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La vidéo virale d'un soldat ukrainien en pleurs envoyé "à l'abattoir" du front est fausse

La vidéo virale d'un soldat ukrainien s'avère être un faux.
La vidéo virale d'un soldat ukrainien s'avère être un faux. Tous droits réservés  Various
Tous droits réservés Various
Par Estelle Nilsson-Julien & Tamsin Paternoster
Publié le
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Les vidéos d'un "conscrit" ukrainien en pleurs ont inondé les réseaux sociaux européens, en particulier en Allemagne et en Hongrie, cette semaine. Le clip semble toutefois avoir été créé avec l'aide de Sora, le nouvel outil d'OpenAI.

Une vidéo montrant un jeune homme prétendant être un conscrit ukrainien envoyé sur la ligne de front et pleurant devant une caméra a circulé sur les médias sociaux.

La vidéo, qui montre un homme s'exprimant en ukrainien et prononçant les mots suivants : "Je ne veux pas mourir, je n'ai que 23 ans", a accumulé des centaines de milliers de vues dans différents pays européens, où elle était sous-titrée en hongrois, en allemand et en anglais.

Une version hongroise du clip a généré 1,8 million de vues à elle seule. L'équipe de vérification d'Euronews, Le Cube, a trouvé d'autres cas où la vidéo a été repartagée avec des sous-titres en français, en espagnol, en grec, en turc et même en japonais.

Des messages en allemand et en français affirment que l'Ukraine et d'autres pays européens sont à blâmer pour avoir envoyé des Ukrainiens sur la ligne de front.

"L'Ukraine envoie ses jeunes à l'abattoir", peut-on lire dans un message en français.

La capture d'écran en français montre la légende
Capture d'écran en français montrant la légende @_Refractaire_

Cependant, plusieurs éléments indiquent que la vidéo est fausse et qu'elle a probablement été créée à l'aide de l'intelligence artificielle.

Une recherche par reconnaissance faciale effectuée par le Cube montre que le visage sur la photo ressemble à celui d'un streamer russe de Saint-Pétersbourg.

Selon une déclaration du Centre de lutte contre la désinformation, un organisme affilié au Conseil ukrainien de sécurité nationale et de défense, "le visage présenté dans la vidéo est celui d'un citoyen russe et non d'un Ukrainien".

Dans la vidéo, le prétendu conscrit déclare : "J'ai été mobilisé. Je vais à Tchassiv Yar". Des experts en langue ukrainienne ont déclaré au Cube que la prononciation des mots "Tchassiv Yar" ne semblait pas naturelle ou cohérente avec le langage ukrainien, ce qui soulève des doutes quant à l'authenticité de la vidéo.

L'âge de la conscription en Ukraine est actuellement compris entre 25 et 60 ans. Le plancher a été abaissé de 27 à 25 ans en avril de l'année dernière afin de renforcer les effectifs dans le cadre de l'invasion à grande échelle de la Russie, qui n'est pas loin d'entrer dans sa cinquième année. Les personnes âgées de moins de 25 ans, comme le prétend l'homme de la vidéo, ne peuvent s'engager que sur une base volontaire.

Cette vidéo intervient alors que la conscription militaire en Ukraine est un sujet de discussion brûlant. En février, l'Ukraine a introduit un contrat militaire d'un an destiné aux jeunes de 18 à 24 ans, leur offrant un salaire et des primes supplémentaires. En avril, le chef adjoint du cabinet du président de l'Ukraine, Pavlo Palisa, a déclaré que seuls quelques centaines d'hommes de cet âge avaient signé des accords pour servir dans l'armée.

Vidéo probablement créée avec Sora

Une recherche d'images inversées a permis de remonter jusqu'à un compte TikTok, qui a été supprimé depuis. Une recherche sur ce compte révèle des dizaines de vidéos montrant des "conscrits" ukrainiens en détresse.

Certaines contiennent le filigrane de Sora, l'outil d'intelligence artificielle texte-vidéo d'OpenAI. Une vidéo montre un homme se présentant comme un conscrit ukrainien pleurant des larmes de sang.

Giorgia Patrini, PDG et cofondatrice de Sensity AI, qui trouve et surveille les vidéos synthétiques générées par l'intelligence artificielle, a déclaré que sa technologie avait permis de découvrir que les vidéos du compte avaient été créées avec Sora, le filigrane ayant été supprimé après la production.

L'application, qui est depuis peu disponible pour les utilisateurs d'Android dans un certain nombre de pays, permet aux utilisateurs de créer des vidéos réalistes en utilisant leur image, à condition qu'ils en donnent l'autorisation à l'application. Les utilisateurs ont la possibilité de rendre leur image privée.

Selon Patrini, le casque porté par le soldat dans le clip viral présente plusieurs "incohérences par rapport à l'équipement militaire réel".

La disposition des vis et des rails d'accessoires latéraux, telle qu'illustrée par Sensity ci-dessous, diffère des modèles militaires typiques. En outre, le casque n'a pas de panneaux velcro.

Les caractéristiques du casque ne correspondent pas à l'équipement militaire standard.
Les caractéristiques du casque ne correspondent pas à l'équipement militaire standard. Credit - Sensity AI

Un soldat ukrainien consulté par Le Cube a confirmé que le câble de l'écouteur qui court le long du casque dans la vidéo semblait inhabituel et ne correspondait pas à l'équipement militaire habituel.

Dans une autre vidéo publiée sur le compte TikTok, Sensity a constaté que l'écriture sur la veste du soldat n'est pas en cyrillique, "mais utilise plutôt des lettres latines ayant une ressemblance superficielle avec le cyrillique".

Les lettres de la veste ne sont pas reconnaissables en ukrainien moderne.
Les lettres sur la veste ne sont pas reconnaissables en ukrainien moderne. Credit- Sensity AI

Les nuances qui font que la vidéo est fausse sont toutefois difficiles à déceler. Selon Francesco Cavalli, directeur de l'exploitation de Sensity, les exemples de vidéos de ce type créées à l'aide d'outils d'IA Video constituent "une arme bon marché et largement accessible pour les opérations d'influence".

"Il est clair pour tout le monde qu'ils sont déployés à grande échelle pour atteindre des objectifs stratégiques sur le champ de bataille de la guerre hybride", a-t-il déclaré. "L'objectif est simple mais efficace : façonner l'opinion internationale, démoraliser l'adversaire et brouiller la frontière entre la réalité et la fiction".

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