite des campagnes du RN aux présidentielles et aux législatives de 2022, ainsi qu’aux élections européennes de 2024.
Cette information porte sur plusieurs faits présumés, y compris de "blanchiment d'escroquerie aggravée", de "faux et usage de faux", ainsi que de "prêt à titre habituel d'une personne physique à un parti politique".
Le parquet de Paris indique que l'enquête vise à "déterminer si ces campagnes ont été notamment financées grâce à des prêts illégaux de particuliers bénéficiant au parti ou à des candidats du Rassemblement National, ainsi que par des surfacturations de prestations ou des facturations de prestations fictives ayant été intégrées par la suite dans les demandes de remboursement forfaitaire par l’État des dépenses de campagne".
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) - à l'origine du signalement en juillet 2024 - indique que de tels prêts accordés aux partis politiques par des particuliers sont autorisés sous certaines conditions, mais que le RN est celui "qui les a le plus utilisés".
Selon le président de la CNCCFP, Christian Charpy, le Rassemblement national "a concentré une forte majorité" de ces emprunts. En 2021, sur un total de 764 prêts de ce type pour l'ensemble des partis français, le RN en a en effet obtenu 613 ; en 2022 ce chiffre est passé à 425 sur 492, et en 2023 le parti a reçu 96 du total de 123 emprunts.
"Il est essentiel que ces prêts soient remboursés, sinon ce sont des dons déguisés", explique Christian Charpy.
Jordan Bardella affirme que le Rassemblement national a recours à ce système pour compenser le refus des banques françaises de prêter de l'argent au parti à la flamme.
Le Rassemblement national ciblé par plusieurs enquêtes
Cette perquisition survient un jour après que le parquet européen a ouvert une enquête pour des soupçons d'irrégularités financières concernant Identité et Démocratie (ID), le groupe politique auquel le RN appartenait précédemment au Parlement européen.
Le RN et ses ex-partenaires d'ID sont suspectés d'avoir "indûment dépensé" près de 4,3 millions d'euros entre 2019 et 2024, selon un rapport de la direction des affaires financières du Parlement européen partagé par plusieurs médias au début du mois.
Cette enquête est cependant totalement distincte de l'information judiciaire qui a donné lieu à la perquisition de mercredi, cette dernière étant sous la juridiction du parquet de Paris et portant sur des faits totalement différents.
Par ailleurs, Marine Le Pen, la présidente du groupe RN à l'Assemblée, a récemment été condamné à 100 000 € d'amende et à une peine d'inéligibilité de 5 ans dans le cadre de l'affaire dite des "assistants parlementaires".
La leader historique du parti d'extrême droite a en effet été reconnue coupable en mars de détournement de fonds publics à hauteur de plusieurs millions d'euros, une décision que Marine Le Pen, qui clame toujours son innocence, considère comme une peine "politique" et "injuste".
En l'état actuel des choses, la candidate malheureuse à la présidentielle de 2022 ne pourra donc pas se présenter de nouveau en 2027. En attente de son audience en appel, qui devrait avoir lieu dans le courant de l'année prochaine, Marine Le Pen a saisi cette semaine la Cour européenne des droits de l'Homme pour contester sa peine d'inéligibilité.