Ils composent la moitié de l'équipe: les Océaniens sont une force essentielle de Clermont, dont le succès, avant la finale du Top 14 samedi face à Toulouse, repose en partie sur leur bonne intégration.
"Quand on a la possibilité d'aller chercher des Fidjiens au niveau de ceux qu'on peut avoir, que ce soit des Raka, des Yato ou des Tuicuvu, avec des qualités très spécifiques qu'on a là-bas et pas ici, c'est dommage de s'en passer." Au moins, il assume, Jean-Marc Lhermet, le vice-président et directeur développement du club.
Quitte à y puiser largement: des 12 joueurs étrangers présents dimanche sur la feuille de match contre Lyon (33-13) - si l'on inclut Alivereti Raka, récemment naturalisé français -, le pilier droit géorgien Davit Zirakashvili est le seul non-Océanien.
Le club auvergnat, qui mise sur son centre de formation pour renouveler naturellement son effectif, peut se vanter d'avoir conquis son 2e titre en 2017 en faisant confiance à ses jeunes joueurs. Mais quand cela ne suffit pas, le staff fait sa pêche dans l'océan Pacifique.
- "On a les deux" -
C'était surtout vrai cette saison pour les trois-quarts, avec George Moala, Tim Nanaï-Williams et Apisai Naqalevu, les trois seules recrues de l'été 2018. "On a une très belle ligne de trois-quarts française, et une îlienne, on a les deux", endosse le président Eric de Cromières.
A valeur égale, les Français, compte tenu du dispositif Jiff (joueurs issus des filières de formation) imposé par la Ligue, ne seraient-ils pas favorisés? Pourtant excellent toute la saison, l'Australien Peter Betham n'a pas été retenu pour les matches les plus importants.
"J'ai aussi Rémi Lamerat qui a fait une bonne saison, Rémy Grosso (qui ne sont pas sélectionnés non plus)", rétorque Azéma. "J'essaye de faire l'équipe la plus performante du moment et je ne tiens pas compte du fait qu'ils soient îliens ou pas."
Le capitaine Fritz Lee est le symbole de cette symbiose. "On parle de mixité de cultures, il en est le plus bel exemple. Un, c'est ce qu'il donne sur le terrain, et deux comment il partage et travaille à l'entraînement."
Le Néo-Zélandais d'origine samoanne est reconnaissant. "Les Français ont le grand mérite de nous accepter tels que nous sommes. C'est cette mixité qui fait ce que nous sommes."
Depuis les exploits du pionnier fidjien Napolioni Nalaga (2006-2011), l'ASM s'est ouverte à cette partie du monde, via notamment le soutien matériel et humain apporté à l'académie de Nadroga aux Fidji, ce qui lui a valu quelques critiques. "On n'est pas du tout en train de piller qui ou quoi que ce soit", se défend Cromières. "On leur apporte des infrastructures, des moyens de s'entraîner. Un certain nombre de joueurs arrivent à monter en puissance et, après, savent qu'ils ont la possibilité de jouer à Clermont. Mais ils décident."
- Rituel samoan -
Une fois recrutés, le plus dur reste encore à faire. "Exprimer leur talent et leur potentiel dépend ensuite de la façon dont ils vont être acceptés dans le club", explique Lhermet. "Et après, il n'y a pas que le club, il y a la ville, la région. Le joueur doit être fier de porter ces couleurs."
Lee a une explication toute simple: c'est la passion auvergnate qui séduit les Océaniens et favorise l'intégration. "Les joueurs me demandent comment c'est Clermont, et la première chose que je leur dis, c'est que c'est une petite ville qui est folle de rugby et qu'ils ne trouveront pas d'autre endroit comme ça dans le monde. Pour eux, venir ici et jouer devant un stade plein, c'est très spécial."
Le capitaine a d'ailleurs introduit un rituel samoan cette saison avant et après chaque entraînement et match: le "pati", qui consiste à taper puis se frotter les mains pour "se concentrer immédiatement". La greffe a pris. "Cela me rend très heureux que les Français l'aient accepté", ajoute Lee. Qui aura peut-être le "pati" heureux samedi en fin de soirée.