Euroviews. En interdisant les OGM et les pesticides, l’UE cède aux croyances dangereuses | Point de vue

En interdisant les OGM et les pesticides, l’UE cède aux croyances dangereuses | Point de vue
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Au lieu de soutenir des innovations qui peuvent contribuer à nourrir une population mondiale en pleine explosion, [les dirigeants européens] s'érigent en adversaires du progrès scientifique.

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Par Rémi Dumery

De nombreuses personnes s'opposent à la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) et pensent qu'ils sont dangereux pour la santé. Beaucoup s'opposent également à l'utilisation des pesticides et croient qu'il existe des alternatives "naturelles " à leur utilisation en agriculture. Ces deux croyances ne sont pas seulement erronées : elles sont dangereuses.

Alors que la population mondiale devrait atteindre 10 milliards de personnes d'ici 2050, il est urgent de reconnaître que nombre de conceptions communes sur l'agriculture en Europe ne sont pas fondées sur des faits.

Pour la majeure partie de leur histoire, les Européens ont connu la faim et la famine. Les famines causées par les mauvaises récoltes tuaient régulièrement des centaines de milliers de personnes sur le continent. Chaque année, les familles priaient pour un climat propice qui leur permettrait de survivre jusqu'aux prochaines récoltes.

Grâce aux techniques agricoles modernes, cette époque est dorénavant révolue. Les technologies modernes de lutte contre les ravageurs et les mauvaises herbes protègent les cultures contre le mildiou et les maladies. Les innovations scientifiques rendent nos cultures plus résistantes, notamment contre des conditions climatiques capricieuses. Ces techniques nous permettent de produire suffisamment de denrées alimentaires pour nourrir un demi-milliard de personnes en Europe.

En conséquence, l'Europe s'est habituée à un monde d'abondance. La plupart des enfants et des jeunes adultes ne savent pas ce que c'est que de ne pas avoir assez à manger.

Le privilège de vivre dans une société aussi riche semble avoir rendu nombre de citoyens complaisants. Ils pensent que parce qu'ils ne l’ont jamais connu, la famine est un problème qui ne nous concerne plus. Cette facilité de vivre a poussé certains à tenter de mettre de côté les technologies mêmes qui rendent cette abondance possible.

Les pesticides sont utilisés dans toutes les formes d'agriculture moderne, qu'elle soit biologique ou conventionnelle. Sans eux, il serait beaucoup plus difficile de protéger les cultures contre les maladies et les ravageurs. Ce n'est qu'en utilisant des pesticides que les agriculteurs peuvent produire suffisamment pour nourrir tous les Européens.

Les OGM ne sont pas dangereux pour la santé. Les données scientifiques à ce sujet ont été établies il y a 30 ans. Les OGM sont au contraire l'une des meilleures technologies dont nous disposons pour rendre les cultures résistantes aux ravageurs et aux intempéries, et l'une des méthodes les plus prometteuses dont nous disposons pour nourrir la planète dans le contexte des changements climatiques et du développement démographique.

Au fur et à mesure que la population des villes augmente et que celle des campagnes diminue, le lien des consommateurs avec la terre s'affaiblit. Les européens savent ainsi de moins en moins d'où provient la nourriture qu'ils consomment et comment elle est cultivée dans les exploitations agricoles. C'est ce que l'on peut appeler l'effet « Nespresso » : les produits consommés arrivent préemballés, sans que l'on puisse savoir ni ce qu'ils contiennent, ni comment ils sont fabriqués.

Ce manque de liens et de connaissances par rapport aux processus agricoles modernes signifie que les consommateurs ont tendance à avoir peur quand ils entendent parler de nouvelles technologies qu'ils ne comprennent pas. Le problème est encore aggravé par nos politiques qui cherchent à utiliser cette méconnaissance à des fins politiciennes.

En France, par exemple, le Président Emmanuel Macron a annoncé qu'une alternative au glyphosate serait trouvée dans les trois ans. A moins d'un miracle, c'est tout simplement impossible. S'il n'existe pas encore d'alternative, le Président a en revanche bien promis d'interdire le produit en France. Cela sera extrêmement préjudiciable tant pour les agriculteurs français qui seront les premiers à en payer le prix, que pour l'agriculture européenne en général, car cela renforcera les mythes autour des pesticides.

Emmanuel Macron sait à quel point les pesticides comme le glyphosate sont importants, mais en raison de leur impopularité, il est politiquement avantageux d'y être opposé. Les effets négatifs de la suppression de la méthode la plus efficace à la disposition des agriculteurs pour lutter contre les mauvaises herbes ne se feront probablement sentir que lorsqu'il aura quitté son poste, alors pourquoi devrait-il s'en soucier ?

Il en va de même pour les OGM. Dans de nombreux pays européens, s'opposer à la culture d'OGM est extrêmement populaire, même si ce n'est pas dans l'intérêt de la population. Motivés par des considérations politiques court-termistes, nos politiques ne tiennent pas compte des conséquences à long terme de leurs décisions en soutenant des politiques populistes extrêmement dommageables en matière agricole. En cédant aux chimères, les hommes politiques desservent leurs électeurs et prennent des décisions qui finissent par nous nuire à tous.

Certains responsables politiques, en France et ailleurs, pensent qu'il existe des alternatives aux OGM en agriculture. L'utilisation de techniques de modification génétique telles que le CRISPR pourrait permettre d'assurer un approvisionnement suffisant en aliments à l'avenir. Contrairement aux OGM, la modification génétique consiste à modifier la composition génétique des cultures sans ajouter les gènes d'autres organismes.

Toutefois, la Cour de justice de l'Union européenne a récemment décidé que les techniques de modification génétique devaient être soumises en Europe aux mêmes règles que les OGM, rendant presque impossible l'obtention d'une autorisation pour ces techniques. Alors que des pays comme la France prennent la tête du mouvement anti-OGM en Europe, les technologies alternatives les plus prometteuses sont freinées par l'UE.

L'Europe a adopté la politique de l'autruche face à la crise alimentaire et les dirigeants ne font rien pour l'arrêter. Au lieu de soutenir des innovations qui peuvent contribuer à nourrir une population mondiale en pleine explosion, ils s'érigent en adversaires du progrès scientifique.

Si une interdiction des pesticides est introduite, la production alimentaire française et européenne diminuera. Cette perte de production devra être compensée par des importations en provenance d'autres pays, où l'utilisation des pesticides et des OGM interdits en Europe est autorisée. Est-ce vraiment dans l'intérêt des citoyens européens ? En essayant de se rendre populaires auprès de leurs électeurs, les politiques nous font comprendre que l'agriculture et la sécurité alimentaire ne sont plus des priorités pour l'État.

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Les politiques de tout le continent ont besoin d'un coup de semonce. La plupart d'entre nous n'ont jamais connu la faim et la famine. Nos enfants n'auront peut-être pas cette chance si nos dirigeants ne prennent pas de mesures pour protéger et faire progresser l'agriculture moderne.,.

Rémi Dumery est un agriculteur français pratiquant l'agriculture numérique et moderne

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