L'Afrique, Eldorado de la drogue sud-américaine

L'Afrique, Eldorado de la drogue sud-américaine
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Par François Chignac
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En 2012, le président Sénégalais Macky Sall demandait à la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton d’aider les pays de la CEDAO dans leur lutte contre les narcotrafiquants

Ce n’est pas une nouveauté, mais la dernière synthèse du World Drug Report enfonce le clou. L’Afrique de l’Ouest est devenue une plaque tournante du trafic de drogue européen. Entre un quart et deux tiers de la cocaïne d’Amérique du sud transite vers l’Europe, selon le rapport, via l’ouest africain et certains de ses états côtiers corrompus.

Dans ce “trip” africain, le Cap Vert, le Mali, le Bénin, le Togo, le Nigeria, le Ghana, la Gambie, le Sénégal, la Guinée, mais aussi et surtout la Guinée-Bissau font figure d‘étapes incontournables. En provenance de Colombie et du Pérou, via le Brésil, la drogue échoue aux pieds de narcotrafiquants qui, parfois, ont élu domicile au sein de somptueuses villas qui bordent le littoral ouest-africain.

Il y a donc une Afrique économiquement émergente – une réalité – en proie aux affres de la sécurité – une actualité. Mais le continent en général, et l’ouest africain en particulier, pourront-ils faire l‘économie d’une réflexion sur les liens étroits qui peuvent exister entre insécurité et narcotrafic ?

Fin 2013, un peu plus d’une tonne de cocaïne était saisie dans un bateau de pêche qui mouillait au large de M“Bour, ville de l’ouest du Sénégal, située sur la Petite Côte, à 80 kms de la capitale Dakar. Comme le note l‘économiste colombien Francisco Thoumi “pour qu’elle soit efficace, l‘économie de la drogue a besoin de sociétés où les lois peuvent être facilement contournées, où la tolérance à de tels contournements devient la norme”. Un État pauvre, fragile et aux autorités peu scrupuleuses, devient alors une plate forme idéale pour le trafic. Surtout s’il présente des façades maritimes qui échappent presque toujours à la surveillance.

En Afrique de l’Ouest, la drogue ne fait pas que transiter. Elle est stockée, négociée, redistribuée, parfois même fabriquée, puis introduite en Europe par voie terrestre, fret aérien ou vols commerciaux. Et en marge de ces méthodes traditionnelles, les groupes criminels font même parfois usage de cargaisons conteneurisées.

La Guinée-Bissau, une ancienne colonie portugaise, dispose d’un archipel de 90 îles disséminées au large de la côte. Mais ce minuscule État et son million d’habitants est désormais taxé de narco-État par l’Office contre la drogue et le crime des Nations Unies. Les trafiquants y commercent en toute impunité face à des autorités soit impuissantes, soit complices. De plus, les Bissau-Guinéens n’ont pas besoin de visa pour fouler le sol portugais, les transports de drogue n’en sont que plus aisés, note le rapport.

La valeur marchande de la cocaïne qui transite, chaque année, par l’Afrique de l’Ouest est estimée à 1,25 milliard de dollars, affirme L’UNODC (United Nations Office on Drugs and Crime). Les profits sont colossaux et ils submergent la Guinée-Bissau. La consommation de stupéfiants y est supérieure à la moyenne mondiale. Le production de produits de synthèse, comme les méthamphétamines, commence à s’y développer, même si le Nigéria reste précurseur en la matière.

Les homicides ont augmenté. Le pays est devenu le repère de narcotrafiquants et la corruption des élites est une réalité. “Les problèmes se règlent à coups d’armes automatiques. En Guinée-Bissau, un Président, deux ministres, des députés, trois chefs d‘États-majors, une poignée d’officiers supérieurs ont été tués entre 2000 et 2012” note le journaliste sénégalais Alex N’daye.

Conséquence : une instabilité croissante. En décembre 2013, le Conseil de sécurité de l’ONU se déclarait “très inquiet de la proximité de plus en plus étroite, à certains égards, entre le trafic de drogues et d’autres formes de criminalité transnationale organisée dans la région, notamment le trafic d’armes et d’êtres humains, et le terrorisme, ainsi que de la violence croissante résultant des activités des organisations criminelles qui s’y livrent au trafic de drogues”. Le parallèle avec les années 1990 et le trafic de diamants , les fameux “diamants de sang”, qui ravageait le Liberia et la Sierra Leone n’est peut-être pas inopportun.

Alors que faire ? On a vu fleurir ces dernières années des initiatives nationales, régionales et internationales. L’Union Africaine s’est emparée du dossier. Scénario identique du côté de la CEDEAO (communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest) avec son Plan d’action régional visant à lutter contre les problèmes de plus en plus graves du trafic de drogue, de la criminalité organisée et de la toxicomanie en Afrique de l’Ouest. Certains États de la région ont décidé d’harmoniser leurs cadres juridiques nationaux et institutionnels de surveillance maritime. Objectif : faciliter les interceptions en mer. Et comme le soulignait récemment à Libreville le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, en évoquant l’insécurité sur le continent, ‘nous devons essayer de travailler pour renforcer leur sécurité. Car leur sécurité, c’est aussi la notre’ “.

De fait, il semble qu’une collaboration se soit installée entre l’Union européenne, l’Union africaine, INTERPOL, l’Organisation mondiale des douanes, l’Organisation maritime internationale, l’Organisation maritime de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, et les organisations locales ainsi que les entités compétentes des Nations Unies. Le principe mis en pratique est celui de la responsabilité conjointe et solidaire. Mais les trafiquants s’adaptent vite et les moyens déployés sur le terrain semblent limités. Brésiliens et Colombiens ont, par exemple, envoyé des agents spécialisés sur le continent africain pour former leur homologues locaux. Ils n‘étaient que 70 policiers jusqu‘à présent. Un peu léger pour une façade atlantique qui court du nord du Sénégal au Golfe de Guinée.

Credit photo Flickr Creative Commons/European External Action Service

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