Les ministres français demandent à la Commission européenne de sanctionner le géant du commerce électronique Shein pour avoir autorisé la vente d'articles illégaux sur son site web, notamment une "poupée sexuelle enfantine" qui a déclenché un scandale national.
La commissaire européenne chargée des technologies, Henna Virkkunen, rencontrera les ministres français jeudi, après que les autorités françaises ont demandé à la Commission d'enquêter et de sanctionner le géant du commerce électronique Shein pour avoir permis la vente d'une "poupée sexuelle ressemblant à un enfant" sur sa plateforme.
"La discussion d'aujourd'hui alimentera les prochaines étapes potentielles du côté de l'UE", a déclaré Thomas Regnier, porte-parole de la Commission pour les affaires numériques, aux journalistes. Shein a été fondée en Chine, mais son siège social se trouve désormais à Singapour.
Les autorités françaises exigent une action rapide au niveau européen, car les contenus vendus sur le site sont disponibles à l'achat dans l'ensemble du marché unique, et pas seulement en France. En outre, les caractéristiques enfantines de la poupée ont suscité un tollé national concernant l'absence de contrôle des normes applicables aux sites web susceptibles d'être utilisés par des criminels et des pédophiles.
"Compte tenu des risques systémiques posés par de tels comportements et des préoccupations légitimes qu'ils suscitent parmi les citoyens européens, l'Union européenne doit apporter des réponses fermes à toute défaillance ou infraction qui pourrait être identifiée à la suite d'une telle enquête", écrivent-ils.
Jeudi, les autorités françaises ont avoir lancé un contrôle massif des produits Shein à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulles. Selon la ministre Ministre de l'Action et des Comptes publics, Amélie de Montchalin, 200 000 colis, l'équivalent de 24 heures d'envois de colis seront contrôlés.
"Les premiers constats font apparaître des produits non conformes et illicites", notamment des produits cosmétiques non autorisés, des jouets dangereux pour les enfants, des contrefaçons ou des appareils d’électroménager défaillants, a précisé la ministre dans un post sur X.
Pour le gouvernement français, l'objectif est clair : pouvoir nourrir les enquêtes qu'il a ouvertes contre la plateforme.
Thomas Regnier, porte-parole de l'UE, a déclaré que la Commission "prend note" des décisions prises en France.
"Elles sont basées sur le droit national français, mais elles renforcent les inquiétudes que nous avons déjà exprimées à Shein", a déclaré le porte-parole.
"Une plateforme qui autorise des contenus pornographiques ou la vente d'armes ne répond pas aux normes de l'UE", a-t-il ajouté.
La France a déclaré mercredi qu'elle suspendait l'accès à la plateforme en ligne de Shein jusqu'à ce que l'entreprise prouve que son contenu respecte les normes du droit français.
Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères, a déclaré : "La Commission a lancé certaines enquêtes, elle doit maintenant les accompagner de sanctions".
Les règles relatives aux plateformes en ligne sous les feux de la rampe
En vertu de la législation européenne, la loi sur les services numériques (LSN), qui est devenue pleinement applicable l'année dernière, les plateformes en ligne doivent retirer les contenus et les produits illégaux.
En mai dernier, la Commission a constaté que Shein, connu pour ses prix ultra-bas, se livrait à des pratiques commerciales illégales à l'issue d'une enquête menée en collaboration avec les autorités nationales chargées de la protection des consommateurs. Cette enquête est toujours en cours.
Si la Commission ne constate aucun progrès, l'entreprise pourrait se voir infliger des amendes de plusieurs millions d'euros.
En outre, l'exécutif européen a envoyé des demandes d'information distinctes sur les biens illégaux circulant sur la plateforme, tels que les armes.
Shein conteste ces allégations.
L'entreprise a déclaré en début de semaine qu'elle avait interdit tous les produits de poupées sexuelles et qu'elle avait temporairement retiré sa catégorie de produits pour adultes afin de la réexaminer. Elle a également lancé une enquête pour déterminer comment les inscriptions ont pu contourner ses mesures de filtrage.
En début de semaine, un groupe de 40 membres du Parlement européen représentant un éventail de partis allant des Verts au PPE (centre-droit) a également envoyé une lettre à la Commission pour lui demander d'ouvrir une enquête sur des poupées sexuelles similaires. La lettre citait des sites tels qu'AliExpress et Temu, signalant un problème plus large avec les entreprises en ligne fondées en Chine.
L'appel de la France à prendre des mesures coercitives est intervenu après l'ouverture par Shein de son premier magasin physique à Paris, mercredi, qui a attiré une foule de clients et de manifestants.